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Notes sur les jeunesses africaines
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November 4, 2019

Sans accorder une importance excessive aux limites démarquant les différentes tranches d’âge, les jeunes se définissent, pour l’essentiel, comme ceux dont l’âge se situe entre 18 et 35 ans, en intégrant les au-delà des 35 ans les « jeunes vieux » (ceux qui restent jeunes d’esprit, d’agir, et de manière d’être) et de « vieux jeunes » (ceux qui vieillissent très tôt dans leur mode d’être, de penser et de faire).

Ainsi, il n’existe pas une seule jeunesse africaine mais des jeunesses africaines, aux configurations variables selon les contextes socio- démographiques de chaque partie du continent. Aussi il semble difficile de prétendre à l’exhaustivité sur ce thème.

Par ailleurs, les jeunes africains ne semblent pas avoir constitué un véritable objet des sciences sociales. On relève l’insuffisante connaissance social-scientifique des jeunes. Les bibliographies savantes sur les jeunesses africaines en témoignent. Le thème a connu un engouement épisodique, selon les variations des contextes mais, dans l’ensemble, il reste peu approché. L’analyse thématique permet de constater que le simple diagnostic de l’état des lieux constitue, aujourd’hui, un chantier important pour la recherche dans les différentes sciences sociales…

Les passages qui suivent constituent des coups d’œil brefs sur divers aspects de la problématique des jeunes en Afrique qui paraissent centraux quel que soit le pays concerné

Les bibliographies existantes font ressortir un certain nombre de thèmes saillants à travers deux axes principaux : le premier se rapportant à des dimensions essentielles, liées aux besoins fondamentaux des jeunesses africaines, … Le second axe renvoie aux dimensions relatives au rapport des jeunesses africaines à la politique.

  1. Questions saillantes

On en retiendra, ici, quelques-unes, telles que celles de l’éducation, du développement économique, de l’immigration

  1. La question de l’éducation

L’éducation des jeunesses africaines, comme levier du développement économique, social et politique, constitue un lieu privilégié par la réflexion et la recherche sur les jeunesses africaines. La philosophie politique classique avait mis l’accent sur l’importance du savoir et de l’apprentissage. Des auteurs ont mis en avant l’éducation comme un investissement ( parmi les premiers, par exemple, T. W. Schultz,  qui a montré qu’investir dans l’éducation favorise la croissance, et Gary Becker , avec sa théorie du capital humain). En Afrique, malgré l’amélioration de la scolarisation primaire au cours des dix dernières années, un important déficit éducatif subsiste. Les taux de scolarisation de l’enseignement secondaire et supérieur sont inférieurs au reste du monde et l’inégalité entre les sexes y est plus élevée qu’en primaire. La première priorité a été d’augmenter le taux de scolarisation primaire, qui est aujourd’hui d’environ 70 %, sans toutefois atteindre une parité entre les sexes. A cela s’ajoute que dans la plupart des pays africains, la formation technique et professionnelle officielle est négligée : moins de 5 % des élèves du secondaire suivent une formation technique et professionnelle. La situation est rendue encore plus critique par la migration d’Africains instruits et qualifiés à la recherche de meilleures perspectives, ce qui crée des déséquilibres dans le transfert de connaissances ainsi qu’une pénurie de professionnels compétents dans les établissements d’enseignement africains. Devant cet état des choses, l’objectif est de mieux adapter l’enseignement secondaire aux besoins du pays et d’améliorer la formation technique et professionnelle, afin de doter la population active des compétences nécessaires au développement d’une économie productive.

b) Jeunesse et intégration économique

Aujourd’hui, la question de l’intégration économique, sociale et politique des jeunes, population diplômée, instruite et qui demande à être employée, revêt une importance cruciale. Si l’on veut faire progresser durablement la transformation socio-économique de l’Afrique, n’est-il pas nécessaire de développer, de faire émerger, de laisser s’épanouir le potentiel des jeunes ? Il y a urgence à s’en occuper, cela concerne tous les pays du continent.

La pression sociale est telle que l’Etat ne peut pas attendre que les politiques d’édification politiques des infrastructures avancent, que des investissements arrivent, que la croissance se réalise, pour enfin absorber cette force de travail non investie et qui représente une menace pour la stabilité sociale et un facteur de brouillage au regard de toutes les réformes menées à différents niveaux.

