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Policy Brief
Le 5 novembre 2024, Donald Trump a gagné son duel face à Kamala Harris. Le 45ème président des États-Unis sera aussi le 47ème et il prendra ses fonctions à la Maison Blanche le 20 janvier 2025. Les politiques de la future Administration Trump seront évidemment très différentes de celles qu’aurait pu conduire une Administration Harris et de celles de l’Administration Biden depuis janvier 2021 et c’est aussi le cas pour les questions énergétiques. Mais une chose est sûre : que la première puissance mondiale soit dirigée par Barack Obama, Joe Biden, Donald Trump ou son successeur, les États-Unis sont, et resteront pendant de nombreuses années encore, une superpuissance énergétique.
Introduction
Commençons par le pétrole, l’énergie la plus consommée dans le monde. En 2024, la production de pétrole brut du pays sera légèrement supérieure à 13 millions de barils par jour (Mb/j), ce qui fait des États-Unis le premier producteur mondial devant la Russie (9,1 Mb/j actuellement) et l’Arabie Saoudite (9 Mb/j) dans cet ordre. La production mondiale de brut sera d’environ 103-104 Mb/j cette année. Jamais les États-Unis n’avaient produit autant de brut et jamais un autre pays n’a produit un tel volume dans toute l’histoire pétrolière. De plus, comme l’a souligné l’U.S. Energy Information Administration (EIA), une agence au sein du département de l’Energie (U.S. DOE), aucun pays ne pourra atteindre un tel niveau dans les prochaines années parce qu’aucun autre pays ne dispose d’une capacité de production de 13 Mb/j. Or, pour que le second ou le troisième producteur (Russie et Arabie Saoudite) augmente sa capacité pour la porter à 13 Mb/j ou un peu plus, il faudrait plusieurs années et des investissements se chiffrant en dizaines de milliards de dollars. La Russie ne peut pas le faire et l’Arabie Saoudite ne veut pas le faire puisqu’elle a renoncé, début 2024, à porter sa capacité maximale de production de 12 à 13 Mb/j d’ici 2027, comme elle l’avait envisagé auparavant. La suprématie pétrolière américaine (dans ce texte, l’adjectif ‘’américain’’ signifiera États-Unis) est d’ailleurs plus importante que les chiffres ci-dessus ne le laissent penser. Ils ne portent en effet que sur la production de pétrole brut. Si l’on ajoute à cela les liquides associés au gaz naturel, les États-Unis produisent actuellement plus de 20 Mb/j. L’écart avec les autres grands producteurs de pétrole est donc considérable.
La montée en puissance impressionnante du pétrole de schiste
Le rôle clé des États-Unis en matière de production pétrolière s’explique principalement par la montée en puissance du pétrole de schiste depuis la deuxième moitié des années 2000. Avant cela, la production américaine de brut avait chuté entre 1970 et 2008 (-92 %) avant de repartir à la hausse de façon quasiment ininterrompue entre 2009 et 2023 (+158 %). Sans le pétrole non conventionnel, qui est produit grâce à la combinaison de la fracturation hydraulique et des forages horizontaux, les États-Unis ne seraient pas devenus le premier producteur mondial. C’est clairement la base de la puissance énergétique américaine.
Les États-Unis sont aussi le premier consommateur mondial de pétrole et ils ont été pendant longtemps un importateur net, ce qui signifie que leurs importations pétrolières (brut et produits raffinés) étaient supérieures à leurs exportations pétrolières. Ce n’est plus le cas. Depuis quelques années, le pays est un exportateur pétrolier net. En 2023, ses importations nettes de brut étaient de 2,41 Mb/j mais ses exportations nettes de produits raffinés étaient de 4,12 Mb/j. Ses importations de brut sont passées de 10,13 Mb/j en 2005 à 6,49 Mb/j en 2023, soit une chute de 36 %.
