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Parcours et défis des migrantes marocaines dans le secteur agricole : cas de l’Andalousie et de la région Souss-Massa
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January 31, 2025

La migration en provenance de pays de la région MENA n’est plus limitée aux hommes, car de plus en plus de femmes arabes et africaines entreprennent cette aventure. Les motivations sont diverses, allant des perspectives économiques à l'éducation, en passant par les motifs de regroupement familial. Cette évolution a mis en évidence une intersection complexe d'aspects liés au travail, au genre et à la migration. Dans ce Papier, nous proposons une étude comparative couvrant deux contextes distincts : les femmes migrantes en interne, actives dans la région de Souss-Massa, et les migrantes marocaines travaillant en Espagne. L'objectif est d’aborder les défis auxquels font face les femmes migrantes sur les marchés du travail nationaux et internationaux. Grâce à la combinaison de cadres théoriques complémentaires, la notion du rôle social et la théorie de l'intersectionnalité, l'étude examine l'influence des normes sociétales et des attentes liées au genre sur les expériences des femmes dans les contextes de mobilité du travail. Elle cherche, en outre, à explorer les pistes d'action potentielles pour limiter les cas d'abus auxquels ces femmes sont confrontées et réfléchir à des initiatives visant à renforcer leur autonomie au retour.

Introduction

La féminisation de la migration n’a émergé en tant que concept qu’à partir des années 1980, car les recherches ont longtemps été dominées par l’idée que la mobilité était un phénomène masculin, reposant sur l’hypothèse que la migration était principalement motivée par des raisons économiques. Les hommes étaient ainsi perçus comme les agents économiques de la migration, contrairement aux femmes, souvent considérées comme des actrices culturelles passives suivant leurs partenaires masculins dans le processus migratoire (Kachani, 2019). Pourtant, en termes quantitatifs, ces hypothèses se sont révélées limitées. En 2020, les migrantes étaient estimées à 135 millions de personnes, représentant près de la moitié de la population migrante mondiale (48,1%), avec un nombre croissant de femmes migrant de manière indépendante pour des raisons professionnelles ou en tant que cheffes de ménage (Migration Data Portal, 2024).

Pour le cas spécifique du Maroc, trois grandes phases d’émigration féminine peuvent être distinguées. La première remonte aux années 1960 et au début des années 1970, où très peu de femmes migraient, principalement pour des raisons familiales. La deuxième phase, à partir du milieu des années 1970, a vu le départ de femmes marocaines dans le cadre du regroupement familial vers des pays comme la France, l’Espagne, la Belgique et l’Italie. Ce processus a conduit à une insertion timide mais soutenue des femmes marocaines migrantes sur le marché du travail des pays d’accueil. Là encore, une part importante des femmes nouvellement arrivées restaient confinées dans une division genrée du travail héritée où les femmes s’occupent du foyer et des enfants pendant que les hommes travaillent à l’extérieur.  Une autre part des femmes marocaines arrivait sur le marché du travail dans les pays d’accueil comme aides à domicile ou employées dans d’autres secteurs de services, souvent en l’absence d’expérience professionnelle, soit par nécessité, soit sous l’influence des modèles qu’elles observaient dans les sociétés d’accueil. La troisième phase, plus récente, débute à partir de la seconde moitié des années 1980, où les femmes cherchaient de plus en plus à émigrer pour développer leur autonomie économique grâce à une migration de plus en plus autonome (Khachani, 2019 ; P50).

Avec l’émigration féminine autonome, un ensemble important de défis s’est dessiné à l’intersection de trois domaines principaux : le travail, le genre et la migration. À travers la présentation d’une analyse comparative de femmes migrantes travaillant dans deux contextes différents – des femmes migrantes internes employées dans le secteur agricole dans la région du Souss-Massa, au sud du Maroc, et des femmes migrantes marocaines travaillant en Espagne – l’objectif est de mettre en lumière les défis et problématiques auxquels elles sont confrontées en tant que travailleuses migrantes, tant à l’échelle locale qu’à l’étranger. Bien que leurs trajectoires et motivations puissent différer, la juxtaposition des deux études de cas révèle que la discrimination et les abus constituent des schémas communs liés au genre dans le domaine de la migration féminine pour le travail.