Les programmes mis en œuvre jusque-là n’ont pas eu les effets escomptés. Des glissements, des effets pervers, contre-productifs, sont enregistrés. Parmi les problèmes, on observe, notamment sur le plan institutionnel, l’éparpillement des efforts entre différents départements comme le soulignent, d’ailleurs, nombre de rapports internationaux. La convergence est faible. Les solutions comme l’intermédiation sont loin de constituer une réponse.

Il s’agit, aujourd’hui, de mettre l’accent sur l’économie. La jeunesse a besoin d’être employée, d’être intégrée économiquement, dans une activité de production, et non seulement occupée, avant même la préoccupation politique.

Il existe, cependant, des atouts majeurs pour le succès d’une telle démarche : Il faut trouver le moyen de créer du travail le plus tôt possible dans un délai raisonnable mais court, afin de désamorcer les possibles explosions sociales. Ces atouts sont constitués par l’existence : de stratégies sectorielles consistantes et significatives ; de spécificités territoriales ; la volonté des jeunes d’accepter nombre de programmes mis en œuvre dans ce sens.

c) Jeunesse et immigration

Analyse intéressante du ministre des Affaires étrangères allemand, Heiko Maas, qui peut sûrement être recyclée pour les pays africains : les démocraties illibérales de l'Europe de l'Est vont devoir mettre de l'eau dans leur vin, de dissoudre l'État de droit et la démocratie, s'ils veulent garder leurs jeunes diplômés qui fuient aussi leur pays vers plus de liberté.
Si les Etats africains n'ouvrent pas plus grand l'espace public à plus de liberté et de démocratie, les jeunes se prononceront à leur manière, soit dans la rue, avec tous les risques de dérapage, soit jouant à saute-frontière. Les générations précédentes partaient pour offrir un monde meilleur pour leurs enfants, quitte à se sacrifier pour ceux-ci. Les jeunes d'aujourd'hui migrent pour un monde meilleur, d'abord pour eux-mêmes. Leurs enfants en profiteront, mais plus tard, quand ils naîtront

II. Le rapport de la jeunesse à la politique

Le rapport des jeunesses africaines à la politique peut être analysé à partir de plusieurs angles : l’état des politiques publiques lié à la question de la jeunesse, leur confiance dans les institutions, leurs valeurs, les défis de la radicalisation, etc…

a)Absence de politique publique spécialement dédiée aux jeunes africains

Il est peu de politiques publiques spécialement dédiées à la jeunesse dans les différents pays d’Afrique, alors que leurs jeunesses sont indéniablement pour chaque pays, un patrimoine à optimiser pour son futur. Il existe bien parfois des esquisses de « stratégie » pour la jeunesse, des feuilles de route générales, souvent des éléments concernant l’action publique dans le domaine, mais ils sont dispersés dans une série de politiques publiques autres (par exemple de l’éducation, de l’emploi, des politiques sociales diverses...). Dans tout le continent, on peut difficilement trouver une politique publique spécialement dédiée aux jeunes et concentrée sur eux.

S'il n'y a que peu de politiques publiques en direction de la jeunesse, les jeunes eux-mêmes développent une action politique sans, a priori, avoir l'ambition de devenir des politiciens, ce qui semble être source d'espoir pour l'avenir de la civilisation humaine, voire pour l'humanité.

b) Jeunesse et politique
Il y a, non pas une jeunesse africaine, mais des jeunesses. En dépit de ce pluralisme, il y a sûrement des aspirations communes de ces jeunesses. Ces aspirations ne seraient-elles propres qu'aux jeunesses africaines ? Les aspirations à plus de liberté, plus de démocratie, etc., ne sont-elles pas le fait des jeunesses de tout temps et de tout pays. Peut-être seules les formes d'expression des jeunesses changent à travers le temps et l'espace. Sans doute, ce qui peut paraître dans ces jeunesses, ce n'est plus d'être libre pour vaquer, pour jouir de la vie, mais d'être libre pour agir en responsabilité de la société, avec une injonction aux adultes, aux vieux, au genre, d'être différents (cf. Greta Thunberg, Nadia Murad, comme la jeune égérie de la Révolution soudanaise etc.). Il est fondé, de ce point de vue, de mettre aussi en valeur, aujourd’hui, la mobilisation pacifique et souriante de la jeunesse algérienne.

