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Les cloches de la rentrée sonnent-elles dans l’harmonie ?
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October 25, 2024

Ding, dang, dong… Vous avez certainement entendu sonner le carillon. C’est la rentrée. Ou les rentrées. Elles s’étalent sur quasiment deux mois tant la reprise est plurielle et concerne des acteurs ou des agents multiples. La rentrée des élèves, tout d’abord. À la mi-septembre déjà, ils ont enlevé le sable de leurs chaussettes, rangé leurs nouvelles fournitures scolaires. Mais pas seulement, celle des parents aussi : septembre est le mois de toutes les dépenses :  les frais scolaires ponctionnent sérieusement un portefeuille déjà malmené par les extras des vacances. Celle des entreprises en début octobre, inquiètes des perspectives de la demande et soucieuses de scruter sur les dispositions fiscales du futur budget. Celle du Parlement, en ce même début d’octobre, pour se préparer à donner la réplique à un exécutif empêtré dans les arbitrages quant à l’affectation de ses ressources bien en deçà des besoins qu’exigent les mégaprojets annoncés. Celle du gouvernement, à fin octobre, contraint de poursuivre les chantiers entamés et de répondre aux attentes des Marocains, de faire preuve de plus d'immédiateté, l'éloge du temps long n'étant plus d'actualité.

Dans le large spectre des perspectives de la rentrée, chaque acteur social est confronté à un souci qui condense tous les autres : les familles sont préoccupées par l’école ; l’entreprise focalise sur ses facteurs de compétitivité ; le Parlement, décrié, veut forcer la reconnaissance de sa mission par des citoyens peu convaincus de son efficacité ; le Gouvernement affiche son objectif premier : la réalisation de ses ambitions tout en maîtrisant les équilibres des finances publiques.

Une rentrée scolaire doublement perçue

C’est vrai, le regard des parents sur la rentrée des classes est marqué par l’inquiétude. Non seulement les frais de la scolarisation grimpent et l’institution scolaire ne parvient toujours pas à s’organiser pour offrir au plus grand nombre les chances de succès. Aujourd’hui, plus encore qu’hier, les attentes sont grandes : la feuille de route apparait pleine de promesses mais elle se traduit toujours par des difficultés à établir la confiance des familles dans l’école publique. Le privé est toujours pris comme un choix de contrainte, un privé composé d’institutions hétérogènes et où la motivation de nombreux investisseurs est plus orientée business que pédagogie et souci de formation de qualité.

Les foyers s’interrogent sur l’usage fait de l’accroissement des moyens consacrés à la formation, avec comme conséquence une demande vers plus de qualité, davantage de pédagogie sans évidemment amputer la quantité d’enseignement. Il parait dès lors clair que face à une école qui demeure peu performante dans un environnement plus exigeant que jamais, le sentiment que l’ascenseur social restera toujours en panne perdurera. L’opinion, comme les parents, aborde la rentrée dans une attente de « toujours plus » et une approche plus qualitative et plus en phase avec les rythmes et capacités des jeunes. La pédagogie de l’apprentissage reste l’enjeu crucial pour rassurer les parents.

De la nouvelle rentrée scolaire les parents d’élèves attendent non seulement une amélioration quantitative de l’offre scolaire mais aussi la réduction de l’encombrement dans les classes et les classes à niveaux multiples, notamment celles de quatre niveaux et plus.

L’extension du modèle « École pionnière », qui semble donner des résultats probants en termes de qualité de l’apprentissage et de performance, est à suivre de près. Toute la difficulté est de réunir les conditions complexes du basculement de l’échelle expérimentale à la grandeur nature. L’enjeu est l’amélioration du niveau des apprentissages des élèves pour qu’ils puissent maîtriser les compétences fondamentales et l’épanouissement des élèves en favorisant l’esprit civique, leur curiosité, leur culture générale, la créativité et l’aptitude à la communication.