Au-delà d’une simple description des difficultés rencontrées par les femmes migrantes, ce Papier vise à explorer les pistes d’action possibles pour limiter les cas d’abus auxquels ces femmes font face et à réfléchir à des initiatives pour les autonomiser à leur retour dans leur pays d’origine. L’objectif est de contribuer à une meilleure compréhension des complexités entourant la participation des femmes au marché du travail, en combinant deux cadres théoriques complémentaires : la théorie des rôles sociaux et la théorie de l’intersectionnalité. La première explore comment les attentes et normes sociales jouent un rôle significatif dans l’influence des comportements et des opportunités disponibles en fonction des rôles de genre perçus, tandis que la théorie de l’intersectionnalité ajoute une couche d’analyse axée sur les identités sociales, examinant comment les expériences et les opportunités accessibles sont façonnées par des facteurs tels que la nationalité, le statut migratoire et le genre. Une analyse combinant ces deux cadres est essentielle pour comprendre comment les femmes se retrouvent majoritaires parmi les travailleurs agricoles, aussi bien localement qu’à l’étranger, et comment le genre influence leur expérience tout au long de leur parcours migratoire.

De plus, cette étude – guidée par une approche constructiviste – lève le voile sur les résultats d’une recherche terrain que nous avons menée dans la région du Souss-Massa. Cette recherche, basée sur des entretiens qualitatifs avec 40 femmes originaires de différentes villes du Maroc, installées dans la province de Chtouka Ait Baha et travaillant dans le secteur agricole, a permis de recueillir des témoignages sur les difficultés qu’elles rencontrent en tant que femmes issues de milieux sociaux et économiques défavorisés, éloignées de plusieurs centaines de kilomètres de leurs villes d’origine.

L'émergence d'une main-d'œuvre féminine précaire dans les centres ruraux au Maroc

Historiquement, les femmes des « régions conservatrices » du Maroc étaient principalement confinées aux travaux domestiques, bien qu'elles aient une longue tradition de contribution à l'agriculture locale pour des besoins d'autosubsistance. Cependant, en raison de tabous et de normes sociales profondément ancrés, l'intégration des femmes dans le travail agricole rémunéré ne s'est pas réalisée avant les années 1980 (Pascon & Ennaji, 1986). Plus tard, avec la modernisation de la société et l'accès des femmes au marché du travail, il est devenu courant de voir des femmes travailler dans le secteur agricole, principalement dans des rôles ne nécessitant pas de qualifications élevées, reflétant le rôle croissant des femmes dans les finances des ménages. Par ailleurs, les femmes des zones rurales se sont révélées plus actives que leurs homologues urbaines. En 2017, le taux d’activité des femmes rurales atteignait 29,6 %, contre 18,4 % pour les femmes urbaines et 22,4 % au niveau national.

Avec cette évolution progressive des normes culturelles et des dynamiques de genre, une subtile division des rôles a émergé. Le travail exercé par les femmes dans l'agriculture suivait des lignes similaires à celles de leurs activités habituelles dans le contexte familial. Ainsi, pendant longtemps, les femmes ont principalement été chargées du désherbage, de la récolte et du stockage des cultures vivrières, ainsi que de l’aide aux transplantations, à l’irrigation et à la fertilisation des sols (FAO).

Aujourd’hui, bien que la participation des femmes rurales au travail agricole rémunéré soit devenue une pratique courante, ces travailleuses continuent de souffrir de stigmatisation en raison des images sociales associées aux femmes travaillant dans les fermes. Cette stigmatisation s’explique en partie par leur appartenance à des milieux sociaux et économiques généralement défavorisés, mais aussi par les pratiques de harcèlement et d’abus dans le secteur. En réalité, seule une minorité de travailleuses agricoles bénéficie de contrats formels leur donnant droit à une protection sociale, la majorité relevant de l’informel, ce qui les place en position de vulnérabilité dans la chaîne de production.

