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Coup d’État au Gabon : Le septième de ‘’la nouvelle vague’’
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August 31, 2023

Un peu plus d’un mois après le coup dÉtat qui a renversé le président nigérien, Ali Bongo Odimba (ABO) est, dans la matinée du 30 août, renversé par un groupe de militaires avant même qu’il n’ait eu le temps de fêter sa troisième élection à la tête de l’État gabonais.

 

1-Encore un coup d’État 

Les premières annonces du coup d’État au Gabon rappellent la tentative avortée, en janvier 2019, lorsque l’adjoint du patron de la Garde républicaine, Ondo Obiang Kelly, prend la tête d’un commando pour tenter de mettre fin au régime d’Ali Bango Odimba, alors en convalescence au Maroc, après avoir été soigné des suites d’un AVC en Arabie saoudite. Le lieutenant Ondo Obiang et ses complices furent arrêtés le même jour et deux d’entre eux furent tués. Serait-ce le sort des putschistes actuels ? le déroulement des faits semble indiquer que non.

Après la Guinée, le Mali (à 2 reprises), le Burkina Fasso (à 2 reprises) et le Niger, voici venu le tour du Gabon. Du même coup, les putschs qui touchent les États africains francophones et qui semblaient toucher la seule Afrique de l’Ouest (CEDEAO), se déplacent vers l’Afrique Centrale (CEEAC).

 

2-Les faits du 30 août 2023

Vers 01h00 du matin, le Centre gabonais des élections (CGE), structure dédiée à l’organisation des scrutins de 2023 et la chaine Gabon 24 se préparent pour enregistrer les résultats finaux que doit lire Michel Stéphane Bonda, président de la CGE. Quelques heures, plus tard, Gabon 24, la chaîne dont les studios se trouvent dans le palais présidentiel, entame la communication des résultats qui donnent Ali Bango gagnant avec plus de 64 % des voix, mais la diffusion est interrompue pour laisser la place à des militaires dont l’un d’eux déclarera : « Nous mettons fin au régime en place », avant de se mettre à la lecture d’un communiqué annonçant l'annulation des résultats des élections et la dissolution des institutions politiques. Le communique se focalise sur des points principaux :

- Il ne reconnait pas les résultats des élections : « …les élections générales du 26 août 2023 ainsi que les résultats tronqués sont annulés » ;

- Il stigmatise la gouvernance d’Ali Bango : « une gouvernance irresponsable, imprévisible qui se traduit par une dégradation continue de la cohésion sociale risquant de conduire le pays au chaos… » ;

- Il affirme le respect des engagements du Gabon envers la communauté internationale ;

- Il annonce la fermeture des frontières jusqu’à nouvel ordre et ;

- Il appelle la population au calme et à la sérénité.

Si le coup d’État rappelle la tentative de 2019, la composition du groupe des putschistes n’augure pas de la même fin connue par le lieutenant Ondo Obiang Kelly, auteur de la tentative de janvier 2019, qui était presque isolé. Le groupe qui conduit le coup d’État de 2023 a pris soin d’associer quasiment tous les corps de l’armée gabonaise ou du moins les plus importants : des bérets rouges de l’armée régulière, des bérets verts de la Garde républicaine, bérets noirs des unités des blindés, des gendarmes et même une personne en civil qui doit probablement représenter des services de renseignement. Le groupe qui se fait baptiser « Comité de transition et de restauration des institutions » rétablit l’internet qui était coupé depuis le 26 août et annonce par la suite avoir placé le président sortant/entrant en résidence surveillée et mis son fils en état d’arrestation.[1] Une vidéo qui circulera quelques heures plus tard sur les réseaux sociaux montrera le président gabonais parlant en anglais pour confirmer son arrestation et demander à la communauté internationale d’élever la voix pour le sauver.

