Publications /
Opinion

Back
Or : vers de nouveaux records de prix ?
Authors
October 2, 2024

La nouvelle était largement attendue : mercredi 18 septembre 2024, et pour la première fois depuis 2020, la Réserve fédérale américaine (Fed) a diminué ses taux directeurs, les portant ainsi à 4,75 % et 5 %, soit une baisse significative de 50 points de base. En repli quasi-constant depuis juin 2022 où elle avait atteint une valeur record de 9,2 % en base annuelle, l’inflation américaine est désormais sous contrôle, tandis que les récentes statistiques du marché de l’emploi du pays ont déçu. Trop vite, trop fort ? Le risque de ‘’hard landing’’ d’une économie américaine n’offrant plus tous les gages de sa résilience passée ne peut être exclu au cours des prochains mois et ceci ne pouvait que conduire les autorités monétaires du pays – responsables, à parité, de la maîtrise du niveau général des prix et du soutien à la croissance économique nationale – à engager ce premier desserrement des taux. Et sans grande surprise, non plus, l’or a poursuivi son mouvement haussier entamé depuis de longs mois désormais. Mardi 1er octobre 2024, l’once s’affichait ainsi à plus de 2650 dollars sur le marché de Londres (LBMA, fixing de l’après-midi), soit une progression de près de 29 % depuis le début de l’année, et de 52 % et 74 % sur trois et cinq ans, respectivement. Volant de record en record, l’or semble désormais avoir une voie dégagée vers de nouveaux sommets et il ne serait guère étonnant que le seuil de $ 3 000 l’once soit atteint en 2025, voire avant.

 

Incertitude mondiale et taux d’intérêt : deux déterminants fondamentaux

Les déterminants du prix de l’or sont particulièrement nombreux : demande nette des banques centrales et des Exchange Traded Funds (ETF) – des fonds d’investissement dits « indiciels » ayant vocation à dupliquer la performance d’un actif réel ou financier, ou d’un indice boursier de référence –, vigueur de la consommation indienne ou chinoise et du secteur de la bijouterie, valeur du dollar ou, du côté de l’offre, le niveau cumulé de la production primaire et secondaire des groupes aurifères. Derrière ces différentes variables se dressent toutefois deux ‘’ drivers’’ importants et bien connus des cours du métal jaune : le degré d’incertitude planétaire, géopolitique notamment, et l’état de la politique monétaire américaine. L’or est évidemment une valeur refuge par exemple. Accepté par tous et partout, il s’affirme simultanément comme une réserve de valeur sûre et comme un moyen de paiement quasi-universel, affranchi de la défiance dont pâtissent parfois les systèmes bancaires en période de crise extrême et/ou dans certains pays en développement. Ainsi, toute tension/incertitude politique et géopolitique peut être de nature à se traduire par une augmentation des cours de l’once. Et, de l’Ukraine au Moyen-Orient en passant par la pandémie de la Covid-19 ou par l’issue encore très incertaine des prochaines élections américaines du 5 novembre, elles sont légion depuis 2020 et se sont largement conjuguées. Dans cette fonction de « rempart » face aux troubles du monde, l’or demeure toutefois concurrencé par les bons du trésor et obligations émis par les États les plus « sûrs », ceux bénéficiant du triple « AAA » de la part des agences de notation internationales, i.e. présentant aux investisseurs un risque de crédit particulièrement faible. Titres d’emprunt, ils servent un taux d’intérêt sur les sommes investies, tandis que le « seul » rendement de l’or est une éventuelle plus-value lors de sa revente. Dès lors, le niveau des « taux longs », celui de ces obligations d’État, est, toutes choses égales par ailleurs, inversement corrélé au cours de l’or : toute hausse de celui-ci est de nature à penser sur les prix de l’once. C’est ainsi, qu’après une importante progression observée en 2020 et 2021, l’or globalement stagné en 2022, à quelques $ 1 800 l’once en moyenne, malgré un pic en mars dû au déclenchement de la guerre en Ukraine. On peut toutefois remarquer un important rebond à compter d’octobre, alors même que la hausse des taux de la Fed n’était pas achevée. Une invalidation de la relation précédente évoquée ? Pas réellement. À cette période, les « marchés » avaient acté, comme évoqué précédemment, que la Fed reprenait progressivement le contrôle de l’inflation et que le rythme de la hausse des taux allait se ralentir, ce qu’il fit. Parce que les anticipations sont clés, ceci allait créer les conditions d’un alignement des facteurs géopolitiques et macroéconomiques, précédemment opposés, et à nouveau mener le métal précieux sur une trajectoire fortement ascendante.