Par conséquent, les opportunités d'avancement professionnel pour les travailleuses agricoles restent considérablement limitées par rapport aux hommes. Ces derniers bénéficient souvent d'années d'expérience acquises grâce à un accès précoce au marché du travail, ce qui accélère leur ascension vers des postes tels que celui de « cabran » (le surveillant des ouvriers) ou d’opérateur de machines. En revanche, l'accès des femmes à de tels rôles spécialisés est bien plus difficile, beaucoup étant cantonnées à des travaux pénibles dans les fermes, soit comme employées directes des agriculteurs, soit par le biais de recrutements informels dans des lieux comme le « moquef » (marché informel de l’emploi) où les femmes se présentent très tôt

le matin (04h00) pour proposer leur force de travail. Si elles ne sont pas sélectionnées avant 7 heures, cela signifie qu'elles seront sans emploi pour la journée. De plus, les conditions de transport dans lesquelles ces femmes sont transportées vers et de leurs lieux de travail les exposent à des risques élevés d'accidents, s’agissant le plus souvent de véhicules inappropriés pour le transport d’êtres humains.

Les données du dernier rapport sur la migration internationale marocaine, publié par le Haut-Commissariat au Plan (HCP, 2019), ont révélé une tendance croissante à la féminisation de la migration internationale, malgré la prédominance historique de la mobilité masculine. Selon les données fournies, les tendances migratoires actuelles montrent une structure de genre marquée par une nette prédominance masculine, plus des deux tiers des migrants actuels (68,3 %) étant des hommes, tandis que le taux de féminisation est estimé à 31,7 %, avec un pic chez les jeunes âgés de 15 à 29 ans (38,4 %) et des taux plus faibles chez les personnes de plus de 60 ans (23,7 %). Cette disparité de genre persistante est largement due à l’histoire de l’émigration masculine, dominante jusqu’au milieu des années 1970, suivant une division traditionnelle des rôles inspirée par le modèle du soutien familial, où les hommes travaillent contre rémunération tandis que les femmes sont confinées aux tâches ménagères. Cependant, au fil des décennies, il y a eu une féminisation croissante de la migration marocaine à l'étranger, d’abord à travers le regroupement familial et de plus en plus par la migration féminine autonome. Les économistes considèrent que la récente émigration féminine autonome a des raisons fondamentalement économiques ; elle est enracinée dans la crise qui a frappé l’économie marocaine à partir de la fin des années 1970 et a conduit à des dysfonctionnements qui se sont intensifiés dès le début des années 1980, alimentés par l’impact des Programmes d'ajustement structurel qui se sont avérés financièrement bénéfiques mais ont eu des effets négatifs sur les taux de chômage tant chez les hommes que chez les femmes (Khachani, 2019). Ces dernières, notamment lorsqu’elles sont issues de milieux pauvres, avec un niveau d’éducation limité et souvent originaires des zones périurbaines, se  retrouvaient à la recherche d'emplois rémunérés pour subvenir aux besoins de leur foyer. Dans ce contexte, des secteurs comme les services dans les villes urbaines et l’agriculture dans les zones rurales se sont imposés comme des options principales, en raison de la croissance significative qu’ils ont connue, proposant une importante offre de travail temporaire, flexible et généralement peu qualifié.

Ce changement observé dans les schémas de migration féminine souligne une transformation significative du paysage social et économique du Maroc, les femmes devenant de plus en plus actives et contribuant aux dépenses du ménage. Au niveau local, la plupart des femmes marocaines des zones rurales sont actives dans le secteur agricole (HCP, 2020). L’analyse de la structure des femmes employées selon les principaux groupes professionnels révèle que plus d'un tiers (36 %) des femmes dans les zones rurales travaillent dans les secteurs de l’agriculture ou de la pêche.

La discrimination à l'égard des migrantes travaillant à l'étranger

Dans le sud de l'Espagne, des milliers de migrantes marocaines sont employées pour la récolte des fruits rouges à Huelva et le traitement des produits horticoles dans les entrepôts de conserves à Almería, une tradition qui trouve ses racines au début des années 2000, lorsque les agriculteurs espagnols ont cherché à combler la pénurie de main-d'œuvre dans le secteur agricole. Les autorités espagnoles ont donc cherché à développer cette forme d’immigration, régulée par des contrats de travail saisonnier internationaux depuis 2001(contratos en origen ). Ces accords permettent à l’Espagne de négocier et de signer des contrats avec les pays exportateurs de main-d'œuvre par la pré-sélection des travailleurs directement dans leurs pays d’origine pour la durée de la saison (en moyenne de 8 à 10 mois), tout en assurant le retour obligatoire de ces migrants dans leurs pays respectifs une fois la durée du contrat terminée. Cette politique de tri sélectif est couramment appelée mobilité circulaire, consistant à sélectionner, recruter, transporter, placer et rapatrier la main-d'œuvre en fonction des besoins économiques des pays d’accueil et d’origine (Mésini, 2009).

