Publications /
Opinion

Back
Portrait ADEL : Repenser le monde du travail
Authors
Sabine Cessou
December 24, 2019

Elle avait 31 ans et venait tout juste de monter le New Work Lab au Maroc, en 2013, un espace de coworking et accélérateur de start-ups, quand elle a été sélectionnée pour faire partie des Atlantic Dialogues Emerging Leaders. Fatim Zahra Biaz avait déjà tout un parcours, qui correspondait à sa quête de sens dans le travail : diplômée de l’Edec, une école de commerce à Lille, elle avait travaillé à Paris dans le monde du conseil en « change managagement ».

« Je ne sentais pas l’impact que je recherche dans mon travail, qu’il soit économique, social ou dans l’éducation. J’ai démissionné et fait un tour du monde, pendant neuf mois ». Elle sillonne l’Amérique latine, passe de l’Australie à l’Asie, apprend à dépasser ses peurs et rencontre en chemin des « digital nomads », des jeunes qui montent leur entreprise sur Internet.

« J’ai eu envie d’entreprendre à mon retour, sans trop savoir ce que c’était. Je me suis formée à tout ce monde digital de start-up, qui a un état d’esprit différent de ce qui est enseigné à l’école ». Elle monte une entreprise de vente de chaussures de designers entre Paris et Casablanca, mais change de cap assez vite. Elle remarque que les espaces de coworking qu’elle fréquente à Paris font cruellement défaut à Casablanca – de même que tout un accompagnement dédié à la start-up, incubateurs et programmes de formation. « Je me suis dit qu’il fallait créer pour les entrepreneurs au Maroc tout ce que je ne trouvais pas pour moi-même, et que quiconque aurait envie d’entreprendre pourrait venir, pour se former et monter en compétences, être mis en relation avec des entreprises, la presse, des clients, les pouvoirs publics, etc ».

Du programme ADEL de 2013, elle garde un souvenir particulier : « C’était la première fois qu’une organisation au Maroc me faisait confiance sur mon projet. C’était une très belle forme de soutien, de formation et d’apprentissage ». Depuis, elle est invitée en tant qu’Alumni aux conférences Atlantic Dialogues, et cite parmi les rencontres les plus marquantes de sa vie un déjeuner avec un ancien président du Nigeria, Olusegun Obasanjo, qui s’est présenté comme l’ancien « PDG du Nigeria ».

Le New Work Lab, situé sur le boulevard Anfa, une artère du centre de Casablanca, a depuis grandi et évolué, en restant fidèle à sa philosophie de départ. Sa fondatrice en est persuadée : « Il faut repenser le monde du travail, dans lequel les salariés ne se reconnaissent pas et se trouvent souvent en-dessous de leur potentiel ». Le Pitch Lab est devenu une compétition de référence des startups au Maroc, qui a permis de distinguer 150 entepreneurs depuis 2013. Fatim Zahra Biaz a lancé un autre « laboratoire » dénommé Future of Work pour repenser les produits d’innovation dans les grandes entreprises, la culture d’entreprise, proposer des évènements, des « bootcamps », des formations, donner des boîtes à outils pratiques pour apprendre à changer et faire un travail qui compte. L’offre de services se fait à la carte, en fonction de la demande, dans le cadre d’un programme qui tourne autour du changement.

En sept ans, les espaces du New Work Lab ont accueilli 20 000 personnes et vu passer près de 400 entrepreneurs, venus pour des formations, des évènements ou des programmes d’accélération. Parmi les réussites qu’elle aime citer figure celle d’Anou, qui permet à des artisans de vendre directement leur production à des consommateurs aux Etats-Unis. « Cette entreprise a développé une solution pour que des gens qui ne savent ni lire ni écrire puissent utiliser Internet… C’est génial ! ».

Le New Work Lab, soutenu par la Fondation de l’Office chérifien des phosphates (OCP), participe à la création d’un écosystème propice aux starts-up, « sur un marché qui n’est pas évident, qu’il faut créer, en inventant des modèles avec les moyens du bord ». Elle rêve de passer à l’échelle et de voir l’impact de son travail se démultiplier, pour passer des sphères micro-économiques à un impact plus « macro » de l’univers des start-ups, avec des projets plus ambitieux.

