Publications /
Opinion

Back
La Banque mondiale et le Maroc : bilan d’étape de plusieurs années de collaboration
Authors
March 13, 2024

Le 20 février 2024, le Policy Center for the New South et la Banque mondiale ont mis à profit  l’organisation d’un événement pour échanger sur les résultats d'une récente évaluation du partenariat entre le Royaume et l’institution de Bretton Woods . Cette rencontre a été l’occasion de revenir sur les accomplissements, les défis rencontrés et les opportunités à venir afin d’orienter la collaboration future entre les deux parties.

Au cours des 15 dernières années, le Maroc et la Banque mondiale ont travaillé de concert pour promouvoir le développement économique et social du pays. Cette période a été marquée par un engagement continu du Maroc à mettre en oeuvre des réformes structurelles et à amorcer une transition vers un nouveau modèle de développement. En réponse à ces priorités nationales, la Banque mondiale a adapté son assistance financière et technique et a axé sa stratégie sur trois domaines, le développement du secteur privé, le capital humain et le développement durable. Avec un investissement d’environ 16 milliards de dollars entre 2011 et 2024, la Banque mondiale a consolidé sa position en tant que principal partenaire de développement du Maroc.

 

Des collaborations essentielles pour un impact concret

En 2010, le Maroc occupait le 128ème rang sur les 180 pays du classement Doing Business de la Banque mondiale. Cette mauvaise place a accéléré l’action du gouvernement pour améliorer sa position et enclencher une réforme plus large du climat des affaires. Pour accompagner cette volonté, la Banque mondiale s’est associée au Comité National de l’Environnement des Affaires (CNEA) pour mettre en œuvre des réformes spécifiques, telles que la simplification des procédures de création d'entreprises et la suppression du capital minimum requis pour une société à responsabilité limitée, désormais fixé à zéro. De plus, des initiatives ont été lancées pour élargir l'accès au financement en éliminant les obstacles à l'obtention de crédit et en étendant le réseau bancaire aux régions les moins développées. Cette collaboration a conduit à une amélioration significative du classement du Maroc, passant à la 53ème place en 2020, illustrant ainsi un exemple de collaboration réussie entre la Banque mondiale et le gouvernement marocain.

La collaboration entre la Banque mondiale et le Maroc s'est étendue à divers secteurs, notamment celui du capital humain, avec, entre autres objectifs,  la modernisation du système de protection sociale. La Banque mondiale a joué un rôle prépondérant aux côtés du ministère de l'Intérieur dans la conception et la mise en œuvre des mécanismes de ciblage des transferts aux ménages. Cette collaboration technique a conduit à l'établissement du Registre national de la population et du Registre social unifié, jetant ainsi les bases d'une réforme plus globale du système de protection sociale initiée par le pays à partir de 2020.

Dans le domaine du développement durable, des mesures ont été prises, entre autres, pour renforcer la résilience du pays face aux risques climatiques, avec un accent particulier mis sur la prévention des catastrophes. Cette collaboration s'est également étendue à une gestion plus efficace des ressources naturelles, comprenant des initiatives visant à améliorer l'utilisation de l'eau et à réduire la production de déchets solides.

 

Ces champs de collaboration qui ont besoin d’être ‘’boostés’’

Les multiples champs d’action commune entre la Banque mondiale et le Maroc n’ont pas toujours atteint les objectifs escomptés. Sur le secteur privé, par exemple, et malgré la volonté partagée de renforcer la concurrence et de promouvoir des pratiques commerciales équitables, des obstacles persistants entravent toujours le développement des TPE/PME et freinent leur capacité à contribuer pleinement à la croissance économique et à la création d'emplois. Selon le diagnostic de la Banque mondiale, en dépit des différentes mesures prises en leur faveur pour faciliter leur accès au financement, réduire les délais de paiement, ou améliorer leur gouvernance, ces entreprises évoluent dans un environnement fiscal contraignant et font face à des avantages distorsionnaires qui favorisent plutôt les entreprises publiques.

De même, la Banque mondiale admet que son soutien au gouvernement a eu un impact limité sur l'employabilité des jeunes et la participation des femmes à la population active. Les efforts de collaboration étaient insuffisants et fragmentés et le fossé entre les aspirations et les réalisations fait ressortir l'importance d'approfondir le dialogue et d'impliquer un plus large éventail d'acteurs dans ce genre de questions transversales.

Plus généralement, l'une des limites identifiées de cette coordination réside dans les difficultés de collaboration entre l’institution internationale et les différentes agences gouvernementales, centrales ou locales. Ceci a engendré, selon la Banque mondiale, des incohérences dans les réformes multisectorielles complexes, ainsi que des difficultés à les concrétiser.

 

Un partenariat  basé sur la confiance et l'échange d'expertise

Au-delà de la nature et de la qualité des résultats de ce partenariat pour le développement, la collaboration entre le Maroc et la Banque mondiale a toujours et continuera à être ancrée sur trois piliers fondamentaux. Tout d'abord, le dialogue ouvert et constructif permettant un échange  d'expertise et de perspectives entre les deux parties. Un exemple concret de cette approche réside dans le Mémorandum Économique du Pays élaboré en 2017 par la Banque mondiale. Ce document a joué un rôle crucial dans l'initiation d'un débat national approfondi sur le nouveau modèle de développement du Maroc.

