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Expropriation, immunités et politique : un autre épisode dans la tension entre Alger et Rabat
March 25, 2024

La publication, le 13 mars 2024, d’un projet de décret portant expropriation de trois propriétés inscrites au nom de la République algérienne à Rabat, a été considérée comme une provocation et une violation du droit diplomatique par le gouvernement de ce pays qui a menacé d’y répondre par tous les moyens. Le 17 mars, la presse a publié des copies de notes du Consulat algérien a Casablanca, apportant la preuve que ce gouvernement était le premier à annoncer l’expropriation de la Résidence du Maroc à Alger et qu’il était en pourparlers pour un échange ou une compensation. La mesure d’expropriation projetée par le Maroc est fondée en droit, conformément aux engagements internationaux du Maroc et non-discriminatoire, ayant touché également la Côte d’Ivoire et la Suisse et des nationaux marocains. Dans d’autres circonstances, ce différend foncier aurait pu trouver une issue diplomatique mutuellement satisfaisante. Mais le “ point de non-retour ” atteint par les relations maroco-algériennes insuffle une charge hautement politique à tout nouvel élément de controverse quelles que soient sa nature et sa portée.

Introduction

La publication, le 13 mars 2024, d’un projet de décret portant expropriation en faveur de l’État marocain de trois propriétés dont disposait jusqu’à présent la République algérienne à Rabat, a donné lieu à une vive réaction de la part du Gouvernement de ce pays.1 Quatre jours, plus tard, des informations de presse ont fait état de pourparlers entamés depuis deux années entre le consulat algérien installé à Casablanca et la Direction du Protocole du Ministère marocain des Affaires étrangères aux fins d’un échange domanial entre les deux pays qui impliquerait la Résidence de l’Ambassadeur du Maroc à Alger, objet, elle aussi, d’une procédure d’expropriation.

Ce nouvel épisode vient alourdir le contentieux entre les deux pays et exacerber davantage leurs relations, rompues unilatéralement à l’initiative de l’Algérie depuis maintenant deux années et demi et qui ont enregistré au début du mois de mars 2024 un autre acte de provocation, à la suite de la décision du Gouvernement algérien d’autoriser l’ouverture d’un bureau de représentation d’un “ parti rifain ” à Alger. Cette nouvelle controverse s’est déroulée en quatre Actes :

Acte I : le Maroc annonce dans le Bulletin officiel du Royaume daté du 13 mars 2024 l’expropriation pour cause d’utilité publique de locaux avoisinant le siège du ministère des Affaires étrangères -dont trois au nom de la République algérienne -, en vue de l’extension des bureaux administratifs dudit Département ;

PCNS

Acte II : dans un communiqué publié quatre jours après, il est notamment souligné que le Gouvernement algérien :

- considère l’annonce comme “ une nouvelle phase escalatoire dans les comportements provocateurs du Maroc à l’égard de l’Algérie ;

- interprète la mesure comme une confiscation des dépendances de l’Ambassade de l’État algérien au Maroc ;

- qualifie la mesure projetée de “ violation inqualifiable du respect et du devoir de protection à l’égard des représentations diplomatiques d’États souverains que sanctuarisent tant le droit ( sous-entendu la Convention des Nations Unies sur les privilèges et immunités des États de 1946 ) que la coutume internationale ;

- condamne cette “ spoliation caractérisée dans les termes les plus énergiques et en dénonce, avec force, l’illégalité et l’incompatibilité avec les devoirs qu’assume tout État membre de la communauté internationale, et

- menace de “ répondre à ces provocations par tous les moyens qu’il jugera appropriés et aura recours à toutes les voies de droit disponibles, notamment dans le cadre des Nations Unies pour assurer le respect de ses intérêts.”2 

Acte III : des “ sources diplomatiques ” marocaines, rapportées par la presse, ont apporté des clarifications sur la nature, le bien-fondé et la légalité de la mesure, en faisant état de pourparlers entamés entre les deux pays depuis janvier 2022 et attestés par des démarches officielles du Consulat algérien à Casablanca auprès du ministère marocain des Affaires étrangères et par des échanges de notes diplomatiques en l’objet ;

Acte IV : le 19 mars 2024, la presse marocaine a publié des Fac-similés de deux notes diplomatiques datées respectivement du 14 mars 2022 et du 20 mai 2022 adressées par le Consulat algérien au Protocole du ministère marocain des Affaires étrangères et dans lesquelles on peut lire notamment que :

