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Policy Brief
Le marché de l’hydrogène vert est appelé à connaitre de grands bouleversements dans les années à venir avec l’émergence de nouveaux acteurs de la transition énergétique. Néanmoins, ce marché est encore tributaire du développement de la demande, de la baisse des coûts de production, de transport et de stockage, du développement d’une chaîne logistique très compétitive et de la mise en place de cadre juridique et règlementaire approprié.
Malgré les différents défis que connait ce secteur, plusieurs pays se positionnent déjà entre importateurs et exportateurs pour tirer profit de cette nouvelle dynamique dont les conséquences sont importantes en termes d’investissement aussi bien industriel, logistique que technologique, qu’en termes d’influence diplomatique et géopolitique.
Le continent africain dispose de grands atouts grâce à la disponibilité de ressources renouvelables à des prix compétitifs et grâce à sa proximité du marché européen qui mise sur l’hydrogène pour remplacer les combustibles fossiles dans des secteurs difficiles à décarboner tels que les industries d’acier, chimique et de transport.
Mais pour transformer ces atouts en de réelles opportunités viables et créatrices de richesses, les pays africains qui visent le marché de l’export devront opter pour des choix appropriés, en tant qu’acteurs de cette transformation, en termes de business modèle, de technologie et d’intégration régionale.
INTRODUCTION
La carte mondiale de l’industrie de l’hydrogène vert est en train de se dessiner, avec l’émergence de plusieurs acteurs, publics et privés, impulsée par une conjoncture favorable due à la crise énergétique générée par le conflit Ukraine-Russie, d’une part, et, d’autre part, aux engagements pris par plus de 140 États pour la réduction de leur empreinte carbone. Par ailleurs, l’accélération des avancées technologiques et le renforcement des alliances stratégiques entre différents investisseurs internationaux sont également des facteurs déterminants dans les avancées réalisées.
Le Maroc a également pris le devant grâce aux Orientations éclairées de Sa Majesté le Roi Mohammed VI lors de la réunion de travail consacrée, le 22 novembre 2022, au développement des énergies renouvelables et aux nouvelles perspectives dans ce domaine. A cette occasion, le Souverain a donné Ses Hautes Instructions à l’effet d’élaborer, dans les meilleurs délais, une «Offre Maroc» opérationnelle et incitative, couvrant l’ensemble de la chaîne de valeur de la filière de l’hydrogène vert au Royaume.
Le 3 décembre 2022, M. Mostafa Terrab, Président Directeur Général du Groupe Office Chérifien des Phosphates (OCP), a présenté devant Sa Majesté le Roi Mohammed VI un projet d’investissement vert très ambitieux de près de 13 milliards de Dollars sur la période (2023-2027) devant permettre à terme d’alimenter l’ensemble de son outil industriel en énergie verte. A cet effet, le Groupe OCP prévoit des investissements importants dans le dessalement des eaux de mer (560 Millions de m3) ainsi que la production de 1 million de tonnes d’ammoniac vert. Ces investissements permettront à l’OCP d’atteindre la neutralité carbone en 2040.
LES TENDANCES D’ÉVOLUTION DU MARCHÉ DE L’HYDROGÈNE VERT EN EUROPE
Grâce aux évolutions technologiques rapides et à la baisse du prix de l’électricité à base d’énergies renouvelables, l’hydrogène vert est de plus en plus considéré comme la ressource énergétique verte la plus prometteuse, malgré les positions sceptiques de certains experts sur son avenir.
Actuellement, l’essentiel de l’hydrogène produit est fabriqué à base de gaz naturel. Cet hydrogène, désigné « gris ou bleu », même s’il n’est pas cher présente le désavantage de ne pas répondre aux objectifs de neutralité carbone.
La viabilité de la production de l’hydrogène vert est aujourd’hui très dépendante du développement de la demande et du marché mondial, qui restent encore relativement limités (la production d’hydrogène a été de 94 millions de tonnes en 2021, dont seulement 1 million de tonnes provient de technique à faible impact environnemental).
Une utilisation plus généralisée de l’hydrogène vert à l’échelle mondiale favoriserait l’émergence de chaînes de valeur compétitives, et ouvrirait de nouvelles opportunités d’investissements viables aux pays qui se positionneraient dans ce secteur.
