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Opinion
Le rapport Arcadia a été présenté le 9 avril à Paris par le Policy Center for the New South (PCNS) et le Cercle CyclOpe. Ce document de référence fait chaque année le point sur la conjoncture des matières premières africaines. “Elles restent essentielles, avec une forte dépendance pour nombre de pays et une gestion de la rente relativement problématique”, a affirmé en introduction Philippe Chalmin, président du Cercle CyclOpe.
Fortement exposées aux chocs extérieurs, les économies des neuf pays africains producteurs de pétrole ont accusé le coup, avec la chute de 70 % de la valeur du baril de pétrole Brent, entre 2014 et 2016. Le Tchad est passé d’une croissance de 6 % en 2015 à -6 % en 2016, et la Guinée Equatoriale a affiché une croissance negative de -9,7 % en 2016. La situation s’est redressée à partir de 2017, avec une hausse de l’ordre de 20 % des prix du pétrole, des métaux et des minerais.
Le pétrole et le gaz ne sont pas très importants en Afrique, avec 6 % à 7 % de la production mondiale et une consommation de 4 % à 5 % du total mondial. Mais le seul examen des chiffres ne suffit pas, précise Francis Perrin, Senior Fellow du PCNS : “Le potentiel du continent reste cependant sous-exploré ou sous-exploité. D’ici à 2022, plusieurs pays vont devenir producteurs et exportateurs, comme le Sénégal, l’Ouganda et le Kenya pour le pétrole, le Sénégal, la Mauritanie et la Tanzanie pour le gaz.”
Après une découverte offshore sur la côte sud de l’Afrique du Sud, Total n’a pas hésité à parler de “nouvelle province gazière et pétrolière, des mots qui ne sont pas passés inaperçus”, poursuit Francis Perrin. L’Algérie s’apprête de son côté à faire en 2019, pour la première fois, une exploration offshore en Méditerranée. A noter par ailleurs : la percée de Qatar Petroleum, une société nationale associée à des projets d’exploration au Mozambique avec Exxon Mobil et EMI, ainsi qu’à Total en Afrique du Sud, sans oublier d’autres explorations en République du Congo (Brazzaville) et au large des côtes atlantiques du Maroc.
L’année 2018 n’a pas été pas excellente non plus pour les minerais et métaux, en raison des tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine, a expliqué Yves Jégourel. L’imposition de taxes sur l’aluminium et l’acier par les Etats-Unis a surtout visé la Chine. Un impact indirect s’en est ressenti sur la croissance globale, en raison des incertitudes sur ces marchés de produits cotés.
La dynamique environnementale représente cependant des potentiels en termes de demande, avec la demande de véhicules électriques. De même, les industries recherchent un fer de meilleure qualité, même s’il est plus cher, afin de réduire l’usage du charbon à coke dans la fabrication de l’acier. La rupture d’un barrage au Brésil et un cyclone en Australie vont priver le marché du fer de 93 millions de tonnes en 2019, ce qui va renchérir les cours. Sur le plan structurel, les pays sont confrontés à des choix difficiles : soit exporter des minerais et métaux à faible valorisation mais dont les cours sont stables, soit les transformer, comme par exemple le bauxite en aluminium, et passer à un produit plus valorisé mais aussi plus risqué, en raison de cours plus volatiles.
Ce sont les pays plus fortement dépendants de leurs produits agricoles qui ont le mieux tiré leur épingle du jeu, l’Ethiopie et la Côte d’Ivoire affichant des taux de croissance supérieurs à 8 % - même si les cours du café et du cacao sont restés relativement bas. Les termes de l’échange s’avèrent par ailleurs plus stables dans les pays de l’UEMOA en Afrique de l’Ouest ne disposant pas de pétrole que dans les pays d’Afrique centrale. L’absence de filières de transformation des matières premières sur place reste une donnée persistante : 68 % de la production mondiale de cacao vient d'Afrique, mais seulement 1,3 % des exportations de chocolat. “Le principal problème de l’agriculture en Afrique n’est pas celui de la production mais de la productivité du travail, très inférieure aux autres régions du monde, et qui évolue de façon plus lente que partout ailleurs”, estime Jean-Christophe Debar, directeur de la Fondation pour l’Agriculture et la ruralité dans le monde (FARM). D’où la pauvreté des populations qui vivent de l’agriculture, l’insécurité alimentaire et le niveau élevé des prix des produits alimentaires, pour le pouvoir d’achat. En outre, l’impact environnemental est fort, avec une déforestation qui tient à une hausse de la production qui ne se fait pas de manière intensive mais extensive, en surfaces cultivées.
Enfin, la question de la gouvernance reste centrale, a rappelé Etienne Giros, président délégué du Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN). “Les économies de rente adaptent leur budget à l’année en fonction des cours des matières premières, ce qui alimente le clientélisme et la corruption”. La croissance non inclusive, peu créatrice d’emploi, dépend toujours trop des matières premières. La solution passe par leur transformation sur place, qui tarde à venir. “L’environnement et l’écosystème comptent, a souligné Etienne Giros. Quand il faut construire des routes, des écoles, un chemin de fer, une centrale électrique et des logements pour le personnel avant d’investir dans une usine, le prix de revient est majoré de 20 % à 30 %”. En cause, donc, le manque global de compétitivité en Afrique, un continent pénalisé par son déficit d’infrastructures et la faiblesse des Etats.