- dans le cadre du Plan d’aménagement Directeur de la ville d’Alger,

- particulièrement du Centre qui englobe le Palais du peuple, les autorités algériennes projetaient de récupérer les biens situés dans le périmètre de ce “ monument historique ” ;

- la résidence de l’Ambassadeur du Maroc à Alger est incluse dans la future zone

- des travaux ;

- le Gouvernement algérien a “ décidé d’engager une procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique ...et de reprendre possession de la Résidence de l’Ambassadeur de la mission marocaine ” ;

- une évaluation domaniale de la résidence sera établie et considérée dans l’opération d’échange ou de rétrocession qui pourrait toucher le siège de la section consulaire à Rabat ;

- des indemnités compensatoires pourraient être versées.

PCNS

Mise en contexte :

Pour mieux situer cette nouvelle péripétie dans les relations tumultueuses entre le Maroc et l’Algérie, il importe de rappeler que selon l’Article 21 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961 “ L’État accréditaire doit, soit faciliter l’acquisition sur son territoire, dans le cadre de sa législation, par l’État accréditant des locaux nécessaires à sa mission, soit aider l’État accréditant à se procurer des locaux d’une autre manière”.

Certains États, particulièrement arabes et africains, ont établi une tradition en vertu de laquelle deux pays échangent à titre gratuit les Chancelleries et les Résidences des Ambassadeurs qui deviennent ainsi leurs propriétés. Cet arrangement a pour avantage d’épargner aux pays bénéficiaires du temps, des dépenses et les aléas de spéculation immobilière. Parallèlement, une pratique s’est développée héritée du système soviétique consistant pour le pays hôte à construire un complexe pour y domicilier la plupart des Chancelleries ou Résidences ou les deux à la fois, afin d’assurer au moindre coût la sécurité du corps diplomatique.

Lorsque des États adoptent le procédé de l’échange, l’emplacement et la qualité des édifices dépendent de l’état des relations bilatérales et parfois aussi des relations personnelles qu’entretiennent les hauts responsables des deux côtés. L’opération procède du principe de la réciprocité pour la superficie, l’emplacement, le cachet architectural et la valeur marchande du bien.

Pour ce qui est de l’Algérie et du Maroc, les hauts responsables des deux pays ont attaché au lendemain de l’indépendance de l’Algérie une grande importance à construire des rapports privilégiés. Cette importance s’est reflétée pendant longtemps dans la désignation d’Ambassadeurs de rang élevé, choisis parmi leurs proches Conseillers ou des ex-Ministres tels que Mohamed Aouad, Thami El Ouazzani, Abdellatif Filali, Youssef Belabbes, du côté marocain, et Abdelhamid Mehri, Boualam Bessaih, Larbi Belkheir, Noureddine Delleci, du côté algérien. Le statut de ces personnalités et leur proximité du centre du pouvoir les prédisposaient à jouer un rôle précieux de temporisateur, de facilitateur et de conciliateur qui permettait de prévenir et de gérer les incidents et les crises entre les deux pays voisins. C’est d’ailleurs durant le mandat de ces Ambassadeurs que l’essentiel du patrimoine immobilier nécessaire à l’exercice des fonctions diplomatiques des deux pays a été attribué à Alger et à Rabat.

Cette dynamique positive dans les relations entre les deux pays se reflétait également au niveau des deux Chefs d’État. En effet, le lendemain de l’indépendance de l’Algérie, le Roi Hassan II et le Président Ben Bella ont eu des gestes d’une grande portée politique qui laissaient augurer des relations étroites et privilégiées entre les deux pays. C’est ainsi qu’en recevant, le 11 février 1963, Saad Dahlab comme Premier Ambassadeur de l’Algérie, le défunt souverain Hassan II lui a fait part de sa décision de l’admettre à assister au Conseil des ministres chaque fois qu’il y a une question à l’ordre du jour qui intéresse directement ou indirectement l’Algérie.3 Et lorsque l’Algérie a décidé d’ouvrir une Ambassade à Rabat, le Roi Hassan II, par signe de confiance, a mis gracieusement à sa disposition une chancellerie mitoyenne du ministère des Affaires étrangères. Pour sa part, à l’arrivée à Alger du premier Ambassadeur marocain, le Président Ben Bella aurait demandé aux autorités de la ville d’Alger de lui trouver une résidence proche du palais présidentiel (devenue par la suite siège du parlement) afin de lui faciliter l’accès en tout temps et sans délai au Palais présidentiel.4