Le secteur de l’hydrogène vert affiche de grandes perspectives, vu qu’il peut être stocké et transporté, sans empreinte carbone et présente plusieurs applications prometteuses, principalement dans le secteur de transport. En effet, contrairement aux moteurs électriques, ceux à hydrogène vert ne nécessitent pas de temps de recharge.
Le secteur de l’énergie représente également un marché à fort potentiel, particulièrement pour ce qui concerne la production de l’électricité par des turbines à gaz ou des piles à combustibles. L’alimentation des industries lourdes, telles que le secteur de cimenterie, les raffineries, les sidérurgies, constitue également un domaine très prometteur pour l’utilisation de l’hydrogène vert, notamment sous ses formes dérivées, à l’instar de l’ammoniac vert.
L’Union européenne, à travers notamment la stratégie bas-carbone 2050, publiée en 2018, et le pacte vert pour l’Europe, présenté en 2019, a prévu de décarboner une grande partie de sa consommation d’énergie par une électricité renouvelable et d’utiliser l’hydrogène comme un vecteur de stockage d’énergie renouvelable pour combler le manque de ses besoins. Ainsi, la part de l’hydrogène dans le mix énergétique pourrait passer de 2 % jusqu’à 14% en 2050, l’hydrogène étant considéré comme bon potentiel pour réduire et remplacer les combustibles fossiles dans des secteurs difficiles à décarboner tels que les industries d’acier, chimique et de transport.
Plus récemment, dans le cadre de son Plan REPowerEU, lancé en mai 2022 pour améliorer sa sécurité énergétique et faire face aux effets du conflit Ukraine-Russie, l’Union européenne a fixé à l’horizon 2030 un objectif de 20 millions de tonnes d’hydrogène vert qui se substituerait au gaz naturel, au charbon et au pétrole, pour alimenter les industries difficiles à décarboner ainsi que le secteur de transport, dans lequel l’UE envisage le déploiement de 60 000 camions à pile à combustible et un réseau de 1500 stations hydrogène.
Ces 20 millions de tonnes d’hydrogène proviendraient, à hauteur de 50 %, de sa production interne et de 50 % des importations.
Le 9 décembre 2022, la présidente de la Commission européenne, Ursela von der Leyon, a déclaré que « L’hydrogène change la donne pour l’Europe. Et nous voulons conserver notre position de pionniers et construire un marché mondial pour l’hydrogène ».
A cet effet, elle annonça la création d’une banque européenne de l’hydrogène dotée de trois milliards d’euros. Ses fonds devraient accompagner les investissements dans le secteur pour assurer des prix compétitifs sur le marché.
Dans cette dynamique, plusieurs investissements importants sont annoncés, en particulier le projet de pipeline d’hydrogène devant relier Barcelone à Marseille à l’horizon 2030. Il s’agit d’un projet regroupant la France, l’Espagne et le Portugal avec un investissement de près de 2,5 milliards d’euros qui sera soumis à la Commission européenne pour contribution au financement. Ce pipeline devrait transporter près de 2 millions de tonnes d’hydrogène, soit 10 % de la consommation européenne.
L’Italie se positionne également comme un futur hub méditerranéen pour l’hydrogène vert, avec le développement de zones spécialisées à proximité de ses principaux ports, le lancement d’importants projets éoliens offshore et l’annonce d’une giga-usine pour la production d’électrolyseurs.
L’Allemagne, le pays européen pionnier dans ce secteur, a engagé plusieurs initiatives en nouant des partenariats avec plusieurs pays, notamment à travers l’alliance « Power to X » et en contribuant au financement des études de certains projets.
D’autres initiatives ont vu le jour, telles que la création de bureaux de la « diplomatie d’hydrogène » au Nigeria, Angola, en Arabie Saoudite ainsi qu’au Kazakhstan et en Ukraine (en cours de préparation), pour renforcer le partenariat avec ces pays dans le secteur de l’hydrogène. De même, lors de la COP27, tenue en novembre 2022, l’Allemagne a annoncé la mobilisation de 550 millions d’euros pour la construction d’une nouvelle économie mondiale de l’hydrogène vert, pouvant atteindre jusqu’à 2,5 milliards d’euros dans les années à venir.
Au-delà des engagements environnementaux, la crise énergétique européenne a accentué la pression qui pèse chez les industriels allemands et le besoin d’une transition énergétique verte accélérée, considérée comme unique alternative pour maintenir leur compétitivité au niveau mondial.
