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L'Afrique a un rôle clé dans le choix du prochain Secrétaire général de l’ONU
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Gabriela Keseberg Dávalos
March 7, 2025

L'article original en anglais a été initialement publié par Devex

 

La course pour le poste du prochain Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies (ONU), dont la désignation aura lieu en 2026, a commencé, discrètement. À l’occasion de la célébration de la Journée internationale des droits des femmes, il est opportun de réfléchir au fait qu’aucune femme n’a jamais dirigé l’Organisation en 80 ans de son ’existence. Même si le prochain Secrétaire général de l’ONU sera nommé en 2026, il est temps de se demander quel type de leader serait le mieux placé pour promouvoir les principes d’équité et d’égalité et façonner la diplomatie mondiale. Alors que la phase de décision se met en place, l’Afrique saisira-t-elle cette occasion pour affirmer son pouvoir collectif ou laissera-t-elle ses divisions affaiblir son influence ?

Si ce sujet peut sembler éloigné des priorités politiques immédiates, ses implications sont profondes. Le ou la leader sélectionné(e) façonnera la diplomatie mondiale. Il/elle devra orienter la coopération multilatérale et relever les défis majeurs de notre époque.

En 2014, la campagne ‘’1 for 7 Billion’’ a réussi à exiger plus de transparence dans le processus de sélection du secrétaire général de l’ONU, en le soumettant au regard du public et au débat. Aujourd’hui,  la campagne ‘’1 for 8 Billion’’, s’appuie sur ces acquis avec un appel audacieux : il est temps qu’une femme devienne Secrétaire générale – une leader féministe incarnant les principes d’équité, d’égalité et d’inclusion, reconnaissant la discrimination persistante à l’égard des femmes et des personnes dont l’identité de genre ne correspond pas aux normes, ainsi que la nature interconnectée des discriminations fondées sur le genre, la race, la classe et d’autres facteurs.

Le rôle de l’Afrique dans ce moment décisif ne saurait être sous-estimé. Avec 54 nations, le continent constitue le plus grand bloc de vote à l’Assemblée générale des Nations Unies. Il a démontré son pouvoir collectif ces dernières années, notamment en obtenant un siège au G20 en tant qu’Union africaine (UA). Aucun autre continent ne connaîtra une croissance démographique aussi forte que l’Afrique dans les décennies à venir. Pourtant, le continent reste exclu d’une représentation permanente au Conseil de sécurité de l’ONU – un rappel frappant des inégalités persistantes dans la gouvernance mondiale. Les États membres eux-mêmes ont souligné cette réalité dans le Pacte pour l’Avenir (voir Action 39). Cela confère à la position de l’Afrique dans l’élection à venir une importance cruciale. En se ralliant derrière une seule candidate féminine, les dirigeants africains ont une occasion historique. Ils peuvent transformer en profondeur les dynamiques de ce processus. C’est une opportunité pour le continent de s’affirmer comme une force unifiée, donnant un puissant exemple de solidarité. Dix États africains sont déjà cosignataires de la déclaration conjointe sur la représentation des femmes aux postes de direction de l’ONU. Et selon ladite déclaration, récemment publiée, presque tous les États africains ont au moins laissé entendre qu’ils soutiendraient une femme féministe comme prochaine Secrétaire générale des Nations Unies.

Le moment est critique. Le mandat du prochain Secrétaire général coïncidera avec des échéances politiques et d’éventuelles réformes majeures, notamment la restructuration tant attendue du Conseil de sécurité et la dernière impulsion pour revitaliser l’Agenda 2030 pour le développement durable. Le ou la futur(e) leader (euse) de l’ONU devra donner la priorité à ces questions. Il/elle devra également s’attaquer aux inégalités structurelles qui ont marginalisé les voix du Sud global pendant bien trop longtemps.

Une candidate féministe soutenue par l’Afrique incarnerait une rupture avec le statu quo. Depuis des décennies, l’ONU exhorte les États membres à promouvoir l’égalité des sexes et le leadership féminin. Pourtant, bien que la parité ait été atteinte aux niveaux supérieurs de l’ONU, les États membres n’ont jamais nommé une femme à la plus haute fonction de l’Organisation. Si toutes les nations africaines s’unissent derrière une leadeuse féministe qualifiée, elles pourraient incarner les principes mêmes que défend l’ONU : justice, inclusivité et équité.

Avoir une femme féministe comme Secrétaire générale serait une avancée significative vers l’égalité des sexes au sein de l’ONU et constituerait un symbole puissant du leadership féminin à l’échelle mondiale. Les femmes leadeuses féministes apportent une perspective essentielle, remettant en question les barrières systémiques et favorisant des politiques inclusives dans divers secteurs, au bénéfice de tous. Une femme leadeuse renforcerait l’autorité morale de l’ONU sur des questions telles que les droits des femmes, l’égalité des sexes et la justice sociale. Face à la crise climatique, qui affecte de manière disproportionnée les femmes, et à l’intensification des conflits, nous avons un besoin urgent de coopération, d’innovation et d’une ONU efficace.

Alors que les États-Unis et l’Europe se replient de plus en plus sur le nationalisme et une forme d’« introspection politique », il reviendra à d’autres régions du monde de piloter la restructuration des Organisations multilatérales.

De plus, cette initiative inspirerait d’autres blocs régionaux à repenser leurs approches fragmentées. Elle les inciterait à se concentrer sur le soutien à des candidats qui privilégient l’égalité et le multilatéralisme plutôt que des intérêts nationaux étroits. Elle enverrait également un message retentissant : l’Afrique, souvent perçue comme un simple récipiendaire des décisions mondiales, est en réalité un acteur moteur du changement au cœur de la gouvernance mondiale.

Tout cela nécessitera de la volonté politique et de l’unité. Les dirigeants africains doivent dépasser leurs intérêts individuels. Il est temps de forger un consensus autour d’une candidate visionnaire, une femme qui incarne les aspirations du continent et les objectifs plus larges du Sud global. Un tel choix renforcerait l’influence croissante de l’Afrique dans la politique mondiale.

Plus encore, il garantirait que le prochain Secrétaire général mène avec une perspective inclusive et renouvelée, reflétant les besoins de plus de 8 milliards d’habitants de la planète. Le choix est clair. Les dirigeants africains doivent agir dès maintenant – avec unité, détermination et une vision tournée vers l’avenir.

Gabriela Keseberg Dávalos est membre du comité directeur de la campagne ‘’1 for 8 Billion’’, représentant Southern Voice, un réseau de think tanks du Sud global, incluant plus de 30 en Afrique. Elle est également Alumna de l’édition 2013 des Atlantic Dialogues Emerging Leaders Program du Policy Center for the New South.

 

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