Publications /
Opinion

Back
Daron Acemoglu, Simon Johnson et James Robinson sacrés Prix Nobel d’économie 2024
October 16, 2024

Depuis que l’économie a été reconnue par les Nobel, en 1969, c’est à elle que revient de clore la semaine des cérémonies consacrées à la remise des prix. C’est ainsi que le 14 octobre 2024 trois hommes ont été nominés par l’Académie suédoise : un économiste turco-américain, Daron Acemoglu (MIT), un économiste britannique Simon Johnson (MIT) et un économiste américain James A.Robinson de l’Université de Chicago. Trois lauréats qui travaillent dans des universités américaines reconnues, distingués « pour leurs études sur la façon dont les institutions sont formées et affectent la prospérité ». Acemoglu est le troisième Turc lauréat Nobel, après le biologiste Aziz Sancar en 2015 (Chimie), et Orhan Pamuk, littérature, en 2006. Il est donc aussi le premier économiste  diplômé du lycée de Galatasaray, en 1986, à être nominé par les Nobel. Tous trois ont également en commun d’avoir étudié au Royaume-Uni avant de rejoindre les universités américaines.

Daron Acemoglu, sans doute le plus connu des trois, est un auteur prolifique puisqu’il a à son actif quelque 200 articles et plusieurs best Sellers, dont certains co-écrits avec James Robinson et Simon Johnson. Avec James A Robinson, il publie   deux ouvrages : ‘’Why Nations fail :The Origins of Power ,Property, and Poverty ‘’(New York, Crown Business   2012), et ‘’The Narrow Corridor : States, Societies, and the fate of Liberty ‘’ (Penguin  Press 2019) traduits en français. Et avec Simon Johnson, qui fut également   de mars 2007 à août 2008 économiste en chef du Fonds monétaire international (FMI) il publie ‘’ Power and Progress ‘’ (Penguin Random   House, en 2023 qui sera publié en français au mois de novembre 2024, par Pearson). C’est une équipe qui est ainsi nobélisée, avec un leader incontesté, dont le nom avait déjà été cité en 2023 comme lauréat potentiel.

Lors de la cérémonie, le président du Comité du Prix en Sciences économiques, Jakob Svensson, a tenu à rappeler que la réduction des « énormes différences de revenus entre les pays est l’un des plus grands défis de notre époque ». Les travaux des lauréats 2024 portent   sur   les inégalités entre pays, cherchant à mettre en évidence les raisons pour lesquelles certaines de ces inégalités sont persistantes, par exemple celles observées dans le niveau de revenu par habitant et par pays. Et pour cela, ils placent au centre de cette problématique les institutions qui, dans de nombreux cas, ont été développées par de nombreux États à partir de leur histoire coloniale.

Parmi les nombreux apports salués par le Jury, nous en avons privilégié deux :

  • Le premier est celui qui met en évidence l’influence des institutions sur la prospérité économique ; rappelant que la répartition actuelle des revenus entre pays est la conséquence d’institutions introduites à l’époque de la colonisation. Beaucoup d’anciennes colonies étant moins développées, moins riches que les pays européens qui les avaient colonisées. Cela va permettre aux colonisateurs d’exporter des institutions souvent européennes, favorables à la croissance qui, en se pérennisant, vont finir par enrichir les pays colonisés.
  • Le second est d’expliquer pourquoi et comment   les institutions évoluent. Et ce, en s’interrogeant   sur les raisons qui poussent   les dirigeants autocratiques à étendre le suffrage universel, transformant une autocratie en démocratie. Et ce parce qu’ils ont peur d’une révolution. En plaçant l’inégalité au cœur du changement institutionnel, les régimes autocratiques qui souhaitent rester   au pouvoir, tout en évitant une révolution, n’ont pas véritablement le choix. C’est pourquoi ils finissent toujours par transférer, totalement ou partiellement, ce pouvoir au peuple. Ce qui permet à ce dernier, d’espérer et de croire   à la mise en place des politiques répondant à ses attentes.

Une nomination qui fait débat, à tort. Dès le lendemain de la remise du Prix Nobel aux trois économistes, soit le15 octobre, Rakesh Bhandari, de l’Université de Berkeley, dénonce une décision très politique, allant jusqu’à parler de « manifeste du parti bourgeois ». C’est faire peu de cas d’un travail salué par un Jury qui a toujours montré une grande indépendance par rapport au politique. Jury qui rappelle dans ses attendus que « les lauréats ont été les pionniers de nouvelles approches, à la fois empiriques et théoriques, qui ont fait progresser de manière significative la compréhension des inégalités mondiales ». Ces recherches ne ferment pas la porte à d’autres contributions. Pionniers d’une nouvelle approche qui ne demande qu’à être enrichie. Entre le Jury et les détracteurs de sa décision, qui fait de la politique ? Celui qui n’hésite pas à placer le débat au plan politique, ou celui qui n’en parle pas ?  

Avec   ces travaux, qui font suite à ceux de Claudia Goldin, lauréate en 2023, pour sa contribution aux inégalités des femmes sur le marché du travail, le Comité Nobel rappelle aussi que l’économie ce n’est pas seulement l’allocation efficace des ressources, mais aussi les conséquences de cette optimisation pour une meilleure équité dans  leur redistribution.

