Publications /
Opinion

Back
Le mécanisme africain de stabilité financière : un outil pour renforcer la résilience économique de l’Afrique
Authors
August 17, 2023

Défis et opportunités économiques en Afrique : Renforcer la stabilité financière pour un développement durable

L’Afrique est un continent qui connaît de nombreux défis économiques et sociaux, mais aussi de grandes opportunités de développement. Pour réaliser son potentiel, le continent a besoin de renforcer sa stabilité financière, c’est-à-dire sa capacité à faire face aux chocs internes et externes qui peuvent affecter sa croissance et son développement. (Figure 1)

La stabilité financière repose sur plusieurs piliers, parmi lesquels la résilience et le coût du financement jouent un rôle crucial. La résilience désigne la capacité des économies africaines à absorber les chocs sans compromettre leur trajectoire de développement. Le coût du financement désigne le niveau des taux d’intérêt auxquels les pays africains peuvent emprunter sur les marchés financiers pour financer leurs investissements. Or, ces deux piliers sont actuellement fragiles en Afrique. D’une part, les pays africains sont exposés à des chocs multiples, tels que les fluctuations des prix des matières premières, les crises sanitaires, les conflits et le changement climatique. Ces chocs peuvent avoir des effets négatifs sur la croissance, l’emploi, la pauvreté, la dette ou encore la stabilité macroéconomique. D’autre part, les pays africains connaissent souvent des taux d’intérêt élevés qui entravent leur développement. Ces taux reflètent une perception négative du risque par les investisseurs internationaux, qui ne tiennent pas compte du contexte spécifique de l’Afrique et de ses perspectives de croissance. Ces taux élevés augmentent le coût du service de la dette et réduisent la marge de manœuvre budgétaire des pays africains pour financer leurs besoins sociaux et productifs.

 

Croissance du PIB réel (variation annuelle en pourcentage)

Stabilité financière en Afrique à l'épreuve de la COVID-19 : Endettement croissant et contraintes budgétaires

La stabilité financière en Afrique a été mise à rude épreuve par la crise sanitaire causée par la COVID-19. Les mesures de confinement et les réductions de la demande mondiale ont entraîné une récession économique mondiale qui a eu un impact négatif sur les économies africaines. Les pertes d'emploi et la baisse des revenus ont exacerbé la vulnérabilité des populations, tandis que les gouvernements africains se sont trouvés confrontés à des défis financiers supplémentaires pour faire face à la pandémie.

Le recours accru à l'emprunt pour financer les dépenses liées à la COVID-19 a également contribué à fragiliser la stabilité financière en Afrique. En effet, l'évolution de la structure de la dette en Afrique, en faveur des créanciers commerciaux et non membres du Club de Paris, s'est conjuguée à une marge de manœuvre budgétaire restreinte et à des besoins financiers croissants, créant ainsi un cercle vicieux de surendettement. La dette moyenne de l'Afrique a augmenté à plus de 70 % du PIB et le coût du service de la dette représentait 23,2 % des dépenses publiques en 2019, jetant un doute sur la viabilité de la dette en Afrique. (Figure 2 et 3). Les pays africains sont confrontés à des taux d'intérêt élevés qui limitent leur croissance économique, les rendant vulnérables aux incertitudes et moins attractifs pour les investisseurs.

 

Dette publique, 2015-2021, en pourcentage du PIBPCNS

Vers un avenir plus stable : Le Mécanisme Africain de Stabilité Financière (MASF) en débat

Face à ces défis, il est nécessaire de mettre en place un mécanisme africain de stabilité financière (MASF)qui permettrait d’améliorer la résilience et le coût du financement des économies africaines.

Le mécanisme africain de stabilité financière (MASF) est une proposition innovante de l'économiste Christian de Boissieu et Cheikh Kanté, ministre d'État du Sénégal. Ledit mécanisme vise à créer un fonds régional de soutien financier aux pays africains en cas de crise. Le MASF serait alimenté par les contributions volontaires des pays membres, ainsi que par des ressources extérieures provenant de partenaires internationaux. Le MASF aurait pour objectif de compléter les programmes d’ajustement du Fonds monétaire international (FMI) et d’autres institutions financières internationales, en offrant des prêts concessionnels et des dons aux pays éligibles, sous condition de respecter des critères de bonne gouvernance économique et sociale. Le MASF présenterait plusieurs avantages pour l’Afrique. D’une part, il permettrait de réduire la dépendance vis-à-vis des bailleurs de fonds extérieurs, en renforçant la solidarité régionale et l’autonomie financière de l’Afrique. D’autre part, il contribuerait à prévenir les crises financières, en incitant les pays à adopter des politiques macroéconomiques saines et à diversifier leurs sources de revenus. Enfin, il favoriserait le développement humain et social, en soutenant les dépenses publiques dans les secteurs prioritaires tels que la santé, l’éducation et la protection sociale.

Le MASF n’est pas encore une réalité, mais il fait l’objet d’un débat au sein la Commission de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (Cemac) et la Banque africaine de développement (BAD). En effet, au cours de la 35e session ordinaire de la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de l’Union africaine, les chefs d’État et de gouvernement ont appelé à la mise en place du Mécanisme africain de stabilité financière et ont demandé à la Commission de l’Union africaine et au Groupe de la Banque africaine de développement de travailler avec toutes les parties prenantes concernées pour accélérer l’opérationnalisation du mécanisme et sa croissance.

 

Surmonter les Obstacles : Vers la Naissance du MASF en Afrique

Pour que le MASF voie le jour, il faudrait surmonter plusieurs obstacles, notamment la diversité des situations économiques et financières des pays africains, le manque de volonté politique et la faiblesse des capacités institutionnelles et techniques. Il faudrait également définir les modalités opérationnelles du MASF, telles que le montant des contributions, les critères d’éligibilité, les conditions d’accès aux ressources, et les mécanismes de surveillance et d’évaluation.

