Publications /
Opinion

Back
Europe-Afrique : It’s A Match !
Authors
Mahaut de Fougières
August 6, 2019

L'auteur est une alumni du programme des Atlantic Dialogues Emerging Leaders.

Seuls 14 kilomètres séparent les continents africain et européen. C'est un fait: nous sommes voisins ! Outre cette proximité géographique, l’Europe et l’Afrique sont liées par une histoire commune, des relations économiques, des échanges diplomatiques et de nombreux défis communs. Une véritable communauté de destin qui appelle à un partenariat fort, alors que l’Accord de Cotonou, qui régit les relations politiques, économiques et financières entre l’Union européenne et 48 pays d’Afrique subsaharienne, arrive à expiration en février 2020. Se pose, ainsi, aux deux continents la question du partenariat qu’ils souhaitent définir entre eux pour les 20 prochaines années, et du niveau d’ambition de celui-ci. C’est le sens des 12 propositions formulées par l’Institut Montaigne dans son rapport publié en juin dernier, intitulé Europe-Afrique : partenaires particuliers

Nouveau contexte, nouveau partenariat

Depuis la signature de l’Accord de Cotonou, il y a près de 20 ans, l’Afrique, l’Union européenne et le contexte international ont profondément évolué. L’UE s’est élargie à 28 Etats membres, dont certains n’ont aucun lien historique avec les pays africains. L’Afrique, pour sa part, a connu de profondes ruptures démographiques, technologiques et économiques, qui ont propulsé sa croissance et porté des changements institutionnels, comme la transformation de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) des pères fondateurs, en Union africaine (UA).

Si la croissance remarquable qu’ont connue les pays africains suscite, depuis quelques années, l’intérêt de nombreux investisseurs, tels que la Chine, l’Inde, la Turquie, le Brésil, et les pays du Golfe, l’UE demeure le premier partenaire commercial de l’Afrique. En outre, 40 % des investissements directs à l’étranger sur le continent africain viennent de l’UE et 21 milliards d’aide publique au développement ont été envoyés par l’UE et ses Etats membres en Afrique. Outre leur partenariat économique privilégié, les deux continents sont étroitement liés sur trois questions clés : diplomatie, multilatéralisme et influence internationale ; sécurité et défense ; changement climatique et mobilité humaine.

Une communauté de destin qui appelle à un partenariat fort et renouvelé entre l’UE et l’Afrique.  Pour ce faire, la vision de ce partenariat doit être centrée sur les Objectifs de développement durable (ODD) et reposer sur une meilleure connaissance mutuelle, avec comme objectif ultime la création d’emplois en Afrique.

Définir des priorités claires

Pour un partenariat et une croissance économique mutuellement bénéfiques, Europe et Afrique doivent définir et travailler ensemble sur des priorités, répondant aux défis majeurs auxquels le continent africain devra faire face, afin d’atteindre l’objectif ultime de création d’emplois.

L'environement des affaires

L’environnement des affaires n’est, aujourd’hui, pas optimal pour les entreprises étrangères souhaitant investir sur le continent africain, ce qui entrave l’attractivité des pays du continent. Les infrastructures sont un élément clé de l’attractivité - et donc de l’activité économique - d’un pays ou d’un marché. Sans route ou chemin de fer en bon état entre Dakar et Bamako, quelle entreprise étrangère ou locale peut considérer le Sénégal ou le Mali comme un grand marché, dans lequel il est intéressant d’investir ? Or, les besoins en matière d’infrastructures demeurent colossaux dans les pays africains.

L’industrialisation et l’insertion dans l’économie mondiale

L’Afrique ne représente aujourd’hui que 2 % des chaînes de valeur mondiales. L’industrie du continent, centrée en grande partie sur les matières premières, est insuffisamment compétitive et crée localement peu de valeur ajoutée. Par ailleurs, le continent africain souffre, aujourd’hui, d’un déficit de chaînes de valeur régionales africaines.