Ainsi, le gouvernement allemand a annoncé la révision de sa feuille de route pour l’hydrogène vert élaborée en 2020. L’objectif étant, entre autres, de renforcer sa stratégie de construction de centrales de production d’une capacité totale de 10 GW à l’horizon 2030 et de permettre l’utilisation de l’hydrogène bleu (produit à partir du gaz naturel avec carbone capturé) durant une période transitoire.
Par ailleurs, pour favoriser l’émergence du secteur de l’hydrogène vert au niveau des territoires européens, des plateformes intégrées de l’offre et de la demande « Vallée de l’hydrogène » sont lancées ces dernières années en Europe, combinant les infrastructures de production et d’utilisation.
Une vingtaine de projets ont été créés, mais ne sont pas encore totalement opérationnels, certains sont centrés sur la mobilité, d’autres, à moyenne échelle, visent le secteur de l’industrie, tandis que d’autres se positionnent en tant que plateformes d’exportation.
Les Pays-Bas ont lancé cinq projets de vallées de l’hydrogène, notamment à proximité du port de Rotterdam et de la région gazière de Groningen, devenant ainsi leader européen de ces vallées.
A noter que selon les derniers développements, la France et l’Allemagne, qui disposent d’un potentiel renouvelable limité, font du lobbying auprès de la Commission européenne pour bénéficier de concession sur le mode de production de l’hydrogène qui peut ne pas être strictement vert, en permettant des sources énergétiques non renouvelables à bas carbone (gaz naturel et nucléaire). Leur demande se justifie par le fait qu’il serait très difficile d’atteindre les objectifs fixés de zéro carbone à l’horizon 2030, notamment pour l’industrie lourde.
Pour les pays africains, notamment ceux d’Afrique du Nord, l’Europe représente un marché potentiel émergent d’hydrogène vert très prometteur, en raison de la proximité géographique et de la politique volontariste adoptée par l’Union européenne dans ce sens.
En effet, le marché de l’hydrogène vert à l’export restera pour l’essentiel régional à court et moyen termes, en raison de l’impact des coûts logistiques dus au développement limité de la supply chaine, conditionné par l’évolution du marché et la visibilité sur les cadres règlementaire et incitatif.
Ainsi, plusieurs investisseurs européens cherchent à se positionner au niveau du marché émergent de l’hydrogène vert à la recherche de projets de partenariats, publics ou privés, en visant essentiellement les pays nord africains et du Moyen Orient.
LE POSITIONNEMENT DE L’AFRIQUE DANS LE MARCHÉ DE L’HYDROGÈNE VERT
Selon une étude réalisée par la Banque européenne d’investissement, l’Alliance solaire internationale et l’Union africaine, dévoilée en décembre 2022, l’Afrique peut se positionner dans le marché mondial de l’hydrogène vert à travers quatre hubs, à savoir : le Maroc, l’Égypte, la Mauritanie et l’Afrique australe.
Le continent pourrait produire 50 millions de tonnes d’hydrogène vert à l’horizon 2035, ce qui pourrait représenter près de 10 % du marché mondial et nécessiterait entre 680 et 1300 milliards de dollars d’ici 2050, selon des études menées par des cabinets internationaux. L’installation progressive d’une telle infrastructure de production dépendra, entre autres, de la compétitivité des coûts des facteurs, du climat des affaires et de la capacité des pays à attirer des investissements étrangers.
Même si le continent présente un potentiel important pour la production d’hydrogène vert à bas coût, les annonces d’investissement communiquées ne représentent que 3 % des projets en cours de développement à l’échelle mondiale. Cependant, ce taux connait une progression rapide ces trois dernières années. Ainsi, plusieurs mégaprojets sont annoncés, avec la difficulté de distinguer entre ceux qui sont à un stade d’engagement sérieux de ceux qui sont à titre spéculatif. Selon les dernières évaluations, sur une vingtaine de projets annoncés visant essentiellement le marché d’exportation de l’ammoniac vert, 15 % sont en cours d’études de faisabilité et uniquement 1 % ont obtenu l’accord d’investissement. A ce stade, le choix de la technologie et de la structuration financière constitue en enjeux déterminent pour les États africains.
Ces projets de production devraient en principe s’accompagner d’une infrastructure compétitive et adaptée, en termes de transformation, de transport et de stockage qui est développée par les pouvoirs publics ou dans le cadre de partenariats public-privé. Cependant, très peu d’informations sont disponibles à ce niveau.
