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Opinion
Dans une Opinion publiée par le Policy Center for the New South le 27 septembre à propos d’une récente découverte d’hydrocarbures en Côte d’Ivoire, nous indiquions que l’Afrique avait un important potentiel pétrolier et gazier et que ce potentiel était largement sous-exploité. Dans la même région, un autre pays de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), le Sénégal, est sur le point de devenir un pays producteur et exportateur d’hydrocarbures (pétrole et gaz naturel). L’horizon est 2023.
Pour faire le point sur la situation de ce pays au regard des hydrocarbures, voici quelques éléments clés.
De quel projet ou de quels projets est-il question ?
Deux projets sont en cours de développement en vue d’une mise en production en 2023 : un projet gazier et un projet pétrolier. Parmi leurs points communs, ils sont tous les deux offshore (au large des côtes du pays), les découvertes concernées remontent à la même période (2014-2015), celles-ci ont été réalisées par des firmes étrangères, ces entreprises sont américaines ou britanniques et elles ne figurent pas parmi les géants de l’industrie pétrolière. Ces deux projets permettront au Sénégal de devenir un pays producteur et exportateur de pétrole et de gaz naturel.
Il y a, cependant, deux différences notables entre ces projets. La première porte sur leur taille. Le projet pétrolier est important mais le projet gazier est très important (voir ci-dessous). La seconde porte sur le fait que le projet gazier implique deux pays, le Sénégal et la Mauritanie, car les découvertes réalisées à partir de 2015 sont situées de part et d’autre de la frontière maritime entre ces deux voisins. Le projet couvre cinq permis, dont deux au large du Sénégal et trois au large de la Mauritanie. Par contre, pour le pétrole, les découvertes faites en 2014 relèvent uniquement de la souveraineté du Sénégal.
Qui sont les acteurs industriels concernés par ces deux projets ?
Pour le projet gazier (dont le nom est GTA), le consortium est composé du géant britannique BP, de Kosmos Energy (Etats-Unis) et des sociétés nationales des deux pays concernés, Petrosen (Sénégal) et la Société Mauritanienne des Hydrocarbures (SMH). Les participations de BP sont de 60% au Sénégal et de 62% en Mauritanie. Celles de Kosmos sont de 30% et de 28% respectivement. Les intérêts de Petrosen au Sénégal et de la SMH en Mauritanie sont de 10% chacune. Pour le projet pétrolier, la compagnie australienne Woodside Energy détient une participation de 82% en association avec Petrosen (18%). BP et Woodside sont les opérateurs de ces deux projets, c’est-à-dire les leaders.
Quels sont les volumes de production envisagés ?
Pour le pétrole, la production serait de l’ordre de 100 000 barils par jour en phase de plateau, soit environ 5 millions de tonnes par an. Pour le gaz, le projet sera réalisé en phases. A l’issue de la première phase, en 2023, la production de gaz naturel liquéfié (GNL) sera de 2,5 millions de tonnes par an. Elle pourrait atteindre 10 millions de tonnes/an à terme.
Comment seront valorisés les hydrocarbures qui seront produits ?
Les futures productions de pétrole et de gaz naturel auront l’exportation pour débouché principal. Pour le gaz naturel, une petite partie de cette production alimentera le Sénégal et la Mauritanie. Mais la plus grande partie sera exportée sous forme de GNL transporté par bateau (méthaniers). Le GNL sera commercialisé par BP Gas Marketing. Le groupe britannique estime que le projet gazier Sénégal/Mauritanie est bien placé pour exporter du GNL vers les marchés de l’Europe, de l’Amérique du Sud et de l’Asie.
Pourquoi le projet gazier est-il un projet ‘’de classe mondiale’’, selon BP ?
Les ressources gazières récupérables sont estimées à environ 420 milliards de mètres cubes, ce qui est déjà très important. Pour mieux s’en rendre compte, on peut comparer ce chiffre à la consommation gazière de l’ensemble du continent africain en 2020. Celle-ci était de 153 milliards de mètres cubes, selon la BP Statistical Review of World Energy publiée en juin 2021. Le projet pourrait, donc, et en théorie, couvrir toute la consommation gazière de l’Afrique pendant un peu moins de trois ans.
Ces 420 milliards de mètres cubes ne donnent d’ailleurs qu’une idée partielle du potentiel gazier du projet Sénégal/Mauritanie. BP n’exclut pas que la zone puisse contenir jusqu’à 2 800 milliards de mètres cubes de gaz naturel. Mais il faudra plus d’exploration pour confirmer ou infirmer une telle évaluation. Ce qui est certain, d’ores et déjà, c’est que le potentiel confirmé est suffisant pour lancer un très gros projet gazier. C’est l’une des raisons clés qui a fait que BP, la troisième plus grande compagnie pétrolière privée dans le monde après ExxonMobil et Royal Dutch Shell, soit entrée dans ce projet et qu’elle ait pris la direction des opérations. Il n’est pas étonnant que les géants pétroliers, que l’on appelle les Majors, soient intéressés par des projets géants.
Les opinions exprimées dans ce texte n’engagent que leur auteur.