Fatim Zahra Biaz continue de voyager, de faire de la randonnée et d’aller à la mer, tout en cultivant un esprit d’excellence éloigné de toute médiocrité – ce qu’elle déteste le plus dans la vie. Son rêve ? Elle prend le temps d’y réfléchir, avant d’expliquer, avec l’enthousiasme serein qui se dégage de sa parole et de sa personne : « Que le travail au Maroc ne soit plus perçu comme une obligation, un gagne-pain, mais comme notre meilleure façon de participer au développement de notre pays, avec un impact collectif et citoyen. Le travail est pour moi une façon d’exprimer des valeurs, une contribution qu’on peut laisser derrière soi, une façon d’écrire ensemble une histoire. Comment donner envie aux gens de travailler différemment et de voir leur travail comme un outil de progrès collectif, c’est la raison d’être même de New Work Lab, peu importe qu’on soit salarié, étudiant ou fonctionnaire. »

Vous pouvez consulter le portrait de Fatim-Zahra, ainsi que ceux d’autres Emerging Leaders, sur la page ADEL Portrait.

RELATED CONTENT

  • March 28, 2023
    كشفت دراسة نشرتها المنظمة الدولية للهجرة حول العاملات الموسميات بعد انتهاء مدة إقامتهن في إسبانيا والعودة إلى المغرب، أن أكثر من 83٪ من النساء يدعمن أسرة مالياً. وقد تم إجراء العديد من ال ...
  • Authors
    Zakaria Elouaourti
    March 15, 2023
    The aims of this article were twofold. First, to tackle the issue of convergence from an analytical point of view by presenting the mathematical developments of the main economic growth models, which emphasized that the convergence of African economies is conditional to the investment level in the early stages of physical capital accumulation. As the latter increases, the convergence of African economies is determined by other factors (investment in research and development (R&D ...
  • Authors
    February 28, 2023
    This publication was originally published on https://www.euromesco.net/   The Moroccan job market offers few opportunities for young non-educated Moroccans. With the rise of the internet, many Moroccans sought to find new ways to generate an income and find financial stability. During the COVID-19 pandemic, we have seen a rise of Moroccan entrepreneurs in e-commerce and dropshipping and a dramatic increase of motivational and educational content that aims at encouraging more peopl ...
  • October 13, 2022
    Le réservoir de jeunes dans la région représente une mine à exploiter. Cependant, l’effet de dividende démographique reste confronter dans la région à de multiples défis. Il reste subordonné à la capacité d’accélérer le processus des réformes en mesure d’améliorer l'environnement de son...
  • Authors
    Sous la direction de Larabi Jaïdi
    Muhammad Ba
    Marouane Ikira
    Pierre Jacquemot
    Brian Kelly Nyaga
    Leo Kemboi
    Moubarack Lo
    Mouhamadou Ly
    Solomon Muqay
    Dennis Njau
    Meriem Oudmane
    Kwame Owino
    Faith Pittet
    Amaye Sy
    September 29, 2022
    La succession des chocs pandémique, climatique et géopolitique a éprouvé les économies africaines. Les liens commerciaux et financiers avec le monde ne sont plus seulement considérés comme des moteurs de performance, mais aussi comme des sources potentielles de vulnérabilité. La défiance à l’égard de la mondialisation s’est accrue. Parce qu’elle est venue souligner la dépendance du continent, le dérèglement de ses rapports à la nature et sa vulnérabilité face aux tensions géopolitiq ...
  • Authors
    September 15, 2022
    Le dialogue social est à la croisée des chemins. Le deuxième round du dialogue social va être lancé aujourd’hui. À l’ordre du jour, la négociation sur des dossiers en instance depuis de longues années (le droit de grève, la représentation des syndicats, le code du travail, les libertés syndicales,…). Mais la grande question qui figure dans l’agenda des parties prenantes est bien celle de l’institutionnalisation des mécanismes d’un dialogue pérenne et efficace, en plus de celle de so ...
  • From

    15
    6:00 pm July 2022
    L’apparition de de la COVID-19 a engendré une crise sanitaire mondiale, qui s’est rapidement transformé à d’autres crises bouleversant le vécu des humains de par la planète. En ce qui concerne les marchés mondiaux, notamment du travail, les incertitudes ont fortement impacté les comportements des agents. Aussi, les mises sous restrictions, totales ou partielles, des facteurs de production ont eu leur incidence sur l’activité globale -via différents canaux -, y compris celle des acteurs du marché du travail. À court terme, la pandémie est synonyme de fortes perturbations pour les citoyens et les marchés du travail. Celles-là concernent les revenues et les dépenses des particuliers comme elles portent sur l’activité des entreprises et donc les dynamiques de création d’emploi et ...