Grâce aux avancées des technologies d’électrolyse et à la baisse des coûts des énergies renouvelables, l’Afrique pourrait être une des sources d’hydrogène vert les plus compétitives au monde, avec un coût de 1,8 à 2,6 USD par kg en 2030, à la place du prix actuel qui se situe entre 5 et 10 USD par kg. En 2050, selon les prévisions, ce prix se situerait entre 1,2 et 1,6 USD par kg avec l’amélioration de la performance et des coûts de la technologie.
Les mêmes études estiment que l’Afrique pourrait exporter 20 à 40 millions de tonnes d’hydrogène vert par an d’ici à 2050 et réserver les 10 à 20 millions de tonnes pour répondre à la demande intérieure du continent, en fournissant de l’énergie propre et abordable aux zones manquant de ressources énergétiques et pallier ainsi le faible niveau d’électrification du continent qui se situe à seulement 56 % en 2021 et aux besoins de décarbonation des secteurs de transport et de l’industrie.
Dans ce sillage, les principaux pays africains qui se positionnent à un niveau relativement avancé sur le marché de l’hydrogène vert à l’export sont : le Maroc, l’Égypte, l’Afrique du Sud, la Mauritanie et la Namibie.
Les pays africains disposant de ressources gazeuses, tels que le Nigeria et l’Angola, seraient plus concernés par les filières d’hydrogène bleu, produit à partir du gaz naturel transformé en hydrogène et CO2, ce dernier étant par la suite capturé et stocké.
L’Afrique de Sud affiche un objectif de production de 500000 tonnes d’hydrogène vert à l’horizon 2030 et de grandes ambitions d’exportation à l’horizon 2050 (10 % du marché mondial de l’ammoniac vert). Sa stratégie comprend également la décarbonation de son industrie lourde, avec la priorisation à moyen terme du secteur de transport. Les projets d’investissement seraient développés dans des zones spécialisées qui bénéficieraient d’avantages fiscaux à Johannesburg, Durban et Mogalakwena et Limpopo.
Malgré l’ambition très forte affichée par le gouvernement sud-africain, plusieurs critiques ont accompagné l’annonce de son plan pour l’hydrogène vert, en raison du faible taux d’électrification de certaines régions de son territoire et du grand retard pris dans sa transition énergétique.
Cité par le portail sud-africain Daily Maverick dans son édition du 9 décembre 2022, M. Rainer Baake, l’envoyé spécial allemand pour le Just Energy Transition Partnership (JETP) avec l’Afrique du Sud, a déclaré lors de la COP27: « Dans un pays où durant cette année 25 % des heures, il n’y avait pas d’électricité pour le peuple d’Afrique du Sud, je pense qu’il est un peu ridicule d’utiliser l’électricité éolienne et solaire pour produire des dérivés de l’hydrogène pour le marché européen ».
L’État égyptien a conclu plusieurs mémorandums d’entente qui prévoient la construction d’unités de production d’hydrogène et d’ammoniac verts autour du port de la mer Rouge d’Ain Sokhna et du Canal de Suez. Plusieurs annonces sont faites par différents investisseurs, allant de capacités de production de 100 MW à 9GW, qui sont actuellement au stade d’étude. L’Égypte adopte une approche intégrée impliquant l’autorité des énergies renouvelables, la compagnie de distribution de l’électricité, l’autorité de la zone économique du canal de Suez et le Fonds souverain d’Égypte.
Dans le même sens, l’Égypte a annoncé le lancement d’une étude pour la mise en place d’un réseau de transport d’électricité indépendant et parallèle au réseau actuel afin de transférer les capacités générées par les énergies renouvelables et les orienter vers la production de l’hydrogène vert et ses dérivés.
Dans le cadre d’un appel d’offres, la Namibie a conclu un accord avec l’opérateur sélectionné pour un projet de production de 300 000 tonnes d’hydrogène vert par an et un montant d’investissements de 9,4 milliards de dollars. La première phase du projet sera opérationnelle d’ici 2026, dans le parc national Tsau Khaeb avec une capacité de 2GW. Le gouvernement envisage de détenir 24 % du capital et étudie les options de mobilisation de son financement. Le gouvernement allemand a fourni 40 millions d’euros pour la phase de préfaisabilité.