D’autres enjeux ne sont pas de moindre importance :  accélérer les chantiers de la généralisation d’un préscolaire de qualité selon le modèle de gestion approprié ; réussir l’introduction de l’enseignement de l’amazigh, dans le respect des normes pédagogiques ; développer l’utilisation du numérique pour l’enseignement ; reprofiler l’appui social pour un meilleur ciblage des populations vulnérables et des territoires en déficit. Autant de défis qui supposent de faire évoluer les comportements des acteurs du système éducatif par la mise en œuvre d’un nouveau modèle de formation des enseignants, de la décentralisation/ déconcentration du système éducatif pour impliquer les collectivités territoriales  et redistribuer les rôles entre les niveaux central et local de l’appareil administratif

‘’Last but not least’’, les parties prenantes du système éducatif sont tenues de veiller à l’application de la feuille de route adoptée dans le respect de l’esprit et de la lettre des orientations de la loi-cadre, devenue depuis son adoption la nouvelle référence de la réforme de l’enseignement. Une réforme à la trajectoire contrariée, maintes fois révisée et manquant d’un leadership dans sa conduite managériale. Le Gouvernement saura-t-il assurer à ce secteur stratégique pour la formation de notre capital humain, cette condition nécessaire à la réussite de toute réforme : une gouvernance stable et un engagement de toutes les composantes du système éducatif et des parties concernées à respecter les lignes directrices de la réforme ?

La rentrée économique : des entreprises qui scrutent l’horizon

La Confédération des Patrons a annoncé la rentrée économique du monde des affaires par la tenue de son conseil d'administration. L’appel de l'importance à redoubler d'efforts en faveur de l'investissement et de la création d'emplois de qualité a été le principal message adressé aux membres de la corporation et, par ricochet, à l’opinion publique. Une façon de rappeler que ces questions relèvent de la responsabilité de tous. La Confédération  n’a pas manqué de souligner les dossiers prioritaires qui seront au cœur de son action cette saison : un engagement à mobiliser le savoir-faire du privé pour formuler des solutions innovantes face au stress hydrique et le développement d'une économie de l'eau efficiente ; l’incontournable suivi et implication dans le débat sur la loi de finances 2025 et sur l'amélioration du climat des affaires ; le récurrent dossier du dialogue social avec comme point prioritaire l’adoption du projet de loi organique sur le droit de grève et, enfin,  le renforcement de l’appui aux TPME (Très petites, petites et moyennes entreprises) et à l’écosystème des start-ups. Une façon de faire écho à la nouvelle stratégie nationale du numérique que le ministère de tutelle vient d’adopter. Cette année, le Maroc aura à revisiter sa politique industrielle pour consolider ses acquis et surtout anticiper l’avenir de l’industrie nationale dans un environnement géopolitique et géotechnique en plein bouleversement qui impactera fondamentalement les filières industrielles et les stratégies des entreprises. Il va sans dire que ces changements sont au cœur des engagements de la Confédération. Elle a eu l’occasion de le réaffirmer lors de la journée de l’industrie nationale organisée en communion avec le ministère de l’Industrie :  un engagement pour assurer la montée en gamme de l’industrie nationale en activant les leviers essentiels de la dynamique des chaînes de valeur : l’investissement, le capital humain, la transition énergétique, l’innovation et R&D.

On ne peut l’ignorer : l’économie nationale repose sur un système économique « corporatiste » qui maximise les positions et profits desdites corporations (qu’il s’agisse de certaines classes d’affaires, d’ethnies, de familles, etc.) en surfant sur les opportunités de la mondialisation sans pour autant susciter et valoriser suffisamment l’esprit entrepreneurial. Elles sont donc peu préoccupées de promouvoir un mode de développement endogène durable, justifiant par exemple des investissements dans la formation et l’innovation, ainsi qu’un mode d’organisation professionnel plus représentatif, respectueux d’une répartition plus équilibrée des positions et des profils des entreprises.

