Publications /
Policy Paper

Back
Marché du GNL: Choc de demande dans les pays émergents
Authors
Sylvie Cornot-Gandolphe
June 30, 2018

Au cours de la dernière décennie, un nombre croissant de marchés émergents a rejoint le club des importateurs de gaz naturel liquéfié (GNL). De 7 pays en 2010, ils étaient 17 en 2017 : ceci inclut des régions traditionnellement tournées vers l’exportation (telles que le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord) dont la demande de gaz et d’électricité est à la hausse, des économies émergentes avec des besoins croissants en énergie (Asie du Sud-Est), des pays qui, faisant face à de sérieuses pénuries en électricité et en gaz, remplacent le pétrole importé par du gaz pour produire leur électricité (Asie du Sud), et des pays à la recherche d’une plus grande sécurité et diversité de leur approvisionnement gazier (Amérique du Sud). La flexibilité et la compétitivité des unités flottantes de stockage et de regazéification (FSRU dans son acronyme anglais), des prix du GNL en baisse depuis 2015 et le soutien financier des fournisseurs de GNL et des institutions financières multilatérales ont permis à ces marchés émergents de développer leurs importations de GNL.

La demande de GNL des marchés émergents a bondi depuis 2010, passant de 9 millions de tonnes métriques (Mt) à 41 Mt en 2017 (14 % du marché mondial), dépassant ainsi la demande de la Chine en 2017, la Chine étant le pays le plus dynamique sur le marché mondial du GNL. Cette hausse récente a permis d’absorber l’offre excédentaire anticipée de GNL, la rendant bien plus basse que prévu. Les marchés émergents continuent à croître, et 16 pays prévoient maintenant de commencer à importer du GNL au cours des cinq prochaines années.

Tous les projets ne seront pas réalisés, et la demande future de GNL des pays émergents est difficile à évaluer. Les incertitudes principales incluent : l’élasticité-prix de cette demande, la capacité des gouvernements à payer des subventions ou celle des consommateurs à payer des prix plus élevés, particulièrement quand le GNL est fourni à des centrales électriques, et les tendances de la production domestique de gaz. Pour plusieurs pays qui importent du GNL, ou aspirent à le faire, le charbon demeure un concurrent important au gaz dans le secteur électrique. La demande de GNL des marchés émergents va certainement rendre le marché très volatil.
Cette nouvelle demande a contribué aux changements rapides et profonds qui affectent les marchés du GNL.

La demande de GNL des marchés émergents est bien différente de celle des marchés établis. Une caractéristique majeure est sa saisonnalité inversée – elle atteint son pic dans les mois estivaux de l’hémisphère nord – ce qui pourrait aider à équilibrer l’offre et la demande mondiale de GNL tout au long de l’année vu l’accroissement attendu de la demande de ces marchés. L’émergence de nouveaux acheteurs comporte également des défis : les contrats signés par les marchés émergents sont généralement plus risqués, pour des volumes plus petits et des périodes moins longues que dans les marchés traditionnels. Cette nouvelle demande ne permet pas de garantir le financement de nouveaux projets de liquéfaction. Combiné avec les bas prix du GNL enregistrés en 2015-2017, le manque d’engagements à long terme a ralenti l’investissement dans de nouveaux projets d’exportation de GNL. En conséquence, les producteurs et les agrégateurs de GNL s’adaptent : croître, se concentrer sur les projets les plus compétitifs, devenir acquéreurs à long terme de la production des nouveaux projets d’exportation GNL pour la revendre via leurs portefeuilles, lancer des projets de moins grande ampleur et intégrer la chaîne de valeur. Pour profiter de la hausse de la demande des marchés émergents, les nouveaux projets d’exportation de GNL devront s’appuyer sur un coût maîtrisé, plus de flexibilité, et des structures de prix créatives. De plus en plus, les agrégateurs de GNL et les traders devront cofinancer et participer aux projets en aval.

À court terme, la vague actuelle de projets d’exportation de GNL garantit un approvisionnement abondant, bien que le marché puisse être tendu pendant les périodes hivernales telles que celle de l’hiver 2017-2018. Mais sans l’approbation de nouveaux projets d’exportation, la hausse importante de la demande résultera en une pénurie mondiale de GNL au début des années 2020.

Poussée par le dynamisme de ce marché, la demande en GNL des marchés émergents pourrait tripler ou même quadrupler d’ici 2030. Mais une offre insuffisante au début des années 2020, due à un manque de nouveaux investissements en exportation de GNL, causerait une hausse des prix, limiterait très probablement l’augmentation de la demande future et découragerait le développement d’un certain nombre de projets d’importation. Le rôle des institutions financières multilatérales, qui facilitent l’établissement de nouvelles capacités d’importation, deviendra crucial, particulièrement dans un contexte où la seule alternative au gaz pour la production d’électricité en base semble toujours être le charbon pour beaucoup de pays émergents.

