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Opinion
La 7ème édition de la conférence internationale Atlantic Dialogues, organisée par Policy Center for the New South (PCNS), à Marrakech du 13 au 15 décembre 2018, a été une nouvelle occasion de débattre de manière transatlantique des grandes questions économiques et géopolitiques du moment. Sous le thème « Dynamiques atlantiques : surmonter les points de rupture », il y a beaucoup été question de la politique étrangère des Etats-Unis, mais aussi de la montée du populisme, avec l’exemple du Brésil, ainsi que de la perspective d’une nouvelle crise financière internationale.
Sur tous ces sujets, la présence de 400 invités, venus de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (25%), d’Afrique (22 %), d’Europe (21%), d’Amérique du Nord (16%) et du Sud (11%), a enrichi les débats, leur conférant leur caractère intercontinental, avec une place équilibrée pour les voix du Sud.
Dès la conversation d’ouverture sur le « populisme et la politique post-vérité : le rejet de la globalisation », l’ancienne secrétaire d’Etat américaine Madeleine Albright et l’ex-président du Cap-Vert (Cabo Verde) Pedro Pires, ont échangé sur un ton franc et ouvert. Madeleine Albright a regretté la tendance actuelle de repli des Etats-Unis, qui ne « reconnaissent plus la valeur des partenariats », tandis que Pedro Pires s’est montré critique sur le fait accompli que représente la globalisation. « Nous devons combattre ses effets négatifs, c’est-à-dire les inégalités énormes entre les Etats et à l’intérieur des pays eux-mêmes ».
La Chine au cœur des débats
Lors d’une session plénière sur « Le commerce atlantique, l’essor du protectionnisme et l’OMC », Paulo Portas, ancien ministre des Affaires étrangères du Portugal et Uri Dadush, Senior Fellow au PCNS, ont échangé sur la rivalité entre les Etats-Unis et la Chine. « Donald Trump met le doigt sur le grand problème américain, savoir qui est le principal rival des Etats-Unis », a souligné Paulo Portas. Ce n’est plus la Russie, mais la Chine, un pays qui est passé en 40 ans de 0,8 % à 12 % du commerce mondial ». Uri Dadush, de son côté, a relativisé : « Il existe un courant anti-chinois aux Etats-Unis qui consiste à dire que Pékin est allée trop loin, qu’il y a trop de distorsions dans le système et qu’il faut les corriger. L’Union européenne est tout à fait prête à une dispute sino-américaine dont elle pourrait se servir pour amener la Chine à changer. Ma lecture est que rien de tout cela n’est fondamental. Nous ne sommes pas à une procédure de divorce ».
La Chine a également été au cœur des débats lors de la plénière sur « Le démantèlement de l’ordre mondial américain ». Des voix française, britannique et indienne ont débattu des nouveaux équilibres d’un monde en mutation. « Donald Trump n’est pas capable de développer une stratégie globale, mais un consensus prévaut sur l’attitude prédatrice de la Chine à l’égard du reste du monde », indique John Sawers, ancien directeur du MI-6, le service de renseignement britannique. De son côté, la chercheuse indienne Neelam Deo, directrice de Gateway House, pense que « la contestation dans la rue résulte de la frustration liée à la désindustrialisation, qui résulte elle-même du caractère prédateur du système chinois. L’Inde va-t-elle monter en puissance ? Oui, mais graduellement. Le rythme de la croissance chinoise n’a pas de précédent ». Pour Hubert Védrine, ancien ministre français des Affaires étrangères, « le chaos va continuer, les Etats-Unis ne redeviendront jamais le maître du jeu. L’Europe et la Chine non plus. Les pays émergents n’étant pas d’accord entre eux, un système très confus est parti pour durer ».
Le risque d’une nouvelle crise financière internationale
La question, lancinante, d’une nouvelle crise internationale, dix ans après celle de la fin 2008, a aussi été abordée avec les perspectives croisées du Nord et du Sud. Othman El Ferdaous, secrétaire d’Etat marocain à l’Investissement, a rappelé qu’il existe des « risques technologiques sur les cyber-marchés, avec un algorythme qui pourrait dérailler. Mais l’événement déclencheur de la prochaine crise reste un cygne noir, que nous ne connaissons pas. Il existe déjà une crise des retraites, avec un déficit de 400 mille milliards de dollars en perspective ». L’ancienne ministre des Affaires étrangères du Salvador, Maria Eugenia Brizuela de Avila, a insisté sur l’importance de l’économie américaine, et évoqué « trois points d’inquiétude liés à la dette sur ce marché : l’emprunt, le logement et le chômage ». Deux autres experts ont relativisé les dangers d’une nouvelle crise. Edward Sicluna, ministre des Finances de Malte, pense que les banques sont mieux préparées, mais que « si des dangers séparés venaient à s’entrechoquer, ils pourraient provoquer une tempête – possible mais qui reste lointaine ». L’économiste brésilien Otaviano Canuto, Senior Fellow au Policy Center for the New South, a conclu sur une note optimiste : « L’un des acteurs majeurs responsables de la crise de 2008 n’est plus là : les banques, et particulièrement les banques européennes qui ont emprunté aux Etats-Unis. Ce qui s’est passé en Grèce, en Italie et en Espagne n’est qu’un reflet de la crise américaine. La fin des bulles aux Etats-Unis et en Europe a eu un impact systémique ».