Depuis la refonte de ses statuts, le syndicat des Patrons cherche à se donner un nouveau projet. Le capitalisme marocain et sa traditionnelle consanguinité ont dû céder aux coups de boutoir de la mondialisation ; son organisation professionnelle veut donner le primat à l'économie et à la compétitivité du « site Maroc ».  Alors, finie une organisation à la remorque de l'État, et le lobbying de grand papa organisé par des officines discrètes ? Finies aussi les grandes rencontres où le social se réglait en famille avec des organisations syndicales qui jouent la règle du donnant-donnant ? Désormais attaché à la notion d'entreprise citoyenne, le patronat souhaite réconcilier la performance économique avec le social et l’environnemental. Aussi la batterie de propositions de la CGEM (Confédération générale des entreprises du Maroc) sort des sentiers classiques de la fiscalité ou de l’environnement des affaires, elle emprunte de nouvelles voies : les infrastructures, l’innovation et le digital, les industries culturelles et créatives, les aspirations des jeunes entreprises, la responsabilité sociale et environnementale…

Chaque année, le patronat réaffirme ses nouvelles intentions, réactualise ses propositions pour construire les fondations d'une politique contractuelle rénovée. C’est peu dire que cette transformation rencontre des résistances.  D'accrochages feutrés et batailles à peine publiques, le patronat se retrouve entravé dans ses mouvements pour mettre les nouvelles valeurs de l'entreprise marocaine au cœur de la société. Abandonner les habits corporatistes n’est pas une mince affaire. L'élargissement des préoccupations masque difficilement l’attachement des entreprises à des intérêts particuliers.  Pour que l'entreprise soit considérée comme une des cellules de base de la société ce n'est peut-être pas un changement d'acteurs qui est nécessaire au Maroc, c'est un changement des règles du jeu.

Les entreprises marocaines abordent la rentrée avec beaucoup d’ambitions mais aussi de soucis. Elles font face à une concurrence féroce. Elles ont de la peine à défendre leurs positions sur le marché intérieur, à développer des stratégies conquérantes à exporter. Elles n’innovent pas assez. C’est sans doute l’environnement dans lequel elles évoluent qui ne leur permet pas de développer des stratégies suffisamment conquérantes. Un des enjeux auxquels est confronté l’entreprise marocaine est la cohérence entre politique de concurrence et politique commerciale. Le Maroc s’appuie sur l’ouverture commerciale et la libéralisation financière pour chercher à dynamiser sa stratégie de croissance. La forte attractivité des placements immobiliers pénalise l’investissement productif et un libre échangisme sans système de défense commerciale approprié plombe la balance commerciale et élargit le mitage du système productif national. Les créations d’entreprises sont appréciables mais concernent peu les secteurs innovants ; leur trajectoire de vie révèle une mortalité dans les premiers âges et des difficultés à consolider les assises et à prendre de la taille.

L’attente des entreprises et de l’organisation professionnelle à l’adresse des autorités publiques est, d’une part, de privilégier les deux piliers d’une économie moderne que sont la formation et l’innovation et, d’autre part, d’organiser une nouvelle régulation du secteur productif donnant un cadre à l’action des entreprises, leur permettant d’atteindre les échelles aujourd’hui nécessaires pour affronter la concurrence internationale. Une autre évolution paraît aujourd’hui souhaitable : faire évoluer la politique industrielle nationale dans l’objectif d’une reconquête ouverte du marché intérieur en allant vers une logique intégrant les gains d’efficience associés à l’effet de taille et porteuse d’une dynamique de compétitivité. C’est probablement dans une refonte des aides à l’entreprise productive que des efforts significatifs devraient être faits. Leur cadre administratif, juridique et social est certainement à améliorer.

Du côté du comportement des entreprises, la façon dont vont évoluer leurs investissements est évidemment une des incertitudes les plus importantes pour le niveau de la croissance de 2025. La réponse est plus à chercher du côté de la demande qu’elles vont anticiper que du côté du financement. Les décisions d’investissements varient en effet très vite en fonction de la perception qu’ont les entreprises de la conjoncture. Surtout du côté des PME de moins de vingt salariés. Les chefs d’entreprise suivent avec intérêt l’évolution du comportement des ménages qui achètent leurs produits.