La fiscalité

Pour financer les 600 milliards de dollars par an, nécessaires au développement, les Etats africains doivent et ont le potentiel de dégager davantage de ressources domestiques, par la collecte des impôts. Cela aura également un impact sur l’attractivité des pays africains pour les entreprises, notamment européennes, qui ont tendance à être surimposées.

L’intégration régionale

Le commerce intra-africain représente moins de 18 % des échanges du continent. Si l’entrée en vigueur, en juillet 2019, de la ZLECAF, signée par 44 pays africains et ratifiée par 22, est une promesse d’amélioration de ce point de vue, celle-ci ne doit pas masquer les défis futurs de l’intégration régionale africaine. Il existe, en effet, d’importantes différences de revenus entre les pays et les capacités des institutions régionales existantes sont aujourd’hui trop faibles.

La formation professionnelle

Environ 30 millions de jeunes africains arrivent sur le marché du travail chaque année. Or, la formation professionnelle n’est pas à la hauteur des besoins du continent africain : elle est trop peu financée et inadaptée aux besoins des entreprises qui doivent souvent supporter des formations de rattrapage, pour des coûts importants, voire rédhibitoires.

Repenser les outils européens

Si l’Union européenne engage des moyens importants et mobilise une palette d’outils étendue, son action souffre tout à la fois d’un manque de visibilité, de lisibilité et d’efficacité. Afin de maximiser son impact, l’Europe doit, tout d’abord, favoriser l’assistance technique - c’est-à-dire l’apport de savoir-faire, sous forme de personnel ou de formation par exemple - à l’appui budgétaire. Alors qu’elle ne représente, aujourd’hui, qu’à peine plus de 3 % de l’aide de l’UE, l’assistance technique doit être ciblée, tout particulièrement vers le secteur privé.

De manière générale, il convient pour l’UE d’orienter ses actions vers le secteur privé européen et africain  - PME et ETI en tête. À l’heure actuelle, parmi les financements de l’UE, peu sont dédiés au secteur privé. En outre, les procédures permettant aux entreprises d’obtenir ces financements sont trop lentes et complexes - c’est là l’un des talons d’Achille de l’Europe en Afrique, notamment face aux pays émergents. Un exemple parlant : six ans de discussions ont été nécessaires entre Africains et Européens pour développer une infrastructure ferroviaire qui relie Djibouti à Addis Abeba, sans succès... tandis qu’il n’a fallu que deux ans à la Chine pour construire les rails et faire rouler un train. L’UE doit s’atteler à faciliter l’accès à ses financements pour les entreprises africaines et européennes, qui sont les plus à même de créer des emplois sur le continent africain.

Enfin, l’UE doit opérer un changement de paradigme, afin de passer d’une optique de montants engagés à une portée sur l’effet de levier généré. Cette manière de mesurer l’impact des projets financés trouve sa source dans l’engagement de la plupart des pays membres du Comité d’aide au développement de l’OCDE, dès 1970, à consacrer 0,7 % de leur RNB à l’aide publique au développement. Dans le cadre d’un tel changement de paradigme, la « blending finance », associant ressources publiques et privées, doit prendre de l’ampleur.

Alors que les négociations visant à définir un accord post-Cotonou entre l’Union européenne et le continent africain, notamment, sont en cours, il est temps de replacer cette relation au cœur des agendas européen et africain, afin de construire un partenariat à la hauteur des enjeux.