 

Le président gabonais en appelle à la communauté internationale et à ses pairs pour tenter de le rétablir dans ses fonctions

 

3-Un coup d’État qui s’inscrit dans la nouvelle vague

Lorsqu’en août 2020, au Mali, Assimi Goïta renverse IBK, force était de constater que le putsch faisait suite à une grogne de la population, notamment par le biais du Mouvement du 5-Juin (M5-RFP). L’annonce du coup d’État fut accueillie par un grand enthousiasme populaire, les Maliens percevaient les militaires putschistes comme de simples citoyens ayant décidé de prendre leurs responsabilités.[2] C’était une première dans la région et en Afrique où les coups d’État inspiraient plus méfiance et peur que sérénité et satisfaction parmi les populations.

Ce même phénomène, observé auparavant en Guinée et par la suite au Burkina Faso et tout dernièrement au Niger, pousse à croire en l’émergence au Sahel, voire en Afrique, d’un nouveau paradigme en termes de gouvernance politique. Ce phénomène semble installer une nouvelle forme de ‘’contrat social’’ entre les populations et les armées au détriment d’élites politiques qui se sont révélées incapables de gagner la confiance des populations. Celles-ci  accordent leur soutien aux militaires pour qu’ils retirent du pouvoir une élite politique à laquelle on reproche soit sa dépendance de puissances étrangères, soit sa corruption ou encore son insouciance et son incompétence. Les élites politiques dans certaines régions africaines semblent ne pas être à la hauteur de l’accomplissement de leurs fonctions régaliennes remettant ainsi en cause leur légitimité fonctionnelle.

C’est dans cette nouvelle vague de coups d’État qui se produisent sous l’enseigne de ce nouveau ‘’contrat social’’ que semble s’inscrire le putsch contre Ali Bango Odimba.

Comme les Maliens, les Guinéens, les Burkinabais et les Nigériens, les Gabonais sont sortis dans la rue pour saluer le coup d’État ; signe qu’ils n’appréciaient plus leur élite politique, conduite par un président, qui après avoir succédé à son père, était sur le point d’entamer un troisième mandat, en dépit de son état de santé précaire.

 

4-Un coup d’État qui confirmerait la tendance au malaise dans les anciennes colonies françaises

La Guinée, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et maintenant le Gabon, sans parler du Tchad[3], se partagent non seulement le fait d’avoir connu des coups d’État durant les trois dernières années, mais également celui d’être francophones et d’avoir été des colonies françaises. Ce fait peut-il être un simple hasard ? Pourquoi le phénomène des putschs semble avoir été abandonné dans les colonies anglaises, espagnoles ou portugaises et en même temps persister, voire s’intensifier dans les pays qui étaient d’anciennes colonies françaises. Les présidents déchus subissent-ils la malédiction d’être à la tête d’anciennes colonies françaises ?

Le putsch au Gabon, qui se place dans la suite de ceux de quatre autres pays africains, laisse craindre un effet domino dont la tempête risque d’emporter d’autres régimes ? On ne peut alors faire l’économie d’une interrogation sur le futur pays qui verra son président destitué par les militaires. Peut-il être un pays dont le président a fait un troisième mandat ? Un pays qui emprisonne ses opposants ? Un pays où la longévité du président a dépassé les normes ? Où un pays dont le président ne peut s’acquitter de ses fonctions ?

Une chose est presque sûre : le futur coup d’État se passera dans un pays francophone. Dans une ancienne colonie française. Gageons, cependant, sur la capacité du monde francophone et de la France à dépasser les crises pour corriger cette tendance. Ils en sont capables, ils en ont les moyens.

 


[1] Noureddine Bango Valentin, fils du président, est accusé de falsification de la signature du président, de faux et usage de faux, de trafic de stupéfiants, de détournements massifs de fonds publics et de haute trahison.

[2] "il n'y a pas de coup d'État, il n'y a pas de junte, nous avons des Maliens qui ont pris leurs responsabilités", avait déclaré Mohamed Aly Bathily, l’un des responsables du mouvement 5-juin.

[3] La prise de pouvoir par le fils du président Deby s’apparente, à n’en pas douter, à un coup d’État, le fils Deby s’étant proclamé chef d’État en dépit de toutes les dispositions constitutionnelles.

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