De ce côté-là, les perspectives sont incertaines.  En bref, la conjoncture de la consommation dépendra en partie de la pluviométrie et de ses effets sur la valse aux étiquettes. Certes, les prix semblent avoir regagné leur sagesse et le pouvoir d’achat des ménages devrait se maintenir sinon s’améliorer cette année. Une des incertitudes essentielles pour la croissance concerne l’arbitrage que les ménages (en tout cas ceux qui gagnent suffisamment pour se poser la question) effectueront entre épargne et consommation. L’emploi et son évolution constituent un des éléments essentiels du moral des ménages. Sa dégradation contribuerait au retour du pessimisme. L’emploi va probablement s’accroître dans le secteur privé et semi-public, cela ne va pas empêcher le nombre de chômeurs d’augmenter si la performance de l’activité agricole est timide.

La rentrée sociale : des tensions et une sagesse

La rentrée sociale ou, sociétale, comme diraient certains, s’est manifestée sous diverses formes d’action exprimant des revendications sociales par certains aspects et des protestations d’ordre politique par d’autres. La rues de Rabat ont été le théâtre d’amples manifestations qui ont mobilisé des milliers de citoyens venus des quatre coins du territoire national pour témoigner leur solidarité au peuple palestinien qui subit sans relâche la vengeance d’une force aveuglée par sa puissance, faisant fi de tous les appels politiques et humanitaires de la communauté internationale.  Une foule dense criant sa colère, indignée par l’impuissance de tous les acteurs internationaux face à des crimes de guerre et à un projet de nettoyage ethnique de la Palestine.  Un moment légitime d’évacuation des tensions individuelles et collectives.

L’autre fait sociétal qui a marqué la rentrée est la surprenante mobilisation des jeunes marginalisés, qui se sont donné rendez-vous à quelques encablures de l’Europe pour manifester leur désir de migrer vers d’autres cieux. Ils seraient, selon eux, plus à l’écoute de leur demande d’inclusion économique et plus respectueux de leur dignité sociale. Ces jeunes en désarroi, pour la plupart des Ni-Ni, bravent les risques d’une traversée au prix de leur vie. Par ce geste fort, ils expriment leur perte de confiance dans les institutions publiques et la capacité des gouvernants à répondre à leurs demandes : l’école, la formation, le travail, les droits de la jeunesse. Indignation compréhensible mais initiative discutable tant elle est douteuse. Bien d’interrogations restent ouvertes sur son momentum, ses motivations cachées, ses « manipulateurs » de derrière la scène. Une mobilisation par la simple puissance des réseaux sociaux ? Peut-être. Une main invisible malveillante ? L’éventualité n’est pas à écarter. Mais peu importe la cause d’origine. Dans l’un ou l’autre cas, elle trouve les germes de son émergence et les risques de sa reproduction dans le terreau de la marginalisation des jeunes. 

La rentrée sociale, quant à elle, a été annoncée par les étudiants de médecine, reconduisant leur boycott des cours et des examens, pour une durée indéterminée.  Les propositions de sorties de crise formulées par les ministères de l’Enseignement supérieur et de la Santé n’ont pas convaincu les grévistes : l’augmentation de l’indemnité des étudiants de sixième année, la possibilité de travailler dans les groupements territoriaux de santé, l’amorce de la réforme du troisième cycle de spécialisation dès janvier 2025… Pourtant, il ne reste dans le cahier revendicatif des grévistes qu’un point d’achoppement des négociations : la décision de ramener la durée de la formation en médecine de sept ans à six ans. Le Ministère considère que la baisse de la durée de la formation « permettra de disposer d’un plus grand nombre de diplômés de médecine par an », 600 médecins émigrent chaque année sur les 1600 formés au Maroc. Les étudiants s’accrochent à la durée initiale des études, qui garantirait, selon eux, une meilleure qualification.   Jusqu’à quand ce bras de fer durera-t-il ? la sagesse des uns et des autres finira-t-elle par résoudre un différend qui prend des dimensions difficilement acceptables par les deux côtés ?