Cet état d’esprit et cette confiance mutuelle se sont étiolés au fil des années et des péripéties des tensions bilatérales qui ont culminé par la fermeture des frontières et des relations diplomatiques rompues et par une absence totale de tout dialogue ou contact. Dans ce contexte de crise sans perspective d’apaisement, toutes les raisons sont bonnes pour alimenter la discorde et alourdir le passif des relations entre les deux pays. Le dernier épisode autour de l’expropriation de biens algériens situés à Rabat en est une illustration. Dans son communiqué, le ministère algérien a considéré la mesure du Maroc comme “ une violation inqualifiable du respect et du devoir de protection à l’égard des représentations diplomatiques d’États souverains que sanctuarisent le droit et la coutume internationales” et en a “ dénoncé l’illégalité et l’incompatibilité avec les devoirs qu’assume tout État membre de la communauté internationale avec rigueur et responsabilité”. Or, à aucun moment le Maroc n’a failli à ses obligations conventionnelles puisque l’ancienne Chancellerie, y compris sa dépendance attenante au ministère des Affaires étrangères et l’ex-Résidence de l’Ambassadeur algérien, continuent de bénéficier du même traitement réservé aux missions diplomatiques accréditées à Rabat en termes de protection et du strict respect de leur inviolabilité. Ainsi, en plus de leurs efforts pour régler à l’amiable ce contentieux, les autorités marocaines ont appliqué la législation nationale sans discrimination et dans le respect des obligations internationales du Royaume.

L’épuisement de la procédure à l’amiable

Dès janvier 2022, le ministère marocain des Affaires étrangères a, officiellement, et à plusieurs reprises, fait part aux autorités algériennes du souhait de l’État marocain de trouver une issue à l’amiable pour récupérer lesdites propriétés. Les correspondances échangées entre les autorités marocaines et le Consulat algérien démontrent que les tractations avaient pour but d’aboutir à une telle solution, sans recourir à la procédure d’expropriation et que la décision du Maroc d’initier la procédure d’expropriation était une mesure de réciprocité destinée à préserver ses droits tout en laissant la porte ouverte à un retour à une solution de gré à gré.

Le bien-fondé de la décision marocaine

La décision d’expropriation est fondée en droit, en ce sens qu’elle respecte les dispositions de la Loi marocaine en vigueur.5

L’expropriation obéit à une procédure qui garantit les droits des deux parties et qui passe par les étapes suivantes :

- l’utilité publique est déclarée par un acte administratif qui précise la zone susceptible d’être frappée d’expropriation ;

- l’acte déclaratif d’utilité publique fait l’objet des mesures de publicité, notamment au Bulletin officiel et aux journaux autorisés et d’un affichage dans les bureaux de la commune du lieu du bien, objet de l’expropriation ;

- le juge autorise le transfert de propriété, objet de l’expropriation, et fixe le montant de l’indemnisation appropriée compte tenu de la valeur de l’immeuble correspondant au jour de l’acte déclaratif d’utilité publique ;

- pour ce qui est des biens non susceptibles d’expropriation, la loi marocaine en donne une liste limitative qui ne comprend pas les édifices diplomatiques ou consulaires. La loi marocaine spécifie que les biens frappés d’interdiction d’exproprier sont “ les édifices à caractère religieux des divers cultes, les cimetières, les immeubles faisant partie du domaine public et les ouvrages militaires”.

En outre, l’expropriation ne touche ni la Chancellerie, siège de l’Ambassade d’Algérie, ni la Résidence de l’Ambassadeur, qui sont l’expression par excellence de la représentation diplomatique et l’outil indispensable à l’exercice de la fonction de représentation. En effet, l’Algérie s’est récemment installée dans de nouveaux locaux dont le terrain a été gracieusement offert par le Roi Hassan II.

La décision des autorités marocaines n’est ni une “ spoliation ” ni une “ confiscation”, termes utilisés par le communiqué algérien ; la première notion est généralement définie comme l’acte de “ déposséder ou de dépouiller quelqu’un de quelque chose, au moyen de la force, de la violence, de la fraude ou de la ruse.” Quant à la “ confiscation ”, elle renvoie à une sanction juridique impliquant la privation forcée de biens en raison d’une infraction ou d’une activité illicite.“ Or, jusqu’à présent les autorités marocaines adoptent une démarche de dialogue et de persuasion, loin de toute logique de dissuasion ou de fait accompli.

