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Policy Paper
Le marché du travail marocain traverse des défis structurels majeurs, avec un taux de participation relativement faible (43,5 %) et encore plus marqué chez les femmes, dont la participation reste inférieure à 20 %. Le chômage, quant à lui, est élevé, particulièrement parmi les jeunes diplômés, atteignant 30 %, et une grande partie de l'emploi urbain se trouve dans le secteur informel, représentant entre 20 et 40 % des emplois. Ce marché est également marqué par des disparités régionales importantes, avec un produit intérieur brut (PIB) concentré principalement dans certaines zones, et les défis liés à la digitalisation et au changement climatique impactent particulièrement l’agriculture et l’emploi.
Dans ce contexte, la Feuille de route pour l’emploi, visant à réduire le chômage à 9 % d'ici 2030, constitue un projet ambitieux. Elle prévoit la création de 1,45 million de nouveaux emplois grâce à un budget de 15 milliards MAD et la modernisation de la gouvernance du marché du travail. Bien que cette feuille de route représente une vision ambitieuse pour un marché du travail plus inclusif et résilient, son succès dépendra d’une mise en œuvre rigoureuse et d’une adaptation continue aux réalités économiques.
Le programme met en place des axes stratégiques pour soutenir les très petites, petites et moyennes entreprises (TPME), avec un budget de 12 milliards MAD, visant à stimuler la création d'emplois, faciliter l'accès aux financements, et encourager l'exportation. Il prévoit également un renforcement des politiques de l'emploi avec un budget de 2 milliards MAD pour augmenter l'insertion professionnelle des jeunes et promouvoir la formation en alternance. D'autres initiatives comprennent la réduction des pertes d'emplois agricoles (1 milliard MAD), la mutualisation des financements publics pour l'emploi, le renforcement de l’ANAPEC pour mieux accompagner les chercheurs d'emploi, et des efforts pour faciliter l’accès des femmes au marché du travail, avec des mesures spécifiques de transport et de garde d'enfants. Des initiatives contre le décrochage scolaire sont aussi mises en place avec l’objectif de réduire le nombre de décrocheurs, ainsi qu'une réforme du système de formation professionnelle pour l'adapter aux besoins du marché. Les horizons temporels sont répartis entre le court, moyen et long terme pour assurer une transition efficace et durable.
L'un des apports de ce papier est d'élaborer des scénarios pour examiner les différentes trajectoires possibles du marché du travail au Maroc. Ces scénarios offrent une analyse détaillée des options qui s'offrent au pays pour atteindre les objectifs de la Feuille de route pour l’emploi, tout en tenant compte des défis économiques et structurels actuels. En construisant ces scénarios, le
papier permet de mieux comprendre les conditions nécessaires à la réduction du chômage, la création d'emplois et la modernisation de la gouvernance du marché du travail. Ces projections fournissent également un cadre pour évaluer l'impact potentiel de différentes politiques économiques et sociales, offrant ainsi une feuille de route plus éclairée pour les décideurs politiques.
Les projections sur les différents scénarios du marché du travail révèlent des écarts notables. Le scénario 1, qui anticipe une réduction du chômage à 9 % d’ici 2029, apparaît ambitieux, nécessitant une croissance du PIB de 7,9 % par an, soit un rythme bien supérieur à la tendance actuelle de 3,5 %. Le scénario 2, plus prudent, envisage une absorption progressive des nouveaux entrants sur le marché avec une croissance du PIB de 4 %, générant 500 000 emplois supplémentaires, ce qui semble plus atteignable. Le scénario 3, visant une diminution du chômage à 6,65 %, requiert une croissance du PIB de 10,4 %, un objectif exigeant sans transformations majeures. Enfin, le scénario 4, qui prolonge les tendances actuelles, projette un taux de chômage de 11,9 % en 2029, soulignant les défis à relever pour atteindre l’objectif de 9 % sans réformes significatives.
Dans ce contexte, le levier clé est d’augmenter l’élasticité emploi-croissance. L’élasticité actuelle de 0,23 signifie qu’une hausse de 1 % du PIB n’entraîne qu’une hausse de 0,23 % de l’emploi. Cela passe par des réformes visant tout d’abord à accélérer la transformation structurelle de notre économie, mais également à :
- Stimuler les secteurs à forte intensité d’emploi (TPME, industries locales, services, agro-industrie),
- Améliorer l’environnement des affaires pour attirer davantage d’investissements créateurs d’emplois,
- Réduire les rigidités du marché du travail afin de favoriser l’embauche, notamment pour les jeunes et les femmes.
Dans ce sens les pistes d’optimisation englobant l’accélération de la création d’emplois sont essentielles, en soutenant les petites et moyennes entreprises (TPME), en modernisant la formation professionnelle et en stimulant l’emploi agricole. L’optimisation de la gouvernance est également cruciale, avec la création d’un comité interministériel, le renforcement de l’ANAPEC et la mise en place d’un système d’information intégré. L’inclusion et l’équité doivent être renforcées, avec des initiatives pour favoriser l'insertion des femmes, réduire le décrochage scolaire et encourager la formalisation de l’emploi. Par ailleurs, il est important de se concentrer sur les secteurs d’avenir, tels que les emplois verts, la digitalisation et les investissements directs étrangers (IDEs).