En outre, pour que le Mécanisme africain de Stabilité financière puisse véritablement être efficace et crédible, plusieurs éléments essentiels doivent être pris en considération. Tout d'abord, il est crucial que le MASF dispose de ressources suffisantes pour pouvoir remplir son rôle de soutien aux pays en difficulté. Ces ressources pourraient provenir de diverses sources telles que les contributions des pays membres, les prêts des institutions internationales, les émissions d'obligations ou les dons des partenaires bilatéraux. Il est essentiel que ce financement soit stable, prévisible et flexible pour pouvoir répondre aux besoins changeants des pays africains.

Par ailleurs, les critères d'éligibilité pour bénéficier du MASF doivent être clairs, transparents et basés sur des indicateurs objectifs de vulnérabilité et de soutenabilité. La diversité des situations économiques et financières des pays africains doit être prise en compte, et les prêts ou garanties accordés devraient être adaptés aux besoins spécifiques de chaque pays.

L'accès au MASF devrait également être assorti d'exigences en matière de réformes structurelles visant à renforcer la stabilité macroéconomique, la bonne gouvernance, la diversification économique ou l'inclusion sociale.

Le Mécanisme africain de Stabilité financière est un projet ambitieux, mais aussi une opportunité historique pour l’Afrique. Il faut donc le concevoir et le mettre en œuvre avec rigueur et pragmatisme, en tenant compte des réalités et des aspirations du continent. Le MASF pourrait ainsi contribuer à renforcer la résilience économique de l’Afrique, et à accélérer sa transformation structurelle.

RELATED CONTENT

  • January 31, 2022
    According to the Oslo Manual, innovation can be defined as “the implementation of a new or significantly improved product (good or service), or process, a new marketing method or a new organisational method in business practices, workplace organisations or external relations” (OECD, 2005, p. 46). For today’s middle-income countries in Africa, innovation is essential to sustain growth and promote the transition to high-income status. This paper begins by providing a summary of theore ...
  • October 01, 2021
    The climate crisis is a latent threat that has been brewing for several years. Its repercussions affect both individuals and economies. Since the Paris Agreement, progress has stalled in ...
  • Authors
    Raffaele Della Croce
    Miguel Vazquez
    September 29, 2021
    In order to close the financing gap in green technologies, finding new mechanisms to enhance the participation of the private sector, combined with that of the public sector, in financing sustainable and climate-resilient infrastructure is a must. In this context, some unlisted instruments are going to be needed to enhance financing of green infrastructure. Besides, the development of properly structured projects, with risks and returns in line with the preferences of the different ...
  • Authors
    Chami Abdelilah
    Derj Atar
    Hammi Ibtissem
    Morazzo Mariano
    Naciri Yassine
    with the technical support of AFRY
    July 29, 2021
    As decarbonization is a long-term process and requires significant investments, specific financial and non- financial measures will need to be implemented, both in the short and long term, to facilitate this transition. In Part II of Morocco’s decarbonization pathway Policy Brief series, an update of the decarbonization scenarios was presented. It revealed that the Increased Ambition and Green Development scenarios achieve higher decarbonization targets than current policy. It showe ...
  • Authors
    Chami Abdelilah
    Derj Atar
    Hammi Ibtissem
    Morazzo Mariano
    Naciri Yassine
    with the technical support of AFRY
    July 23, 2021
    La décarbonisation est un processus à long terme qui nécessite des investissements importants. Ainsi, des mesures financières et non financières spécifiques devront être mises en œuvre, à la fois à court et à long termes, pour faciliter cette transition. Dans la deuxième partie de la série de Policy Briefs sur la trajectoire de décarbonisation du Maroc, une mise à jour des scénarios de décarbonisation a été présentée. Elle révèle que les scénarios « Ambition accélérée » et « Dévelop ...
  • Authors
    Chami Abdelilah
    Derj Atar
    Hammi Ibtissem
    Morazzo Mariano
    Naciri Yassine
    with the technical support of AFRY
    July 19, 2021
    Morocco's significant renewable energy resources offer an unprecedented opportunity to anchor the country’s economic and political choices in the energy transition, and to turn the transition into an essential lever for economic development. This is all the more relevant as the costs of renewable energies have dropped over the past 10 years2, and now offer strong potential, not only for creating green jobs but for ensuring a dynamic and resilient economic growth as well. In 2020, ne ...
  • Authors
    Chami Abdelilah
    Derj Atar
    Hammi Ibtissem
    Morazzo Mariano
    Naciri Yassine
    with the technical support of AFRY
    July 9, 2021
    Les importantes ressources en énergies renouvelables du Maroc offrent une opportunité sans précédent d’ancrer les choix économiques et politiques du pays dans la transition énergétique, et de faire de cette transition un levier essentiel du développement économique. Ceci est d’autant plus important que le coût des énergies renouvelables a baissé au cours des 10 dernières années2 et présente désormais un fort potentiel, non seulement de création d’emplois verts mais aussi de croissan ...
  • Authors
    Chami Abdelilah
    Derj Atar
    Hammi Ibtissem
    Morazzo Mariano
    Naciri Yassine
    with the technical support of AFRY
    July 9, 2021
    Les conséquences du changement climatique sont de plus en plus visibles au Maroc. Le schéma changeant des précipitations et de la sécheresse, l'augmentation des températures moyennes et des canicules, les inondations et l'augmentation du niveau de la mer affectent de plus en plus de nombreuses régions. Et pourtant, le taux d'émission de gaz à effet de serre (GES) du Maroc est relativement faible, comparé à celui d'autres pays. En 20162, les émissions totales de GES du Maroc ont atte ...