RELATED CONTENT

  • Authors
    Patricia Ahanda
    July 14, 2021
    Le Forum Génération Égalité s’est tenu, du 30 juin au 2 juillet 2021, à Paris et virtuellement dans le monde entier. Organisée par la France sous l'égide de l’ONU et présidée par le Président de la République française, Emmanuel Macron, cette grande assemblée multilatérale entendait répondre à «l'urgence d'égalité réelle entre les femmes et les hommes » [i].  Dans un monde impacté par la crise sanitaire, et où, selon le Global Gender Report du World Economic Forum[ii], les inégalit ...
  • July 14, 2021
    This book aims to address job creation in Morocco in the context of a new export-driven growth model. Prior to the COVID-19 pandemic, the unemployment situation in Morocco was serious, particularly among young people. Morocco’s competitive edge in the global market had been eroding, especially in labor-intensive, low-wage industries that typically create large numbers of jobs. The COVID-19 pandemic has created further setbacks to the economy in 2020 and beyond, including a collapse ...
  • July 13, 2021
    يلتزم المغرب منذ سنة 2009 بتسريع تطوير الطاقات المتجددة، وتعزيز الكفاءة في استخدام الطاقة وكذلك التكامل الإقليمي من خلال اعتماد استراتيجية وطنية طموحة للطاقة. بعد أكثر من 10 سنوات، تم تحقيق العديد من الإنجازات. لكن مع انتشار وباء كوفيد 19 والازمة الصحية التي نتجت عنه، تم فرض العديد من ا...
  • Authors
    July 12, 2021
    Frappée de plein fouet par la crise sanitaire de la Covid-19, la République de Zambie, déjà fragilisée, fait face à de nombreux défis sur les plans politique, économique, social et climatique. Outre sa position géographique de pays enclavé, le croissant de l’Afrique australe se positionne comme l’une des premières victimes du réchauffement climatique sur le continent rendant vulnérable une partie de sa population souffrant d’insécurité alimentaire accrue. Par ailleurs, et à l’approc ...
  • Authors
    Chami Abdelilah
    Derj Atar
    Hammi Ibtissem
    Morazzo Mariano
    Naciri Yassine
    with the technical support of AFRY
    July 9, 2021
    Les conséquences du changement climatique sont de plus en plus visibles au Maroc. Le schéma changeant des précipitations et de la sécheresse, l'augmentation des températures moyennes et des canicules, les inondations et l'augmentation du niveau de la mer affectent de plus en plus de nombreuses régions. Et pourtant, le taux d'émission de gaz à effet de serre (GES) du Maroc est relativement faible, comparé à celui d'autres pays. En 20162, les émissions totales de GES du Maroc ont atte ...
  • Authors
    Chami Abdelilah
    Derj Atar
    Hammi Ibtissem
    Morazzo Mariano
    Naciri Yassine
    with the technical support of AFRY
    July 9, 2021
    The consequences of climate change are becoming progressively more visible in Morocco. Changes in rainfall patterns and drought, increases in average temperatures and heatwaves, flooding, and rising sea levels are increasingly affecting several regions. Yet, Morocco has a relatively low greenhouse gas (GHG) emission rate, compared to other countries. In 20162, Morocco’s total GHG emissions reached 86127.7 gigagram of carbon dioxide equivalent (Gg CO2-eq), totaling around 0.2% of glo ...
  • Authors
    Chami Abdelilah
    Derj Atar
    Hammi Ibtissem
    Morazzo Mariano
    Naciri Yassine
    with the technical support of AFRY
    July 9, 2021
    Les importantes ressources en énergies renouvelables du Maroc offrent une opportunité sans précédent d’ancrer les choix économiques et politiques du pays dans la transition énergétique, et de faire de cette transition un levier essentiel du développement économique. Ceci est d’autant plus important que le coût des énergies renouvelables a baissé au cours des 10 dernières années2 et présente désormais un fort potentiel, non seulement de création d’emplois verts mais aussi de croissan ...
  • July 7, 2021
    Durant les années précédant la crise sanitaire, l’inflation n’était pas un sujet de préoccupation pour les économies surtout occidentales, habituées depuis plusieurs décennies à une certaine stabilité. Vers fin 2019, l’évolution des prix à la consommation était contenue en dessous de 1,...