La Namibie a, par ailleurs, intégré dans sa stratégie un ensemble de mesures qui concernent le climat des affaires, notamment : la mise en place d’une gouvernance adaptée, l’élaboration d’un cadre réglementaire pour créer un environnement favorable et être en conformité avec les normes et les exigences internationales et le lancement de projets pilotes pour développer les capacités du tissu industriel local.
Pour sa part, la Mauritanie se positionne pour des projets de grandes échelles (large scale) en particulier dans le désert du nord du pays et les régions côtières de Dakhlet Nouadhibou et Inchiri avec des capacités visant la production de 1,7 millions de tonnes en hydrogène vert et 10 MT en ammoniac vert.
LE POSITIONNEMENT DU MAROC
Durant les deux dernières décennies, le Maroc a adopté des choix stratégiques qui ont permis d’améliorer sa compétitivité industrielle et logistique et de rehausser sa place au rang de classe mondiale, notamment dans les secteurs automobile, aéronautique et des engrais.
Selon un dernier rapport de la Banque Africaine de Développement (BAD), le Maroc occupe la deuxième place en Afrique en termes de performance industrielle. Ce classement est établi sur la base de 19 indicateurs, à savoir les performances manufacturières, le capital, la main-d’œuvre, l’environnement des affaires, les infrastructures et la stabilité macroéconomique.
Par ailleurs, grâce à sa politique volontariste, le Maroc a réalisé des projets importants en énergie renouvelable solaire et éolienne qui lui ont permis un positionnement de leader mondial dans ce secteur.
Selon le dernier rapport Renewable Energy Country Attractiveness Index (RECAI) « Le Maroc est arrivé en tête de l›indice ajusté grâce à ses plans ambitieux pour le solaire, l›éolien et plus récemment l›hydrogène vert, dans la poursuite d›une part d›énergie verte de 52 % d›ici 2030 ».
De plus, les interconnexions existantes ou en projet avec l’Europe, la feuille de route de l’hydrogène vert établie en 2021, la création du cluster Green H2, les projets de dessalement en cours de réalisation ainsi que la conclusion de plusieurs partenariats, notamment avec l’Allemagne, les Pays-Bas et l’UE, renforcent le positionnement du Maroc en tant qu’acteur fiable dans le marché de l’hydrogène vert et dans la conduite des projets de grande envergure.
En effet, ce secteur émergent présente encore plusieurs incertitudes pour les investisseurs qui ont besoin de partenaires avertis et fiables et de climat d’affaires attractif et stable pour mitiger les risques et garantir leur retour sur investissement.
Compte tenu des évolutions importantes et rapides que connait ce marché, les Directives Royales lors de la réunion du 22 novembre 2022 réaffirment l’intérêt du positionnement du Maroc en capitalisant sur les acquis réalisés, en construisant une offre attractive et opérationnelle et en favorisant le développement de chaînes de valeurs compétitives.
La consolidation des investissements réalisés, ou en cours, particulièrement dans les secteurs des énergies renouvelables, logistiques et industriels, le positionnement géostratégique du Maroc, son climat des affaires qui est l’un des plus attractifs dans la Région ainsi que les projets engagés en Recherche et Développement, notamment à travers l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P), sont des facteurs pertinents pour construire l’offre Maroc.
Il convient de noter que la compétition dans ce secteur ne sera pas que régionale ou continentale, puisque les pays européens (notamment ceux du sud de la Méditerranée), envisagent aussi d’assurer 50 % de leurs besoins en production interne avec des objectifs d’industrialisation et d’innovation très importants, en visant la compétitivité sur toute la chaîne de valeur de la production au transit et en veillant à renforcer leur souveraineté et leur autonomie stratégique. D’un autre côté, plusieurs pays du Moyen Orient ont pris de l’avance grâce aux excédents liés à l’augmentation du cours de pétrole et aux partenariats conclus avec des investisseurs internationaux.
Certes, le Maroc dispose d’avantages compétitifs pour approvisionner l’Europe en hydrogène vert et dérivés, toutefois le développement de cette filière remet sur la table les questions stratégiques du développement du marché local par rapport au marché à l’export, la viabilité industrielle à travers l’intégration locale, le développement des infrastructures et l’optimisation des coûts logistiques, le cadre institutionnel et règlementaire approprié ainsi que la place réservée à la recherche et développement (RD) pour accompagner les développements technologiques.