Les Etats-Unis représentent 25 % de la production mondiale de gaz naturel
Pour le gaz naturel, les États-Unis sont aussi le premier producteur mondial devant, là encore, la Russie qui a été pendant longtemps le géant mondial du gaz. En 2023, la production américaine était de 1 035 milliards de mètres cubes, selon Cedigaz et l’Energy Institute. Alors que, pour le pétrole, la part des
États-Unis dans la production mondiale était de près de 13 % l’an dernier, elle atteignait 25 % pour le gaz. L’écart avec le numéro deux était considérable en 2023, puisque la production russe ne dépassait pas 586 milliards de mètres cubes. En 2013, la différence était très faible car les productions américaine et russe étaient respectivement de 656 milliards de mètres cubes et de 614 milliards de mètres cubes. L’écart s’est creusé au fil du temps mais la guerre en Ukraine, qui a commencé à la fin février 2022, a encore accru l’avance des États-Unis. En raison de la chute des exportations gazières russes vers l’Union européenne (UE) du fait de cette guerre, la production de la Russie a baissé en 2022 et en 2023. En 2021, cette production était de 702 milliards de mètres cubes alors que celle des États-Unis était de 944 milliards de mètres cubes. Entre 2021 et 2023, la production américaine a crû de presque 10 % alors que celle de la Russie a chuté de 16 %. Comme pour le pétrole, la croissance de la production est très largement due au développement du gaz de schiste. Elle est en hausse de façon quasiment continue depuis 2005. L’augmentation est de 110 % entre 2005 et 2023.
L’an dernier, les États-Unis sont devenus le premier exportateur mondial de gaz naturel liquéfié (GNL) devant l’Australie et le Qatar dans cet ordre. Les exportations américaines ont atteint 114 milliards de mètres cubes en 2023, contre 108 milliards de mètres cubes pour le Qatar et 107 milliards de mètres cubes pour l’Australie. Leur montée en puissance a été très impressionnante puisque les États-Unis n’exportaient quasiment pas de GNL avant 2016. En 2016, les exportations américaines de GNL ne dépassaient pas 4 milliards de mètres cubes, contre 107 milliards de mètres cubes pour le Qatar et 60 milliards de mètres cubes pour l’Australie. Pour le gaz exporté par gazoduc, les États-Unis se classaient l’an dernier au troisième rang mondial après la Norvège et la Russie et devant le Canada voisin.
Cette domination pétrolière et gazière des États-Unis porte sur la production, les capacités de production et les exportations mais elle ne concerne pas les réserves. En effet, même si les réserves d’hydrocarbures (pétrole et gaz naturel) de ce pays sont très importantes, il ne contrôle pas les plus grosses réserves pétrolières ou gazières prouvées.
Le quatrième producteur mondial de charbon
Pour le charbon, la troisième des énergies fossiles (mais la deuxième en termes de production mondiale après le pétrole), les États-Unis ne sont pas le numéro un. En 2023, ils étaient le quatrième producteur, ce qui n’est pas si mal. La Chine était de loin le premier producteur avec environ 52 % du total mondial devant l’Inde (11 %), l’Indonésie (8,5 %) et les États-Unis (un peu moins de 6 %). Le rang des États-Unis pour les exportations de charbon est également le quatrième, après l’Indonésie, l’Australie et la Russie, et sa part de marché était de 7 % l’an dernier (28 % environ pour l’Indonésie, 25 % pour l’Australie et 15 % pour la Russie).
Il y a une autre différence majeure entre la place des États-Unis dans le secteur des hydrocarbures (pétrole et gaz naturel) et celle que ce pays occupe dans l’industrie charbonnière. Alors que la production de pétrole et de gaz des États-Unis est en forte hausse depuis la moitié des années 2000, leur production de charbon est en chute libre. Elle a baissé de 42 % entre 2014 et 2023. Il y a dix ans, les États-Unis étaient le deuxième producteur mondial de charbon après la Chine.
Donald Trump est un défenseur des énergies fossiles, dont le charbon. En 2016, lors de sa campagne électorale qui avait débouché sur sa victoire à l’élection présidentielle de novembre 2016, il avait séduit les mineurs de charbon mais le déclin de la production américaine s’est poursuivi pendant son premier mandat entre janvier 2017 et janvier 2021. L’une des raisons principales de ce déclin est que le gaz naturel a pris des parts de marché au charbon dans la génération d’électricité.