 

RELATED CONTENT

  • Authors
    Aleksandra Chmielewska
    April 17, 2020
    Covid-19 has already put severe pressure on the global economy. Within four months since the first cases of coronavirus were confirmed in China in December of 2019, millions of people have lost their jobs worldwide due to the crisis and the imposed lockdown to prevent the spread of the virus. The forecasts are gloomy. According to the International Monetary Fund, the pandemic will trigger negative growth in over 170 countries and might therefore bring a worse economic recession than ...
  • Authors
    April 17, 2020
    The COVID-19 pandemic threatens to wreak more havoc in developing countries than in developed countries, because of the crumbling healthcare systems and infrastructures in the former, their inadequate budgetary resources, shallow financial systems, and weak government authority and capability. This impact has not yet shown up in cross-country data, possibly reflecting extensive under-reporting and/or less testing for COVID-19 done in developing countries. Policymakers in these count ...
  • Authors
    Meriem Oudmane
    April 16, 2020
    La crise sanitaire du Covid-19 a montré plusieurs fragilités et limites du système économique mondial. En plus de son impact très négatif sur l’économie, cette crise a des impacts sociaux très inégaux et qui varient d’une couche sociale à une autre. Elle a un impact dévastateur sur les ménages pauvres qui n’ont pas suffisamment d’épargne et de ressources financières et ceux ayant des emplois vulnérables[1]. Si le télétravail est une option pour certains, ce n’est pas le cas pour plu ...
  • Authors
    Sahil S.R. Shah
    April 15, 2020
    As with the rest of the World, the impact of COVID-19 in Kenya has stretched beyond the sphere of healthcare and the spread of the actual virus, as economic development outcomes are expected to be seriously affected by the disruption caused both globally and locally. In fact, one of the working hypotheses of the impact of COVID-19 on African nations is that the substantive impact of the virus on livelihoods will occur less from health-related issues than the economic shock, disrupt ...
  • Authors
    Co-signed by
    and 50 African intellectuals
    April 13, 2020
    50 African intellectuals including Kako Nubukpo, Alioune Sall, Carlos Lopes, Cristina Duarte, Felwine Sarr, Achille Mbembe, Reckya Madougou, Souleymane Bachir Diagne, Franck Hermann Ekra and Hakim Ben Hammouda co-signed this call to mobilize the intelligence, resources and creativity of Africans to defeat the COVID-19 pandemic. Severe Acute Respiratory Ryndrome Coronavirus 2, (SARS-CoV-2), is the scientific name for the virus responsible for a highly contagious and potentially fata ...
  • Authors
    Co-signée par
    et 24 intellectuels africains
    April 13, 2020
    Vingt-cinq intellectuels africains dont Kako Nubukpo, Alioune Sall, Felwine Sarr, Achille Mbembe, Reckya Madougou, Souleymane Bachir Diagne, Franck Hermann Ekra et Hakim Ben Hammouda cosignent cet appel à la mobilisation des intelligences, des ressources et de la créativité des Africains pour vaincre la pandémie de Covid-19. Covid-19 est le nom scientifique du virus responsable d’une maladie respiratoire très contagieuse pouvant devenir mortelle. Épidémie puis reclassée pandémie pa ...
  • Authors
    Yonas Adeto
    Thomas Gomart
    Paolo Magri
    Greg Mills
    Karin Von Hippel
    Guntram Wolff
    April 9, 2020
    في وقت توجه فيه كل دول العالم تركيزها نحو الشأن الداخلي لمواجهة وباء فيروس “كورونا”، أكد العديد من الباحثين المغاربة والأجانب في الشأن الاقتصادي والسياسي على ضروة التفكير بطرق يستطيع من خلالها فاعلون خارجيون تقديم المساعدة للدول الفقيرة، “ويجب أن تتم الاستجابات في إفريقيا من خلال تنفيذ أفضل الممارسات فيما يتعلق بالتعاون الدولي”. وفي ذات السياق دعا الخبراء، وجلهم مسؤولون عن مراكز دراسات أوربية وإفريقية ذات صيت عالمي، من بينهم الخبير الاقتصادي المغربي كريم العيناوي، مدير مركز السياسا ...
  • Authors
    Yonas Adeto
    Thomas Gomart
    Paolo Magri
    Greg Mills
    Karin Von Hippel
    Guntram Wolff
    April 9, 2020
    Covid-19 should change global politics. The speed and scale of its transmission, and the severity of its impact is not, we know now, to our cost. As the virus rapidly tracks people vectors worldwide, the control of its impact is inextricably linked to the availability of resources and depth of governance. For these reasons, global leaders should focus on its impact among the most vulnerable, and in particular in Africa. Just three months ago, on 31 December 2019, Chinese authoritie ...
  • Authors
    Yonas Adeto
    Thomas Gomart
    Paolo Magri
    Greg Mills
    Karin Von Hippel
    Guntram Wolff
    April 9, 2020
    Alors que le coronavirus se propage à travers le monde, la capacité d’atténuer son impact est liée aux ressources disponibles et à l’efficacité des autorités publiques. Voilà pourquoi il nous paraît primordial que les dirigeants internationaux se concentrent sur les conséquences de la pandémie sur les plus vulnérables, en particulier en Afrique. Il y a trois mois, le 31 décembre, les autorités chinoises informaient le bureau de Pékin de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) d’u ...