Publications /
Opinion

Back
Sahel : Rien ne sert de courir, il faut trouver la bonne mesure
Authors
March 5, 2018

Les attaques terroristes au Sahel se sont multipliées et intensifiées depuis le début de l’année 2017 en général et depuis l’annonce de la création de la force G5 Sahel en particulier. Les armées maliennes, nigériennes et burkinabés en sont les cibles privilégiées, mais elles ne sont pas les seules. La MINUSMA (mission des Nations-Unies pour la stabilisation du Mali) perd des hommes dans les différentes attaques presque quotidiennes et même BARKHANE (opération au Sahel de l’armée française), réputée être une force mieux équipée, plus organisée et hautement professionnelle, a subi des dégâts humains. 

Le nombre de victimes que fait le terrorisme au Sahel est source non seulement d’inquiétude, mais d’étonnement. On ne peut être qu’ahuri, et fortement ébahi, devant les chiffres et bilans ( voir ci-contre image du communiqué du Parena, Parti pour la Renaissance Nationale du Mali):

• De septembre 2013 à la fin de 2017, plus de 2000 personnes ont trouvé la mort au cours de divers incidents armés. 
• Plus de 716 personnes ont perdu la vie au Mali entre le 1er janvier et le 31 décembre 2017. Au nombre des victimes figurent 292 militaires maliens et étrangers 245 membres des FAMAS (forces maliennes), 45 soldats de l’ONU et deux éléments de la Force Barkhane. 

PCNS

Pourtant les annonces de mise sur pied de la force G5 Sahel, censée venir à bout des groupes terroristes, vont bon train depuis un long moment, avec une opérationnalisation toujours reportée en raison notamment des difficultés rencontrées concernant son financement, pour ne pas évoquer les difficultés d’interopérabilité.

Le comble de cette situation, somme toute incompréhensible, sont les attaques simultanées perpétrées ce 2 Mars à Ouagadougou, contre l’ambassade française et l’État-major des armées du Burkina. Le mode opératoire ne peut-être l’expression que de l’une des affirmations suivantes :

• Soit les groupes terroristes sont arrivés à un degré élevé de maturité et d’organisation qui leur permet de mener des attaques coordonnées de cette envergure.
• Soit les forces de sécurité nationales, africaines et étrangères sont impuissantes devant le phénomène.

Faut-il que nous nous résignions à admettre que tant que la force G5 sahel n’est pas mise au point, les groupes terroristes auront la main haute sur la situation ? Faut-il croire que la force G5 Sahel ferait mieux que les armées des pays concernés, que la MINUSMA et que BARKHANE réunies ? Difficile à croire.

Si l’on se fie aux informations jusqu’à présent disponibles, la force G5 Sahel mène aujourd’hui un combat loin du théâtre des opérations. Elle mène le combat pour son financement et non celui contre les groupes terroristes. Les seules victoires annoncées jusqu’à aujourd’hui ne concernent que les promesses de participation au financement de la force. Et si ces promesses tardent à se concrétiser (ce qui semble jusqu’à présent être le cas), devrons-nous admettre que les groupes terroristes continuent leur carnage ? 

Ne faut-il pas admettre que la solution est ailleurs et qu’il ne s’agit point de courir derrière le rassemblement des fonds pour une énième force à créer , mais plutôt de se tourner vers l’existant, pour l’opérationnaliser, le renforcer et le consolider ? Les pays touchés par la vague terroriste actuelle sont membres de la CEDEAO ou de la CEEAC, et ces deux communautés régionales, qui disposent de brigades dans le cadre des forces africaines en attente, doivent être les premières concernées. Ne leur revient-il pas d’être dans les premières lignes de la lutte contre ce terrorisme ? Que fait-on des unités de forces en attente dont ils disposent ? Si ces brigades manquent de moyens il serait préférable de leur dédier l’effort consacré aujourd’hui à de nouvelles structures (Force G5S ou GAR- SI, le Groupe d’Action Rapide de Surveillance et d’Intervention). Si l’on s’entête à créer une nouvelle force ad-hoc à chaque fois que surgit une menace, les structures de la force africaine en attente ne seront jamais utiles et jamais opérationnalisées. Elles seront condamnées à habiter le château de l’oubli.

