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Policy Paper
La présence chinoise en Méditerranée fait l’objet d’interrogations croissantes au sein des diplomaties des pays du Maghreb comme d’Europe du Sud. En effet, ces cinq dernières années, la Chine décline avec un activisme croissant ses priorités nationales à l’échelle méditerranéenne. Cet activisme peut se résumer en trois axes principaux : création de forums de coopération sectorielle Chine-Europe du Sud, investissements dans les infrastructures de transport, énergétiques et de télécommunications, conduite d’exercices militaires en Méditerranée dans le cadre d’un développement global de la présence maritime chinoise.
Certes, c’est avant tout en mer de Chine orientale et occidentale, zone qui englobe plusieurs des intérêts dits « fondamentaux » du pays, que la Chine concentre ses efforts et élabore une stratégie, face à une présence américaine que Pékin considère comme illégitime. Il est difficile d’identifier à ce stade une stratégie chinoise qui s’appliquerait à l’ensemble du pourtour méditerranéen, alors que les institutions chinoises prenant part au processus de décision continuent d’approcher la région par sous-zones (Europe du Sud, Afrique du Nord, etc.).
Toutefois, le déploiement de la présence maritime chinoise en Méditerranée pose déjà un certain nombre de questions économiques : le port du Pirée est devenu un point d’entrée important des produits chinois en Europe, et les investissements chinois dans les infrastructures de transport commencent à affecter l’activité des autres hubs portuaires et logistiques traditionnels de la zone (Rotterdam, Anvers ou Hambourg notamment).
À terme, se pose la question des retombées géopolitiques et de sécurité des investissements chinois en Méditerranée. De plus en plus de pays méditerranéens – en particulier ceux bénéficiant d’investissements chinois massifs – pourraient être enclins à soutenir les positions chinoises dans la région et au-delà – en mer de Chine du Sud par exemple ; ou à développer la coopération maritime civile et militaire avec Pékin.
En parallèle, les nouveaux forums sous-régionaux promus par la Chine pourraient remettre en cause le cadre politique, mais aussi idéologique, défendu par l’Union européenne dans certains pays méditerranéens. Alors qu’elle mène une politique d’investissement tous azimuts depuis la crise de l’euro – multipliant les investissements dans les pays les plus touchés par la crise –, la Chine n’hésite plus à souligner les faiblesses de Bruxelles et à se positionner en marché alternatif face à ces pays. Dans les prochaines années, il n’est pas exclu que Pékin cherche à y promouvoir plus activement un modèle de développement et de gouvernance alternatif, se positionnant en exemple, comme elle le fait déjà pour un nombre croissant de pays faisant face à des difficultés économiques. Face à cet activisme, soutenu notamment par des programmes de formation destinés aux fonctionnaires et ingénieurs et une stratégie de communication en langue locale, certains pays du pourtour méditerranéen seront plus que jamais confrontés à une question de fond, celle du mode de gestion de leurs enjeux intérieurs et a fortiori du choix de leur système politique.