 

L’once face aux développements du conflit au Moyen-Orient

Porté par la terrible aggravation du conflit israélo-palestinien où le risque d’embrasement de la région se renforce chaque jour, et désormais libéré de l’ancrage des taux d’intérêt, l’or devrait continuer à progresser au cours des prochains mois. Car, sur ses fondamentaux délétères se greffent les anticipations des opérateurs, investisseurs comme spéculateurs, et celles-ci sont fort logiquement haussières avec la volonté de « tester » ce nouveau sommet à $ 3000 l’once. Restera-t-il cependant durablement au-dessus de ce niveau, voire au-dessus ? Telle est, en définitive, la véritable question et, pour ce que ce métal précieux représente de l’état du monde, nul ne peut réellement le souhaiter.

 

RELATED CONTENT

  • Authors
    February 17, 2020
    - There are three possible justifications for central banks to engage with climate change issues: financial risks, macroeconomic impacts, and mitigation/adaptation policies. - Regardless of the extent to which individual central banks take action in each of the three areas, they can no longer ignore climate change. Last year, extreme weather events associated with climate change – floods, violent storms, droughts, and forest fires –occurred on all inhabited continents. In at least ...
  • Authors
    Christos Daoulas
    August 22, 2019
    This note approaches the relationship between natural wealth and economic growth, using the case of Sub-Sahara African economies as an illustration. Delving into recent World Bank reports, it highlights how a sustained positive correlation between natural capital and GDP growth happens through the transformation of the former into other forms of assets: produced capital, human capital and other intangible assets. Governance features and the quality of macroeconomic policies are of t ...
  • Authors
    Raphaël Chiappini
    June 22, 2019
    Empirical models of international commodity trade ows tend to show that exchange rate volatility has either no or negative impact on export volumes. This analysis has a number of limitations. In particular, it underestimates the role of physical traders and, consequently, the importance of future markets. In this context, this article aims to provide the theoretical underpinnings to demonstrate that these traders play a very particular role and that they have an influence on the rea ...
  • Authors
    Raphaël Chiappini
    Paul Raymond
    June 12, 2019
    Has the integration of European, North American and Asian natural gas markets been fostered over the last few years by growing LNG export capacities and an increasing market share of spot transactions? This is the key question that this article sets out to answer. For this purpose, we develop bivariate error correction models with structural breaks and asymmetric responses among gas references prices, oil prices, and coal prices. We use daily prices of all reference prices spanning ...
  • Authors
    Sous la direction de
    Philippe Chalmin
    April 9, 2019
    Les cours des matières premières ont, une fois encore, été marqués par une importante volatilité en 2017 et 2018. Si de nombreux facteurs économiques permettent de l’expliquer, la raison politique fut également bien présente. Les Annual Report tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis on Commodity et, plus globalement, la montée des incertitudes ont pesé Analytics and sur les perspectives macroéconomiques mondiales et sur Dynamics « le dynamisme des marchés ». Comptant ...
  • Authors
    Ahmed Rachid El-Khattabi
    March 22, 2019
    The author of this blog, Ahmed Rachid El Khattabi, is an alumnus of the 2018 Atlantic Dialogues Emerging Leaders program Rapid urbanization and climate change are two of the biggest challenges for cities. As much of the world is urbanizing, cities are growing thirstier, constantly seeking out new water supplies to keep up with demand. These challenges are especially significant for many growing cities that, due to historical reasons, are not located near water resources. Climate ch ...
  • Authors
    Philippe Chalmin
    February 27, 2019
    Rarement, autant qu’en 2018, les marchés mondiaux de matières premières et de commodités auront été lle jouet non pas des tendances des « fondamentaux » (offre/demande et leur évolution), mais bien des convulsions d’une situation géopolitique mondiale qui, sous la houlette quelque peu déréglée des États-Unis de Donald Trump, a été particulièrement imprévisible. En effet, si 2018 restera dans les annales des marchés, c’est bien parce que les matières premières se sont retrouvées au p ...
  • Authors
    August 13, 2018
    Depuis la fin de l’année 2017, le président Donald Trump mène plusieurs batailles commerciales, contre différents partenaires, sous prétextes de sauver des emplois industriels américains et de réduire le déficit commercial des États-Unis. S’il est difficile de se prononcer sur les effets des combats commerciaux amorcés par le président Trump, l’importance des opposants et des échanges pour l’économie mondiale en fait une source de risque pour la croissance, les emplois et les prix à ...
  • April 26, 2018
    This paper reports the results of an application using an interregional input-output matrix for Morocco together with regional information on water consumption by sectors. We develop a trade-based index that reveals the relative water use intensities associated with specific interregional and international trade flows. We estimate, for each flow associated with each origin-destination pair, measures of trade in value added and trade in water that are further used to calculate our in ...
  • Authors
    April 10, 2018
    Le lancement d’un contrat à terme pétrolier sur le Shanghai International Energy Exchange (INE) ne saurait être vu comme un évènement « technique » ou secondaire tant il préfigure ce que seront dans quelques années les marchés mondiaux de matières premières. Le Shanghai Futures Exchange (SHFE) et le Dalian Commodity Exchange (DCE) ont certes vu leurs volumes de trading augmenter considérablement sur la dernière décennie grâce à l’acier et au minerai de fer, ce qui pourrait laisser à ...