Une fois arrivées sur leur lieu de travail en Espagne, les migrantes marocaines sont confrontées à des défis presque similaires à ceux vécus dans leur propre pays. Elles se voient proposer des salaires inférieurs à ceux de leurs homologues masculins, et sont victimes d’abus et de harcèlement. Ces femmes travaillent dans des conditions difficiles et sont souvent exploitées, car  leur travail est saisonnier, le plus souvent, comme la cueillette des fruits, des tâches physiquement épuisantes et sans sécurité d’emploi. Le fait qu'elles  pâtissent de barrières linguistiques,  d’analphabétisme et d'isolement géographique par rapport à leurs familles, accentue  leurs difficultés, limitant la possibilité qui s’offre à elles pour défendre leurs droits ou accéder aux services de soutien.

En ce qui concerne les critères de sélection, un dilemme éthique se pose. Les femmes retenues pour participer au programme migratoire doivent répondre à des critères spécifiques : elles doivent être mères d’enfants en bas âge et provenir des zones rurales. Ces critères sont conçus pour minimiser la probabilité de dépassement de visa, car les femmes sont censées rentrer au pays pour s’occuper de leurs enfants. Elles sont donc perçues comme moins susceptibles de disposer de réseaux de soutien qui pourraient faciliter leur séjour illégal en Espagne. Selon un responsable de l'ANAPEC (Agence nationale pour la promotion de l’emploi et des compétences) dans la province de Chtouka Ait Baha -qui a souhaité garder l’anonymat- les critères de sélection vont souvent au-delà des restrictions liées au statut matrimonial pour inclure des considérations physiques, les candidates étant évaluées en fonction de l’état de leurs mains pour juger de leur familiarité avec le travail agricole. Pendant la pandémie de la Covid-19, les agences de recrutement espagnoles ont opté pour des processus de sélection en ligne, entraînant un nombre significatif de candidates originaires de zones urbaines ayant l’intention de s’installer définitivement en Espagne, explique la même source. En conséquence, il a été décidé de recruter exclusivement dans les zones rurales avec le concours de l’ANAPEC.

Le fait que les migrantes soient principalement sélectionnées en fonction de leur statut matrimonial soulève plusieurs questions. Dans les sociétés du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, les femmes jouent un rôle essentiel dans la garde des enfants et la gestion du foyer familial. Ainsi, les femmes passent un temps considérable dans des tâches ménagères  non rémunérées. Lorsque les migrantes marocaines mères de famille partent travailler en Espagne, c’est l’ensemble de la structure familiale qui s’en trouve perturbé. Des entretiens avec des agents sociaux travaillant pour le compte de l’ANAPEC ont mis en évidence plusieurs impacts de la migration féminine sur les foyers, notamment la baisse des performances scolaires des enfants, la découverte de relations extraconjugales des conjoints et, surtout, l’exploitation financière, car nombre de ces femmes envoient de l’argent à leurs maris en compensation de leurs tâches de garde pendant la période du travail saisonnier. Tous ces problèmes impactent les familles, en particulier les femmes et les enfants. La source de l'ANAPEC a noté que seules quelques-unes des migrantes marocaines parviennent à acquérir une indépendance économique, soulignant l'importance capitale du soutien de ces femmes pour les aider à briser le cycle de vulnérabilité.

Conclusion et recommandations

Dans les deux cas de migration féminine marocaine, que celle-ci soit interne ou internationale, il existe une intersection de vulnérabilités. En plus des discriminations structurelles liées à la nature même du travail, la vie des travailleuses migrantes est marquée par des inégalités, les rendant particulièrement vulnérables. Ces discriminations ne se manifestent pas simplement comme une addition de vulnérabilités provenant de chaque axe d’inégalité – genre, statut migratoire, etc. – mais convergent et se renforcent mutuellement, entraînant des expériences de discrimination globales. Dans le cas des femmes migrantes travaillant dans le secteur agricole, trois axes influencent le plus fortement leurs expériences : le genre, l’origine et la classe sociale. En effet, le travail des femmes migrantes dans ce secteur porte une stigmatisation sociale et est souvent associé à l’appartenance à des groupes socio-économiques vulnérables.