La cloche de la rentrée syndicale à proprement parler n’a pas encore sonné. Les syndicats font preuve de sagesse. Ils ont juste agité les signes d’un mécontentement bruyant à l’encontre du projet de fusion des deux institutions de protection sociale, la CNOPS (Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale) et la CNSS (Caisse nationale de sécurité sociale), que le gouvernement voulait inscrire rapidement dans l’agenda de la rentrée. Le bruissement a été détecté par le gouvernement et le risque de conflit déclaré a été évité par le report de l’examen de la loi. Annoncé sans concertation préalable avec les syndicats, ces derniers ont vu dans l’initiative gouvernementale une volonté d’enclencher le processus de restructuration des institutions sans consultation préalable avec les autres parties prenantes. Décision de report sage qui participerait à la création d’un environnement plus favorable au dialogue sur les dossiers épineux de la réforme du droit de grève, de la représentativité syndicale, de la réforme du régime de retraite.  Des dossiers lourds et compliqués, autour desquels se joue la relation de confiance entre les deux partenaires ; une relation indispensable à la régulation de la conflictualité par le dialogue et à la préservation de la stabilité sociale. Autrement, le gouvernement perdra de sa crédibilité en ne respectant pas son engagement d’instaurer un réel processus de modernisation du dialogue social ; les syndicats, pour leur part, y perdront la légitimité de leur représentativité face à la montée en puissance d’autres structures non syndicales, notamment les coordinations sectorielles ou les associations.

La rentrée parlementaire : des Chambres à la recherche d’une plus grande respectabilité

Comme le veut la norme, la rentrée parlementaire s’est ouverte le deuxième vendredi du mois d’octobre par le discours Royal devant les membres des deux Chambres du Parlement. Sans se référer explicitement à la décision irrecevable de la Cour européenne de justice (CEJ), le discours Royal a été entièrement consacré au Sahara. Le Maroc ne s’est jamais senti concerné par la saisine de la CEJ. La décision interpelle les institutions européennes, la cohérence de leur position, le respect de leur engagement envers un partenaire loyal et responsable et intransigeant sur son intégrité territoriale.  La conformité de la décision avec le droit international est sujette à caution, ses renvois aux résolutions onusiennes sont sélectifs, ses références aux concepts justificatifs (peuple, autodétermination…) sont contestables.  La décision est l’expression d’une position politique plutôt que la prescription d’une norme. Le Maroc étant visé, la vigilance s’impose pour contrecarrer les effets probables de ce jugement, sa migration et la contamination d’autres institutions européennes ou régionales.  D’où l’appel Royal à mutualiser les moyens et à coordonner les actions de toutes les instances nationales pour conférer l’efficacité nécessaire à la défense de la cause nationale.

Le Parlement, dans sa composition rafraichie, devrait être aux premières lignes de cette mobilisation par l’activation de ses réseaux d’amitié et des mécanismes de la diplomatie parallèle. La Chambre des représentants a connu un ‘’lifting’’ après que les magistrats de la Cour constitutionnelle aient déchu de leurs mandats pas moins de 42 députés, poursuivis ou condamnés pour des crimes et délits financiers : corruption, malversations, dilapidation des deniers publics, escroquerie ou fraude. Espérons que ce ‘’lifting’’ renforcera le pouvoir d’une institution à laquelle, selon une enquête publiée en mai 2024 par la Banque mondiale (BM), seuls 39 % des Marocains disent aujourd’hui accorder leur confiance.