c) Jeunesse et confiance institutionnelle

La question de la confiance en tant que composante principale du capital social, comporte comme implications, au niveau du développement des rapports politiques et socio-économiques, des faits empiriquement attestés. L'engagement civique et la prise en charge du bien public, ne sauraient se faire aisément sans l'existence d’un strict minimum de sentiments de confiance sociale et institutionnelle. Le déficit dans l’indice général de la confiance dans l’État et ses institutions, surtout parmi les jeunes générations, pourrait constituer une menace sérieuse à l’établissement de la démocratie dans un contexte politique marqué par le pluralisme limité, pour ne pas dire autoritaire.

Dans le modèle classique de la culture politique, développée par la théorie politique ( entre autres par Almond, Verba et Pye), la confiance dans les institutions politiques fait partie prenante d’un syndrome culturel, articulé autour du modèle de citoyen faisant preuve de son allégeance à sa cité, en pleine adéquation avec l’esprit de sauvegarde des régimes démocratiques. Elle paraît, ainsi, comme une espèce particulière de capital sociopolitique générateur d’orientations affectives, cognitives et évaluatives, positives à l’égard des institutions politiques. D’où l’importance de cette variable pour la participation politique conventionnelle et la stabilité des régimes politiques. Aussi est-ce la raison pour laquelle, son opposé, la défiance politique, est mal appréciée par une part non moins importante de la littérature en sciences politiques (Crosier, Huntington et Watanuk ont vu dans la montée du scepticisme à l’égard des institutions, un signe d’érosion de la démocratie).

d) Jeunesse et radicalisation

Si on n’est pas radical quand on est jeune, difficile de le devenir plus tard. Le tout est de savoir comment transformer une saine colère contre l’ordre établi en un combat politique qui peut être radical, mais doit toujours être respectueux des autres humains. De tout temps, les jeunes sont mobilisés dans des rêves romantiques. Le problème est la panne des rêves dans son propre pays, dans son continent. Les idéologies extrémistes confessionnelles et /ou politiques - permettent d’attirer des jeunes qui ne se sentent pas inclus dans leurs sociétés. D’où le caractère primordial de leur éducation à l’esprit critique et à l’exercice de la citoyenneté

e) La jeunesse et les valeurs

L’exposition d’une frange des composantes de la société, surtout parmi les jeunes générations, aux facteurs de la modernisation (éducation, médias, urbanisation) et aux opportunités politiques qui leur sont ouvertes, suite au dépérissement de l’économie politique de l’autoritarisme, était derrière l’émergence de profils inédits sur le plan culturel et psycho-cognitif ; profils qui auraient à déployer leur énergie psychologique au-delà de la participation politique conventionnelle, notamment dans de nouvelles sphères d’engagement protestataire et associatif.

Un examen des caractéristiques personnelles, sociologiques, culturelles et psycho-cognitives de ces jeunes a permis d’avancer qu’il se présente comme le vecteur du changement politique et social et rappelle, par ses trais distinctifs, les qualités de l’homme moderne (telles que décrites dans les sciences sociales, notamment par Inglehart et Inkeles). A cet égard, il se présente comme le profil le plus prédisposé, du point de vue motivationnel et psycho-cognitif, à s’engager dans de nouvelles formes et modalités d’engagement protestataire et à investir dans le capital social au principe de l’agir ensemble. Ses qualités morales et culturelles ainsi que ses capacités cognitives, traduisent le soulagement extraverti du moi politiquement accablé dans des univers marqués du sceau de l’altérité.

De manière générale, ces indicateurs suggèrent qu’il ne s’agit pas d’une entrée dans un nouvel âge de l’apathie politique. Il convient, ainsi, de parler plutôt de mutation que de déclin de la citoyenneté. Lesdits indicateurs doivent, surtout, être resitués dans une appréhension plus large des transformations de l’implication citoyenne.

Dans les circonstances actuelles, dans de nombreux pays, il semble nécessaire de rehausser le niveau de la question de la jeunesse au rang de grande priorité nationale. En raison de la pression sociale massive qu’elle représente dans l’ensemble des pays, il s’impose de déployer une démarche à la mesure du phénomène.

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