RELATED CONTENT

  • Authors
    Haizam Amirah Fernández
    Ignacio Cembrero
    Irene Fernández Molina
    December 4, 2018
    “What are the sources of tension in the Spain-Morocco relationship?” "¿Cuáles son los focos de tensión en la relación España-Marruecos?” ("What are the sources of tension in the Spain-Morocco relationship?”) is a Spanish-written article featured in the independent international-news analysis group Estudios de Política Exterior, providing an examination of Spanish-Moroccan relations written by four authors, namely OCP Policy Center's Senior Fellow, Rachid El Houdaigui. ...
  • Authors
    Bouchra Rahmouni
    November 22, 2018
    Nowadays, links between development and security are widely recognized by many, just as they were during the development of the Marshall Plan. As mentioned in the United Nations "A More Secure World" report, threats to one are intrinsically a threat to all. Thus, 17 UN-agreed goals were agreed upon to help end poverty, protect the planet, and ensure prosperity for all by 2030, including goal 16 for "peaceful and inclusive societies". Last month, the UN’s inaugural Africa Dialogue S ...
  • Authors
    Sabine Cessou
    November 1, 2018
    Le séminaire de haut niveau, organisé par OCP Policy Center ce 2 novembre 2018 à Rabat, est axé sur « La migration : réconcilier les visions du Nord et du Sud ».  Il sera question dans cette rencontre, organisée en partenariat avec le Ministère délégué auprès du ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Chargé des Marocains résidant à l’étranger, des affaires de la migration et l’IeMED, de la coopération internationale pour « lever les obstacles à la mob ...
  • Authors
    Sabine Cessou
    September 24, 2018
    La conférence « A Brave New World, Adapting to a changing security landscape », organisée par Friends of Europe, le 20 septembre 2018 à Bruxelles, a consisté en des tables rondes auxquelles ont participé Bouchra Rahmouni Benhida, Senior Research Fellow d'OCP Policy Center et Amal El Ouassif, Research Assistant, notamment sur les plus grands défis de la politique extérieure européenne. « C’était très gratifiant de voir distribuées, aujourd’hui, les conclusions sur la migration d’un b ...
  • Authors
    May 31, 2018
    بعد التنظيم الجديد للعالقات بين اإلتحاد األوروبي و دول إفريقيا، الكاريبي، و المحيط الهادئ المتوقع في شهر فبراير 2020 ،يصبح من الضروري إعادة النظر إلى إطار الشراكة بين الدول األوروبية و اإلفريقية مع طرح اقتراحات تضم عناصر جديدة من أجل تحقيق تعايش جماعي. من بين اإلجراءات الممكنة لتحقيق هذا التعايش: إعطاء األولوية للتعليم، خلق فرص الشغل للشباب عبر .التنمية اإلقليمية ، و تعزيز الشراكة بين القطاع العام و الخاص بمجال البنية التحتية. من جهة أخرى، في بلدان إفريقيا السائرة في طور النمو و الط ...
  • May 31, 2018
    With the reshaping of relations between the EU and the ACP countries (Africa, Caribbean and Pacific), and the expected revision of the ACP-EU agreement in 2020, it is essential to re-visit the framework of key partnerships between Europe and Africa and to propose efficient collaborative strategies to enhance relations. This book explores the various areas of cooperation for the renewal of African-European partnerships, notably in fields such as education, the creation of jobs for yo ...
  • May 21, 2018
    Le partenariat Afrique Europe fait son chemin depuis l'adoption de la stratégie commune Afrique-UE et la négociation complexe des Accords de Partenariat Economiques. L’évaluation des volets commercial, financier et humain de ces relations multidimensionnelles fait ressortir la persistance de grands déséquilibres dans les échanges commerciaux de biens et services, des tensions dans la gestion de la mobilité humaine et des dysfonctionnements dans les mécanismes institutionnels de part ...
  • March 23, 2018
    A un moment où l’Afrique renforce son attractivité, se dote de son propre récit et suscite l’intérêt de nouveaux partenaires, et où l’Europe traverse une crise économique et institutionnelle importante, quelles peuvent être les bases nouvelles du partenariat Union Européenne-Afrique ? Si le dernier sommet d’Abidjan, en novembre dernier, a mis l’accent sur la priorité éducative, l’appui au développement durable et inclusif, une coopération multi-secteurs, tout cela sur la base d’une ...
  • Authors
    July 7, 2017
    Ce Policy Brief traite de l’articulation entre le développement et la sécurité dans le bassin méditerranéen, ainsi que de l’implication des pays des deux rives, nord et sud, dans un partenariat assurant la sécurité nécessaire à un développement socio-économique conjoint. Les pays du Sahel prennent également part à l’analyse et conditionnent le succès des stratégies sécuritaires au Maghreb et au sein de l’Union Européenne. Le papier revient sur des exemples de pays riches mais frappé ...