Le premier producteur mondial pour l’énergie nucléaire et un acteur clé pour les énergies renouvelables
Les États-Unis sont donc indiscutablement un géant en matière d’énergies fossiles (pétrole, charbon et gaz naturel), qui sont les plus consommées actuellement avec une part d’environ 80 % de la consommation mondiale d’énergie. Mais leur puissance énergétique ne se limite pas à ces énergies. Ce pays est également très bien placé pour les énergies non carbonées. Pour l’énergie nucléaire, il est le premier producteur mondial, loin devant la Chine et la France. En 2023, sa production d’électricité à partir de ses centrales nucléaires était de 816 TWh, contre 435 TWh pour la Chine et 338 TWh pour la France. Mais cette production est en léger déclin sur les dernières années.
Pour la production hydroélectrique, les États-Unis occupent le quatrième rang mondial après la Chine, le Brésil et le Canada mais, là encore, la production américaine est sur le déclin. Sa part de la production mondiale était un peu inférieure à 6 % alors que celle de la Chine atteignait 29 %. Pour l’énergie solaire (capacité de production d’électricité à partir d’installations solaires),
les États-Unis étaient le numéro deux après la Chine avec une part de près de 10 % des capacités mondiales (43 % pour la Chine). Il en est de même pour la capacité de production d’énergie éolienne : Chine et États-Unis font la course en tête avec des parts respectives de 43 % et de près de 15 % (chiffres de 2023). Et, pour la production de biocarburants, les États-Unis sont le leader incontesté avec une part de 39 % de la production mondiale en 2023 devant le Brésil (22 %). Pour les énergies renouvelables hors hydroélectricité, la production des États-Unis est sur une tendance haussière depuis plus de dix ans
Vers l’indépendance et la domination énergétiques
Résumons la situation. Les États-Unis sont le premier producteur mondial pour le pétrole, le gaz naturel, l’énergie nucléaire et les biocarburants. Ils sont le numéro deux pour les capacités solaires et éoliennes. Ils sont au quatrième rang pour le charbon et l’hydroélectricité. Ce pays est donc clairement une superpuissance énergétique et ces atouts énergétiques viennent renforcer la superpuissance américaine globale.
Lors de la campagne présidentielle de 2016, le programme de Donald Trump sur l’énergie contenait l’objectif suivant : d’abord l’indépendance énergétique, ensuite la domination énergétique. Dans sa plateforme pour l’élection de 2024, on retrouve ces deux mêmes idées clés. Grâce à l’abondance des ressources énergétiques des États-Unis, au dynamisme de leurs entreprises dans le secteur énergétique et à leur puissance technologique et financière ainsi qu’au soutien de l’État fédéral, le futur 47ème président américain dispose de beaucoup d’atouts pour mettre en œuvre cette double ambition.
Notes
- Note 1
Les statistiques utilisées dans ce Policy Brief proviennent principalement de l’U.S. Energy Information Administration (EIA), une agence du département de l’ Énergie des États-Unis (U.S. DOE), de la Statistical Review of World Energy, publiée annuellement par l’Energy Institute (Londres), de l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE, Paris) et de Cedigaz (Rueil-Malmaison, France).
EIA : www.eia.gov
Statistical Review of World Energy : www.energyinst.org/statistical-review
AIE : www.iea.org
Cedigaz : www.cedigaz.org
- Note 2
Ci-dessous le point 4 de la plateforme du parti Républicain pour l’élection présidentielle de 2024 :
4. ‘’Reliable and Abundant Low Cost Energy
Republicans will increase Energy Production across the board, streamline permitting, and end market-distorting restrictions on Oil, Natural Gas, and Coal. The Republican Party will once again make America Energy Independent, and then Energy Dominant, lowering Energy prices even below the record lows achieved during President Trump’s first term’’ (note de l’auteur : les rédacteurs de cette plateforme abusent manifestement des majuscules mais nous avons reproduit ce texte tel qu’il a été publié).
Le passage suivant est extrait du préambule de cette plateforme :
‘’ Common Sense tells us clearly that we must unleash American Energy if we want to destroy Inflation and rapidly bring down prices, build the Greatest Economy in History, revive our Defense Industrial Base, fuel Emerging Industries, and establish the United States as the Manufacturing Superpower of the World. We will DRILL, BABY, DRILL and we will become Energy Independent, and even Dominant again. The United States has more liquid gold under our feet than any other Nation, and it’s not even close. The Republican Party will harness that potential to power our future’’.