L’Agenda parlementaire de la rentrée déborde d’importants projets législatifs. La loi sur la procédure pénale fera l’objet de délibérations musclées. Considérée comme un vecteur de modernisation du système de justice pénale, de protection des droits et libertés, de réalisation de la sécurité publique et de lutte contre la criminalité. Critiquée à la fois par certains professionnels du droit et par une partie de la société civile, la loi reste ouverte aux débats. Son adoption renforcera la confiance des acteurs sociaux et économiques dans le système judiciaire et ses institutions.  Le Parlement sera probablement saisi de l’acte II de la réforme de la Moudawana, une réforme des plus attendues cette rentrée. Elle doit apporter des réponses à des questions controversées et clivantes dans la société : l’abolition du taassib (une règle privant les filles n’ayant pas de frère d’une partie de leur héritage au profit d’autres parents mâles), l’assouplissement du testament, la fin de la tutelle exclusive du père sur ses enfants, ou encore la reconnaissance des enfants nés d’une union hors mariage. Le projet sera-t-il consensuel, ou cristallisera-t-il l’opposition politique ?  Exigera-t-il un arbitrage royal pour faire avancer la réforme?

D’autres textes de loi sont également très attendus, notamment le projet de loi de Finances dont l’examen va se poursuivre jusqu’au mois de décembre avant son adoption par les deux Chambres.   Les responsabilités du Parlement sont diverses. Tirer parti de la documentation budgétaire : en renforçant sa capacité à exploiter une documentation budgétaire plus abondante. Le Parlement est appelé à changer de méthodes de travail et élaborer de nouvelles règles concernant la discussion budgétaire et l’examen des amendements.  La question ne concerne pas tant la gestion de cette masse documentaire, que la capacité d’analyse de son contenu, désormais plus complexe : à la documentation budgétaire s’ajoute la documentation de la performance. Certes, le Parlement pourra s’appuyer sur les compétences élargies de la Cour des comptes en matière d’assistance du Parlement mais il faudrait qu’il renforce ses capacités d’analyse et d’évaluation propres. L’autre enjeu est  celui de la pratique d’un nouveau contrôle parlementaire : le cadre offert par la loi organique actuelle ne favorise pas l’exercice du contrôle parlementaire ; les politiques ne semblent pas vouloir d’un contrôle réel ; dès lors, leur approche budgétaire est souvent focalisée sur la procédure et sur l’idée, partagée avec les ministres, qu’ « un bon budget est un budget qui augmente ».

La rentrée politique : des ambitions et des enjeux

La rentrée politique a été solennellement entamée dans le dernier Conseil des Ministres sous la Haute Présidence du Monarque. À l’ordre du jour, l’approbation de projets de décrets ainsi que de plusieurs accords internationaux et d’une série de nominations aux fonctions supérieures, notamment dans l’administration territoriale et la diplomatie. Une dialectique entre l’interne et l’externe pour porter les ambitions du Maroc et assureur la mise en œuvre de ses mégaprojets.  

Le Conseil a été  consacré principalement à l’examen des orientations générales du projet de loi de Finances pour l’année 2025. Les quatre priorités structurantes des dernières lois de Finances ont été maintenues : le renforcement des piliers de l’État social (généralisation de la protection sociale, réforme du système éducatif et dialogue social) ;  la consolidation de l’investissement et de la création d’emplois à travers la stimulation de l’investissement privé au soutien de l’investissement public  et la poursuite des chantiers structurants (hydrogène vert, transition vers les énergies propres..) ; la  poursuite des réformes structurelles (justice, la loi organique relative à la loi de Finances ; la préservation de la soutenabilité des finances publiques.

Le Premier ministre et les départements ministériels s’étaient attelés à boucler la loi de Finances sur la base des orientations de la loi de cadrage dans un contexte international difficile, marqué par la poursuite des tensions géopolitiques et l’accentuation des crises climatiques. Ils y ont apporté progressivement quelques retouches  pour recueillir la satisfaction de tous.

Une croissance pro-emploi en perspective ? Probablement, la  mise en œuvre d’une feuille de route concrète pour la promotion de l’emploi, selon une approche intégrée et multidimensionnelle, a été annoncée. Le chômage est le grand échec de la politique publique, même si le Maroc n’est pas le seul pays dans ce cas. Sa montée, puis son maintien à un niveau élevé, sont  la première préoccupation de l’opinion publique.  Les responsables politiques ont pris en compte cette préoccupation et tenté, par des voies diverses, d’améliorer la situation. Mais le résultat est là : alors que d’autres pays, chacun à sa manière, ont réussi à atténuer ce problème, il n’en a pas été de même au Maroc.