L’implication des communautés économiques régionales donnerait plus de consistance à la lutte contre le terrorisme, car elle inclurait des pays nantis et des pays pauvres, les uns couvrant les autres. Or le G5 Sahel est conçu entre des pays pauvres et aux moyens faibles. Faut-il rappeler qu’une addition de faiblesses ne peut donner qu’une faiblesse plus grande et jamais une force ? Ce n’est qu’en étant épaulée par une force qu’une faiblesse peut évoluer vers le mieux. La force G5 Sahel ou la force multinationale mixte, et toutes les autres initiatives similaires, ne pourront jamais résoudre des crises en dehors du cadre plus large et plus solide que constituent les communautés régionales.

Rien ne sert donc de courir derrière de nouvelles créations tant que les structures existantes n’ont pas été utilisées et ces structures existantes sont les brigades régionales de la force attente. La réforme en cours de l’Union Africaine ferait mieux de renforcer les rôles de ces organismes. 
 

RELATED CONTENT

  • Authors
    Hamza M’jahed
    October 19, 2020
    La Commission de l’Union européenne (UE) a présenté, le 23 septembre 2020, son Pacte sur la migration et l’asile, supposé être l’un des piliers de la nouvelle présidence de l’instance exécutive. Sur ce sujet, devenu quasi-existentiel pour l’UE, l’ambition est de repenser la stratégie migratoire européenne, en prônant une approche pragmatique et réaliste pour faire face à ce « défi » dont les enjeux divisent profondément l’Union, depuis l’afflux des réfugiés en 2015, qui a renforcé l ...
  • Authors
    October 16, 2020
    Whether President Trump is reelected or not, the United States will, sooner or later, revert to a traditonalist foreign policy of openness and alliances. If Joe Biden beats Donald Trump on November 3, as he is expected to do, the United States will return to a traditionalist brand of foreign policy: one of openness, support for multilateralism, and constructive engagement with allies. But even if Biden doesn’t winwhich is possible—and four more years of Trump’s America First polici ...
  • Authors
    Eugène Berg
    Pascal Chaigneau
    Jérôme Évrard
    Alain Oudot de Dainville
    Sonia Le Gouriellec
    Rodolphe Monnet
    Florent Parmentier
    Nicolas Vaujour
    October 16, 2020
    Dans ce huitième ouvrage, le Centre HEC de Géopolitique et le Policy Center for the New South présentent 13 papiers conjoints inspirés de la 8ème édition de la conférence annuelle des Dialogues Stratégiques, et enrichis par les auteurs. Lors de cette rencontre, qui a eu lieu le 17 octobre 2019, deux thèmes majeurs ont été discutés : Les défis de la navalisation et de la maritimisation du monde et l’insularité au sein de l’Union Africaine. Dans la première partie de l’ouvrage, les a ...
  • October 15, 2020
    It is only recently that the international community has begun referring to tackling the root causes of migration. The importance of job creation has emerged as one of the key ways to convince young people to stay in their countries of origin. However, solely creating jobs is insufficient if the jobs are vulnerable and do not pay decent wages. This policy brief provides recommendations on priority areas to ensure decent living conditions in origin countries. These priorities include ...
  • Authors
    October 13, 2020
    Following months of negotaitions, extremist group JNIM released three foreign and one Malian political leader hostages. Malian government led these talks while France and Italy played minor role, if any at all. JNIM received at least €10 million in addition to 204 of its members released from prison. One of the prisoners released is charged in the U.S. with the murder of a U.S. during Ouagadougou, Burkina Faso attack in 2016. Other members released would provide a major boost to JNI ...
  • Authors
    October 8, 2020
    The so-called QAnon conspiracy theory has inspired groups with millions of members on Facebook and is considered by some observers to be “a new American religion”. For the U.S. Federal Bureau of Investigation, however, the conspiracy theorists could pose a domestic terrorist threat. Q followers believe the baseless messages of their faceless leader(s) that a cabal of Satan-worshipping pedophiles is running a global child-trafficking ring and plotting against Donald Trump, who is bat ...
  • Authors
    Hajar El Alaoui
    October 5, 2020
    La pandémie de la Covid-19 a mis en exergue les limites de la « coopération internationale » et du multilatéralisme, cédant la place à une possible émergence de la coopération bilatérale, voire régionale, et à la mise en œuvre de Complexes régionaux de sécurité. La configuration actuelle du monde en fait un village global, où les Etats sont à l’image de leurs nations, plus connectés et interdépendants. Il est, certes, vrai que la mondialisation ne peut disparaître, mais peut, en rev ...