Le caractère non-discriminatoire de la décision

La mesure d’expropriation touche non seulement d’autres États étrangers, tels que la Côte d’Ivoire et la Suisse - qui ont trouvé un terrain d’entente avec la partie marocaine - mais aussi de citoyens marocains. En effet, à côté de “ La Villa du soleil levant ” et de deux terrains de 619 et 630 m2 appartenant à l’Algérie et concernés par l’expropriation, trois lots appartenant à des citoyens marocains sont touchés par la même mesure.

La conformité de la décision avec les engagements du Maroc

La décision marocaine ne constitue pas une “ violation inqualifiable du respect et du devoir de protection à l’égard des représentations diplomatiques d’États souverains que sanctuarisent tant le droit que la coutume internationale ”. En effet, la Convention de 1961 sur les relations diplomatiques, à laquelle les deux pays sont parties, définit clairement la notion d’inviolabilité dans ses articles 22, 30 et 45.

L’article 22 stipule que “ Les locaux de la mission sont inviolables. Il n’est pas permis aux agents de l’État accréditaire d’y pénétrer, sauf avec le consentement du chef de la mission ”, que “ L’État accréditaire a l’obligation spéciale de prendre toutes les mesures appropriées afin d’empêcher que les locaux de la mission ne soient envahis ou endommagés, la paix de la mission troublée ou sa dignité amoindrie ” et que “ Les locaux de la mission, leur ameublement et les autres objets qui s’y trouvent, ainsi que les moyens de transport de la mission, ne peuvent faire l’objet d’aucune perquisition, réquisition, saisie ou mesure d’exécution .” Cette inviolabilité s’étend à la demeure privée de l’agent diplomatique, à ses documents, à sa correspondance et à ses biens (article 30).

L’obligation de respecter et de protéger les locaux diplomatiques et consulaires et leur contenu demeure due même en cas de rupture des relations diplomatiques, ce que le Gouvernement marocain continue de remplir en toute responsabilité.

À la lecture du contenu des deux notes du Consulat d’Algérie au Maroc, on peut relever les éléments d’appréciation suivants :

  • bien avant le Maroc, l’Algérie a fait connaître son intention d’exproprier la Résidence du Maroc à Alger pour des motifs de réaménagement du centre de la Capitale ;

  • cette résidence a été mise à la disposition de l’Ambassadeur du Maroc à titre gracieux, ce qui laisse entendre que le pays hôte peut la récupérer à sa convenance, en l’absence d’un titre de propriété en bonne et due forme ;

  • la partie algérienne établira une évaluation domaniale de la Résidence et décidera de la reprendre dans une opération d’achat ou d’échange avec ‘’ La villa du Soleil levant ’’ avec le versement d’une indemnité compensatoire ;

  • c’est la partie algérienne qui a engagé, la première, la procédure d’expropriation de l’ancienne Résidence de l’Ambassadeur du Maroc à Alger alors que le processus de recherche d’une issue amicale était toujours en cours ;

  • on peut y relever, également, la nuance soulignée par la note entre l’ancienne Chancellerie adossée au siège du ministère marocain des Affaires étrangères qui est qualifiée de “ propriété de l’État algérien “ et la Résidence de l’Ambassadeur marocain à Alger que la même note désigne comme “ un bien de l’État algérien mis à la disposition du Royaume du Maroc. ”

Or, s’agissant d’un échange, les titres de propriété ne sauraient être différents. C’est sans doute pour se prémunir contre cette confusion que l’Ambassade du Maroc à Alger a demandé et obtenu, en 1991, de Mourad Medelci, ancien ministre délégué au Trésor, un Acte d’attribution valant titre de propriété pour la Résidence du Maroc. C’est avec la certitude que la chancellerie est une propriété du Gouvernement marocain qu’un budget important a été débloqué sur instructions royales pour donner un cachet authentiquement marocain à la Résidence.

Au moment où les pourparlers se poursuivaient sur les termes de l’échange ou de la compensation, les autorités algériennes ont annoncé à la partie marocaine leur intention de procéder à l’expropriation de la résidence du Maroc à Alger. Il était, dès lors, prévisible et légitime de la part du Maroc d’appliquer la réciprocité et d’annoncer lui aussi la même intention pour reprendre le local anciennement affecté à la Chancellerie algérienne à Rabat et qui est inoccupé après la mise à la disposition de l’Algérie d’un terrain se trouvant sur l’une des artères principales de la Capitale.