Une étrange distance s’est établie entre l’apparent fatalisme collectif devant la situation du chômage de masse et le caractère tragique, au niveau individuel, de l’installation dans le chômage de longue durée.  L’évolution de l’emploi ne peut être à la merci des flux et reflux de la conjoncture. Elle doit être accompagnée par des politiques actives d’emploi et de formation, dont l’intensité doit être accrue.  Les pouvoirs publics ont mis en place des dispositifs essentiellement ciblés sur la population des diplômés au chômage. Ils restent insuffisants. Une autre combinaison d’incitations efficaces des entreprises, des créations d’emplois dans les activités non marchandes, de soutien plus ciblé à l’entreprenariat par des actions de formation et d’accompagnement, faciliteraient l’accès à l’activité des jeunes et le retour à l’emploi des chômeurs de longue durée.

La résolution des questions de la croissance et de l’emploi qui se posent au pays ne relève pas à l’évidence de la seule initiative et capacité du gouvernement. Les nouvelles demandes de régulation qu’entraînent les évolutions en cours appellent des réponses diversifiées et souvent conjuguées, se situant aussi bien au niveau du gouvernement, que celui de l’entreprise ou de la collectivité territoriale, voire individuel. Mais le gouvernement joue un rôle irremplaçable dans la formulation des politiques publiques qui fondent la cohésion sociale, ainsi que dans l’organisation des procédures qui permettent de repérer et choisir les alternatives envisageables. Souhaitons qu’il puisse mettre en œuvre les orientations qui s’imposent au niveau pertinent et de respecter ses engagements.

Les experts en conjoncture prévoient un rebond taux de croissance avec un taux de 4,6% et une inflation limitée à 2%. Ils reparlent de reprise, à travers la mise en place des mesures  pour réduire le déficit budgétaire et reconstituer les marges financières nécessaires à l’effet de faire face aux financements des chantiers programmés. Mais cette fameuse croissance forte soutenue, sans aggravation du déficit budgétaire et surtout génératrice d’emplois cela fait combien de temps que vous l’attendez, vous les jeunes et moins jeunes ?  Avec de moins en moins d’enthousiasme, il faut le dire. Le doute s’installe dans les esprits, puisque rien ne vient confirmer ces prédictions si agréables ; le chômage ne régresse point ; l’Europe, notre client, ne connaît pas une dynamique florissante,… Rien d’exaltant dans l’environnement international.  Mais attendez….attendez, vous n’allez pas entamer la rentrée sous le ton de la morosité ? Vous y avez baigné toute l’année écoulée. Alors ne soyez pas pessimistes, ni trop optimistes, juste « pepsimistes » selon un terme inventé par un écrivain Palestinien, Emile Habibi, dans son inspirant roman « Les aventures extraordinaires de Said le Pepsimiste »

Alors, ça y est ? Vous êtes rentrés ? Enfin, pour certains d’entre vous…Et vous avez repris le chemin du bureau, de l’entreprise, de l’atelier, du magasin. Sans enthousiasme excessif, peut-être. Mais sans trop traîner des pieds non plus : on est tellement content de reprendre de l’activité en ce temps où le chômage est à tous les coins de rue. Et puis, avez-vous écouté le discours des politiques? Les chantiers sont lancés, laissez le temps au temps…Juste un mieux de coordination et les résultats pointeront à un horizon pas lointain. L’impératif de la rigueur budgétaire ? Cela fait des années qu’elle fait partie du décorum. On a fini par s’y accommoder. Tout est une question d’arbitrage dans l’affectation des ressources rares, vous diront les initiés à ce langage ampoulé qui assène la vérité technocratique à mille lieux de vos préoccupations.

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