De plus, ces femmes doivent répondre à des attentes complexes liées aux rôles de genre, qui peuvent entrer en conflit avec les normes traditionnelles, qui attendent principalement de la femme une présence et une gestion active de son foyer, y compris la réalisation des tâches ménagères et l’éducation des enfants. Or, ces femmes travailleuses agricoles se trouvent appelées à assumer aussi le rôle de pourvoyeuses de revenus pour leurs familles, remettant en question les normes sociales traditionnelles mentionnées plus haut. La pression qui nait de vouloir équilibrer entre ces responsabilités, en particulier en ce qui concerne la maternité, peut entraîner un stress émotionnel et psychologique, alors qu’elles s’efforcent de répondre à la fois aux exigences du travail et de la famille. Sur le lieu de travail, ces femmes sont exposées à la violence et au harcèlement fondés sur le genre, aggravés par l’absence de soutien institutionnel et de sensibilisation. En Espagne, les dynamiques de pouvoir sur le lieu de travail sont particulièrement problématiques, notamment pour les travailleuses résidentes ou encore celles en situation administrative irrégulière, ce qui crée des environnements où il est difficile de signaler les abus par crainte de représailles, telles que la perte de leur emploi ou l’expulsion.

Cependant, il ne faut pas nier les bénéfices socioéconomiques de la migration économique des Marocaines actives dans le secteur agricole, notamment celles qui parviennent à se rendre en Espagne. En effet, malgré les défis mentionnés, lorsque nous avons interrogé des travailleuses locales dans la région du Souss, elles ont déclaré qu’elles seraient toujours prêtes à saisir l’opportunité d’aller en Espagne, en raison des écarts salariaux significatifs. Alors qu’elles sont payées 70 DH (soit environ 6,5 euros) par jour au Maroc, le salaire moyen des femmes agricoles marocaines en Espagne est d’environ 7,63 euros de l’heure, soit près de huit fois leur rémunération au Maroc. Il est également important de rappeler que, pour de nombreuses migrantes, l’intégration dans la sphère économique représente une opportunité d’émancipation et de rupture avec les contraintes imposées par la famille. Les revenus de leur travail leur permettent d’atteindre un certain degré d’autonomie et d’améliorer le niveau de vie de leur famille.

Par conséquent, la solution aux problématiques soulevées ne réside pas forcément dans l’arrêt de ces types d’arrangements, qui se sont révélés financièrement bénéfiques pour beaucoup d’entre ces femmes, mais plutôt dans la mise en œuvre de mesures visant à améliorer leurs conditions de travail. Cela peut passer par plusieurs actions, telles que l’élimination des critères de sélection contraires aux droits humains, comme les exigences liées à la garde des enfants ou les évaluations basées sur la condition physique des candidates. Il serait également nécessaire d’améliorer les clauses contractuelles pour mieux intégrer les droits sociaux et économiques des migrantes, incluant une liste claire de ce qui est attendu d’elles et de la rémunération correspondante.

Des experts que nous avons croisés lors des entretiens dans la région du Souss-Massa nous ont confirmé que des négociations sont en cours pour accorder des permis de travail de durées plus longues aux migrantes expérimentées, afin de simplifier les procédures de renouvellement. Ceci serait bénéfique pour ces femmes, leur permettant de planifier leur carrière et, par conséquent, de mieux gérer leurs revenus. D’autres actions pourraient inclure la mise en place de services de proximité disponibles à la fois pour les migrantes locales au Maroc et pour les travailleuses marocaines en Espagne, afin de leur faire prendre conscience de leurs droits et des mesures de soutien qu’elles pourraient actionner en cas de besoin. Enfin, il est essentiel de soutenir et de financer les activités menées par différentes agences, telles que l’ANAPEC, pour accompagner, former et financer des projets lancés par des femmes de retour dans leur pays, afin de soutenir leur autonomie financière.

Références

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