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Opinion
Le 3 octobre 2016, la Turquie a déposé une plainte contre le Maroc devant l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) au sujet des mesures antidumping appliquées par le Maroc contre les exportations turques en Acier laminé à chaud.1 Suite à l’échec des consultations entre les deux pays, la Turquie a demandé, le 12 janvier 2017, l’établissement d’un groupe spécial pour examiner la conformité des mesures prises par le Maroc avec le droit de l’OMC. Demande qui marque le passage du litige de la phase diplomatique à la phase juridictionnelle. Chacune des deux parties a eu l’occasion de présenter ses arguments et de les corroborer par des moyens de preuves pertinents. Au final, le groupe spécial2 a, sur l’essentiel, rejeté les arguments présentés par le Maroc et a adhéré à la position défendue par la Turquie.
Ayant contesté les résultats auxquels est parvenu le groupe spécial, le Maroc a formé appel devant l’Organe d’appel permanent de l’OMC. Toutefois, par une lettre datée du 4 décembre 2019, le Maroc a informé l’Organe d’appel de sa décision de se désister de la procédure d’appel en cours. La demande marocaine indiquait que les raisons derrière ce désistement tiennent, d’une part, au fait que « la mesure antidumping à l’origine du différend a expiré le 26 septembre 2019 », et, d’autre part, à la volonté du Maroc de ne pas alourdir davantage « la charge du travail de l’Organe d’appel ». Cela étant, le Maroc a précisé clairement dans sa demande qu’il continue à penser que les constatations du groupe spécial présentent des « vices graves » et a demandé à l’Organe d’Appel de consigner les raisons de sa décision dans le cas où l’Organe d’Appel remettrait un rapport.
Quoiqu’il en soit de l’aboutissement de ce processus juridictionnel, il appartiendrait aujourd’hui au Maroc de procéder à une évaluation objective et raisonnée de sa stratégie litigieuse et de sa capacité à défendre ses intérêts devant les instances de règlement des différends commerciaux.
Le Maroc est-il préparé pour conduire et remporter des affaires devant des instances de règlement des différends commerciaux telle que l’OMC ? Quel est le degré de pertinence juridique de l’édifice argumentaire marocain en matière des relations commerciales internationales ? Pourrait-on capitaliser sur cette première utilisation par le Maroc du système de règlement des différends de l’OMC pour construire une véritable et efficace stratégie litigieuse ?
De la mise en place de cette stratégie litigieuse nationale dépendrait la défense des intérêts commerciaux vitaux du pays. Il en va de la protection des emplois, de la résilience du tissu productif au niveau local et de la performance exportatrice du label made in Morocco sur le marché mondial. Une telle stratégie est d’autant plus indispensable que le Maroc a été la cible d’une nouvelle plainte devant l’OMC, déposée, cette fois-ci, par la Tunisie !
Les opinions exprimées dans cet article appartient à l’auteur.
1 Voir notre Policy Brief de janvier 2019 (www.policycenter.ma)
2 Le groupe spécial a été composé de trois experts : une Mauricienne, un Sud-africain et un Brésilien