Il y a une grande différence entre une résidence qui fait face au siège du Parlement du pays hôte et une chancellerie d’un pays tiers adossée à un ministère de souveraineté par excellence. Or, au vu des technologies sophistiquées disponibles en matière de communication , cette proximité a toujours représenté un risque pour la sécurité nationale et les efforts entrepris pour récupérer cette chancellerie ont longtemps achoppé sur le refus de l’Algérie de la rétrocéder malgré les multiples offres marocaines d’une nouvelle chancellerie plus spacieuse et plus fonctionnelle. Finalement, lorsque l’Algérie s’est enfin décidée à construire une nouvelle chancellerie et s’est mise à la recherche d’un terrain, le défunt roi Hassan II a ordonné l’octroi d’un terrain à titre gratuit, situé sur l’artère la plus convoitée de Rabat où se sont installées plusieurs Ambassades et chancelleries étrangères.

Dans son communiqué du 17 mars 2024, le Gouvernement algérien a menacé de répondre à l’expropriation “ par tous les moyens qu’il jugera appropriés...et aura recours à toutes les voies et à tous les moyens de droit disponibles, notamment dans le cadre des Nations Unies pour assurer le respect de ses intérêts.”

De quels moyens dispose l’Algérie pour faire valoir ses droits ? Sur le plan interne, l’Algérie n’est pas fondée à invoquer l’immunité juridictionnelle pour se soustraire à la décision du juge marocain. À cet égard, le droit international est très clair : l’Algérie ne peut pas invoquer une quelconque immunité juridictionnelle pour faire échec à l’expropriation, et ce, sur la base de la Convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens du 2 décembre 2004. Cet Acte diplomatique qui a codifié la pratique des États a été signé par le Maroc le 17 janvier 2005. L’Algérie, qui ne l’a pas fait, est cependant liée par ses dispositions sur une base coutumière. Dans son article 13, ledit instrument prévoit qu’ “À moins que les États concernés n’en conviennent autrement, un État ne peut invoquer l’immunité de juridiction devant un tribunal d’un autre État, compétent en l’espèce, dans une procédure se rapportant à la détermination d’un droit ou intérêt de l’État sur un bien immobilier situé sur le territoire de l’État du for, de la possession du bien immobilier par l’État ou de l’usage qu’il en fait, ou d’une obligation de l’État en raison de son intérêt juridique au regard de ce bien immobilier, de sa possession ou de son usage. “

Dans le cadre des Nations Unies, il n’existe pas d’organe qui statue sur les privilèges et immunités diplomatiques et consulaires de l’ensemble des États membres. La seule exception est celle des États du siège des Organisations internationales qui sont liés à l’Organisation installée sur leur territoire par un Accord bilatéral. Il en est ainsi des relations entre l’ONU et les États-Unis pour lesquels un “ Comité des relations avec le pays hôte ” a été établi et qui statue régulièrement sur les plaintes et requêtes des États membres concernant la manière avec laquelle les États-Unis s’acquittent de leurs obligations issues de l’Accord de siège.6 Reste la Cour internationale de justice (CIJ) ou le Conseil de sécurité.

Pour ce qui est de la Cour, elle a été saisie de différends autrement plus importants. Le Comité des relations avec le pays hôte a été créé par la résolution 2819 (XXVI) de l’Assemblée générale. Citons à titre d’exemples l’Arrêt sur l’immunité juridictionnelle de l’État en matière de procédure civile, rendu le 3 février 2012, opposant l’ancienne République fédérale d’Allemagne à l’Italie et se rapportant à la commission de violations graves du droit international humanitaire par le Reich allemand contre des ressortissants italiens au cours de la Seconde Guerre mondiale et l’Arrêt du 24 mai 1980 concernant l’affaire relative au personnel diplomatique et consulaire des États-Unis à Téhéran.

S’agissant du Conseil de sécurité, il serait difficile de convaincre les membres du Conseil, dont l’Algérie se trouve actuellement membre, que ce différend domanial avec le Maroc représente “ une menace à la paix et à la sécurité internationales ” dans le sens qui lui est donné par la Charte des Nations Unies. Par contre, l’Algérie a toute latitude de solliciter un arbitrage mais dans ce cas le consentement du Maroc est obligatoire.

Dans d’autres circonstances, ce différend foncier aurait pu trouver une issue diplomatique mutuellement satisfaisante, qui aurait préservé les relations entre les deux pays voisins. Mais le “ point de non-retour ” décrété par l’Algérie dans ses relations avec le Maroc insuffle une charge hautement politique à tout élément de contentieux qui pourrait surgir, quelles que soient sa nature et sa portée.

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