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Opinion
La Journée mondiale de la justice sociale est célébrée ce 20 février 2025 sous le thème « Renforcer une transition juste pour un avenir durable » et se tient dans un contexte marqué par une régression des engagements internationaux creusant les écarts et mettant en péril la justice sociale partout dans le monde. Le changement climatique constitue une menace sérieuse à son développement économique et humain.
Au Maroc, les changements climatiques extrêmes ont entrainé une réduction drastique des précipitations, une exacerbation de la sécheresse, et des changements dans la fertilité des sols. Des phénomènes inverses, tels que les inondations ou les vents violents, causent des dégâts sur les cultures et les infrastructures hydroagricoles. Cela affecte directement la productivité agricole, menaçant la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance des familles. Celles dirigées par des femmes n’ont pas d’autres alternatives et leur mobilité se trouve réduite à cause du poids de la famille et des normes sociales.
En outre, le modèle agraire intensif axé sur l’exportation épuise les sources hydriques et favorise une migration du rural vers l’urbain dans des conditions ne permettant pas d’intégrer ces populations dans des environnements viables qui respectent leur dignité et répondent à leurs besoins.
La dégradation de l’écosystème appelle à des actions urgentes en vue du renforcement de la résilience des populations concernées.
Les femmes marocaines, en particulier dans les zones rurales, sont parmi les plus touchées par les effets des changements climatiques, mais elles sont aussi des agents clés de résilience et d’adaptation. Pour que les politiques climatiques soient efficaces et équitables, elles doivent inclure une perspective de genre et renforcer la résilience des femmes en soutenant leur accès à l’éducation, aux ressources et aux décisions. Un développement inclusif et sensible au genre en plus de favoriser un environnement viable conformément à l’ODD (Objectif de développement durable) 7 est essentiel pour que les communautés puissent faire face aux défis environnementaux de manière durable. Le gouvernement est appelé à apporter une réponse globale afin de soutenir un développement durable du monde rural. Cette approche doit être élaborée de façon inclusive où la voix des femmes doit être entendue.
Le rôle des femmes rurales dans l’adaptation et l’atténuation des changements climatiques doit être renforcé à travers leur autonomisation. Cela leur permettra de réaliser leur bien-être, exercer leur citoyenneté et contribuer au développement de leurs communautés et de leur pays, conformément aux engagements du Maroc dans le cadre des ODD 2030 et dans le cadre de l’Agenda africain 2063.
La Banque Mondiale (BM) identifie « cinq systèmes clés – l’énergie, l’agriculture, l’alimentation, l’eau et la gestion des terres, les villes, les transports et l’industrie manufacturière – qui sont responsables de 90 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre et représentent des domaines d’intervention sectoriels critiques où les objectifs de genre peuvent être atteints simultanément. »
Afin de relever les défis du monde rural dans un contexte climatique complexe, il est nécessaire de mettre en place des mécanismes pour assurer la participation des femmes.
Des programmes de formation et de renforcement des capacités en agriculture durable : de nombreuses ONG et agences gouvernementales forment les femmes rurales à des pratiques agricoles résilientes, telles que la gestion durable de l'eau et l’agroforesterie. Ces formations les aident à mieux s’adapter aux conditions climatiques changeantes. Elles leur permettent de bénéficier des systèmes et chaînes de valeur agroalimentaires. Cependant, ces formations doivent se tenir à une plus grande échelle, figurer dans les plans gouvernementaux et tenir compte des réalités spatiales, des spécificités territoriales et culturelles de chaque région.
Projets d’énergie renouvelable : des projets de développement de l’énergie solaire et éolienne dans les zones rurales offrent de nouvelles opportunités économiques pour les femmes. Ces initiatives méritent d’être développées davantage en y incluant les femmes, vu leur potentiel dans la réduction de la dépendance des ménages aux combustibles fossiles coûteux et polluants. L’électrification, à titre d’exemple peut changer la condition des femmes. « Une étude de la Banque Mondiale révèle que l’électrification améliore tous les facteurs d'autonomisation des femmes et est associée à une augmentation de 11 points du pourcentage de l’indice global d’autonomisation »
Participation accrue des femmes dans la gouvernance climatique : les initiatives liées aux politiques environnementales et climatiques doivent encourager la participation des femmes à la prise de décision, en s’assurant que leurs voix sont entendues et que leurs besoins spécifiques sont pris en compte dans les stratégies d’adaptation nationale.
Accès aux nouvelles technologies dans des formats innovants et simplifiés qui tiennent compte du niveau d’alphabétisation des femmes. On peut concevoir, par exemple, des applications qui fournissent les informations nécessaires dans les parlers arabe et amazigh. Ces informations peuvent porter sur les points d’eau les plus proches, les mesures de sécurité à adopter et des conseils relatifs aux projets ou encore recevoir des alertes sur la météorologie.
Accès à la terre : le droit des femmes à la propriété foncière doit être préservé tant contre le modèle patriarcal qui prive les femmes de la terre que contre la spoliation par les grandes entreprises extractives ou des sociétés d’exploitation forestière. De tels actes doivent être considérés comme des violations des droits que la loi doit réprimer.
Programme de protection sociale : les structures du modèle familial traditionnel se sont érodées, la présence accrue de l’informel et l’absence de services sociaux privent les femmes rurales de leurs droits socio-économiques et freinent leurs aspirations professionnelles. Les fonds dédiés aux catastrophes naturelles doivent comporter une dimension genre qui reconnait les besoins spécifiques des femmes.
Réglementation du marché rural : cela exige une réglementation spécifique flexible et à géométrie variable qui tient compte des différents environnements. Les droits qui régissent l’accès des femmes rurales au travail doivent être vulgarisés, ce qui appelle à des campagnes de sensibilisation continues pour favoriser une prise de conscience collective chez les femmes et chez les hommes.
Évaluation des programmes : des mécanismes d’évaluation doivent permettre de statuer régulièrement sur l’efficacité des programmes dédiés à l’atténuation des effets du changement climatique sur les femmes en milieu rural. Ils doivent également permettre de dresser de façon périodique le bilan des programmes, leurs retombées sur les femmes et leurs familles. Ces évaluations permettront d’ajuster et d’adapter les programmes aux changements qui interviennent tout en capitalisant sur les avancées. À long terme, la collecte des données et leur compilation serviront à mesurer l’impact de l’intégration des femmes sur le taux de croissance à une plus grande échelle.
L’approche genre doit reposer sur l’analyse des besoins des femmes et leur apporter les réponses appropriées, tant au niveau de la planification que celui de l’allocation des moyens, et la participation sur un même pied d’égalité que les hommes dans tous les processus d’élaboration et de mise en œuvre des stratégies et plan gouvernementaux.