La compétitivité est à rechercher à tous les niveaux, industriel, logistique et technologique. Le triptyque industrie-logistique-RD est plus que jamais le socle consolidé d‘émergence de nouvelles filières pour assurer leur viabilité et leur résilience. L’implication de tous les acteurs nationaux dans une vision intégrée, dynamique et modulaire associant, entre autres, les donneurs d’ordre potentiels, les investisseurs, les PME/PMI, les clusters, les développeurs de zones de production et logistique, les start-up, les centres de recherche et de formation est essentielle pour maximiser les impacts locaux sur les plans économique, social et environnemental.
LES DÉFIS ET PERSPECTIVES....
Viser le marché mondial de l’hydrogène vert appelle des investissements importants, des choix technologiques et une planification bien étudiée pour une meilleure maîtrise des risques. Le développement de ce marché dépendra certainement du rôle qui sera joué par les principaux acteurs, à savoir : les financiers, les développeurs des technologies et les utilisateurs.
Il y a lieu de noter que cette transition énergétique ne se limite pas au remplacement d’un carburant par un autre, mais d’un réel changement de systèmes à l’échelle mondiale qui aura certainement des impacts politiques, économiques et environnementaux.
Pour cette raison, plusieurs analyses mettent en avant le caractère diplomatique de l’hydrogène qui sera sans aucun doute un levier de la diplomatie économique des pays importateurs et exportateurs d’hydrogène vert, vu ses implications en termes de sécurité énergétique et d’enjeux géopolitiques. Certains pays, comme l’Allemagne et le Japon qui seront des importateurs de l’hydrogène vert, sont déjà inscrits dans cette logique en mettant en place une diplomatie spécifique. Les pays exportateurs devraient également se positionner, en étant des acteurs influents de cette transition.
Actuellement, les défis majeurs de déploiement de l’hydrogène vert, relevés par l’Agence internationale des énergies renouvelables sont listés ci-après :
- le coût de l’hydrogène vert est encore relativement élevé par rapport aux carburants à haute teneur en carbone, y compris le coût de production, de transport, de conversion et de stockage ;
- certaines technologies de la chaîne de valeur de l’hydrogène ont encore un faible niveau de maturité technologique et doivent être éprouvées à grande échelle ;
- l’efficacité énergétique constitue également un défi majeur. En effet, la production, le transport, la conversion et l’utilisation de l’hydrogène entraînent des pertes d’énergie importantes à chaque étape de la chaîne de valeur ;
- la disponibilité d’électricité renouvelable en quantité suffisante présente également un risque. En effet, d’ici 2050 la production d’hydrogène avec électrolyseurs pourrait consommer près de 21000 TWh, soit presque autant d’électricité que celle produite aujourd’hui dans le monde ;
- l’incertitude sur la politique et la réglementation spécifiques à l’hydrogène reste une préoccupation pour les investisseurs ;
- les normes et les certifications sont nécessaires pour accompagner le développement du secteur et permettre la production de statistiques officielles ;
- en dernier, l’évolution de la demande est un facteur clé pour la baisse du coût de la technologie et pour le déploiement des investissements à grande échelle. A l’instar du secteur des énergies renouvelables, le coût de production de l’hydrogène vert est appelé à baisser, avec l’augmentation du nombre de projets d’électrolyses réalisés.
Pour ce qui est du continent africain, en plus des défis susmentionnés, il y a lieu d’admettre que même s’il y a un engouement important de la part de plusieurs investisseurs pour le continent africain, l’évolution de la technologie de l’électrolyse à court et moyen termes déterminera le programme d’investissement et le business modèle le plus viable à adopter par les États africains, pour limiter leur forte exposition à l’endettement et pour leur permettre de générer un retour sur investissement en termes de création d’emplois et de valeur ajoutée, d’émergence d’opérateurs nationaux et de maîtrise de la technologie.
Par ailleurs, la production de l’hydrogène vert nécessite des quantités d’eau quoique considérées non excessives (à peu près 10 l/1 kg H2), mais qui pourraient impacter la situation hydrique des pays, ce qui appelle le choix de solutions technologiques adéquates, viables et durables qui n’accentuent pas la vulnérabilité de ces pays.
En dernier, et en parallèle avec le développement des exportations hors continent, le développement du marché intérieur et des échanges intercontinentaux est un élément central pour les pays africains pour qu’ils ne soient pas exclus des chaînes de valeur futures. Ce développement doit faire l’objet de stratégie volontariste de ces pays et être inscrit dans un cadre juridique, réglementaire et fiscal adapté pour asseoir des bases solides à ce développement.
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