La relation entre le Maroc et la Banque mondiale s’est aussi caractérisée par une confiance mutuelle et un apprentissage réciproque. La Banque mondiale reconnaît et valorise les expériences et les connaissances du Maroc, qui enrichissent sa propre réflexion en matière de développement. Cette dynamique permet un échange fructueux d'expertise et de meilleures pratiques, contribuant à l'amélioration des interventions de la Banque mondiale dans d'autres pays.

Enfin, le respect de la souveraineté et des priorités du Maroc a été une constante. La Banque mondiale s'est engagée à respecter les choix du Maroc et à aligner son soutien sur ses priorités nationales de développement. Le Nouveau Modèle de Développement du Maroc constitue la feuille de route pour la collaboration future, garantissant une vision commune et partagée entre les deux parties.

RELATED CONTENT

  • April 30, 2020
    Face à la pandémie du COVID-19, un plan d’action a été établi autour de trois axes : santé, économie et ordre social. Dans chacun de ces champs, le concours des institutions publiques, du secteur privé et des membres de la société civile a permis jusque-là de limiter les dégâts et d’avoir un certain contrôle sur la pandémie. Sur le plan sanitaire, l’intervention vise une maîtrise de la progression de la maladie pour une meilleure absorption des flux par le système de santé, aux moy ...
  • Authors
    April 30, 2020
    La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) est souvent présentée comme étant le système d’intégration régionale le plus dynamique du continent africain. Les Conférences des chefs d’Etat et de Gouvernement y sont régulières, les citoyens de la Communauté disposent d’un passeport commun et les discussions sur une monnaie unique sont à l’ordre du jour. Néanmoins, le modèle de la CEDEAO souffre de deux paradoxes majeurs. Les paradoxes africains Le premier pa ...
  • Authors
    Youssef El Jai
    April 28, 2020
    Dans le combat contre la pandémie du Covid-19, le Maroc a choisi de fermer ses frontières aériennes, maritimes et terrestres pour contenir la propagation du virus. En décrétant, par la suite, un confinement strict, les autorités actaient l’arrêt partiel de l’économie, avec la mise en place de mesures d’aide en faveur des catégories précaires et des entreprises rencontrant des difficultés sous la houlette du Comité de Veille économique (CVE). Le ralentissement de l’économie a conduit ...
  • April 27, 2020
    Avec moins de 200 décès à ce jour, le Maroc a su enrayer l’épidémie de Covid-19. Mais le pays redoute une explosion de la pauvreté. Pour Karim El Aynaoui, président du Policy Center for the New South, il est essentiel de repenser l’économie marocaine. Bientôt deux mois après le premier cas déclaré de Covid-19, diagnostiqué le 4 mars, le Maroc est parvenu en grande partie à conjurer la menace sanitaire. Sur les presque 21 000 tests faits au 23 avril, il compte ainsi 17 295 cas négat ...
  • Authors
    Leila Farah Mokaddem
    April 24, 2020
    Alors que les pays africains semblaient être épargnés par le coronavirus en début de crise, il apparait clairement aujourd’hui que ces derniers souffriront également des retombées négatives de cette pandémie. Compte tenu du nombre de cas relativement bas en comparaison avec les autres régions du monde, les systèmes de santé ne sont pas encore soumis à la pression observée ailleurs mais cela ne saurait tarder. Cependant, les effets négatifs sur l’économie sont eux déjà largement per ...
  • April 24, 2020
    This paper aims at evaluating the virtual water content in trade in an intra-country perspective and discussing potential tradeoffs between the use of natural resources and value added creation. We develop a trade-based index that reveals the relative water use intensities associated with specific interregional and international trade flows. The index is calculated considering the measures of water and value added embedded in trade flows associated with each regional origin-destinat ...
  • April 6, 2020
    Depuis l'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange (ALE) entre le Maroc et l'Union européenne (UE), il y a près de deux décennies, les performances des exportations marocaines vers les marchés de l'UE ont été plutôt décevantes, tandis que le déficit commercial du Maroc avec l'UE a augmenté de manière significative. Cela a conduit de nombreux observateurs à percevoir l'accord d'un oeil critique. Cependant, les balances commerciales bilatérales ne sont pas toujours suffisantes po ...
  • Authors
    Youssef El Jai
    April 1, 2020
    « Economists have a bad track record in predictions, so I will not try my hand at predicting the effect of the novel coronavirus (COVID-19) on the global financial system or the global economy. » Thorsten Beck */ /*-->*/ /*-->*/ Comme le dit si bien Thorsten Beck, il serait illusoire de prévoir à ce stade, compte tenu de l’information disponible, un impact chiffré de la crise sur l’économie. A l’issue de son Conseil du17 mars 2020, Bank Al-Maghrib a annoncé une baisse du taux d ...
  • March 9, 2020
    The Moroccan diaspora contributes in major ways to Morocco’s economic development. Moroccan migrants ease the country’s chronic unemployment and underemployment problems, send remittances, invest in the home country, and typically visit Morocco frequently as tourists. In addition to that migrants usually retain close links with Morocco, and help in less direct ways to forge trade and third-party investment links between Morocco and their host countries. Drawing on the relatively sma ...
  • February 14, 2020
    L’écosystème aéronautique marocain représente l’un des plus beaux cas de réussite industrielle dans un pays en développement. Bien sûr, le Maroc ne produit pas d’avions. Le marché mondial de l’aviation est dominé par un duopole constitué de l’Américain Boeing et de l’Européen Airbus. Une suprématie écrasante, renforcée encore récemment par l’acquisition des divisions commerciales des deux derniers concurrents significatifs dans le domaine des monocouloirs courts courriers : le Canad ...