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Cette résilience qui dérange
September 21, 2023

Le Maroc a été frappé, dans la nuit du 8 au 9 septembre 2023, par un tremblement de terre d’une magnitude de 7 degrés sur l’échelle Richter, dont l’épicentre a été localisé au centre du pays dans la région d’Al Haouz, située au milieu de la chaîne montagneuse du Haut Atlas, mais qui a également touché des villes telles que Rabat, Casablanca, Taroudant et surtout la Ville de Marrakech. 

Le séisme a surtout coûté la vie à des centaines de villageois qui, au moment de la secousse tellurique, dormaient paisiblement dans leurs maisons construites en Pisé et qui, de ce fait, ne pouvaient résister au tremblement.

Le bilan officiel du tremblement s’est stabilisé autour de 2946 victimes et 5674 blessés et touche environ 300.000 personnes dont environ 100.000 enfants, selon les estimations des Agences des Nations Unies. Quant au coût de cette catastrophe naturelle, il serait d’environ 10 Milliards de Dollars, selon l’Institut d’études géologiques des États-Unis, soit l'équivalent de 8 % du Produit intérieur brut (PIB) du Royaume.

Passé le choc du moment et les fortes émotions qui l’accompagnent, les autorités marocaines se sont mobilisées pour assurer l’ordre public et parer au plus pressé en organisant les premiers secours et en planifiant  les étapes de prise en charge, d’organisation et d'exécution des tâches urgentes destinées à rassurer la population sinistrée, dégager les routes, déplacer les secours et le personnel médical sur les lieux et délivrer les produits de première nécessité en quantité suffisante et dans toutes les régions sinistrées.

Pour sa part, la société civile a rivalisé d'ingéniosité et de créativité pour venir en aide aux populations des régions affectées en faisant don de sang et en dépêchant des caravanes de toutes les provinces du Royaume, de Tanger à Lagouira et d’Oujda à Dakhla, pour acheminer vivres, tentes, couvertures, médicaments,  groupes électrogènes… Le tout dans un élan de solidarité qui en dit long sur les valeurs qui fondent la nation marocaine et qui se révèlent plus concrètement en temps de crises et de catastrophes comme ce fut le cas pour le séisme de 2004 d'Al Hoceima ou plus récemment de la pandémie de la COVID-19.

Une mobilisation à la mesure de la détresse des sinistrés 

Cette mobilisation et cet élan civiques étaient à la mesure de la détresse des populations sinistrées et de l'immensité  des tâches à accomplir dans un laps de temps le plus réduit possible. La synergie réalisée entre les différents intervenants a démontré la maîtrise par les autorités nationales et locales des rouages du processus de fourniture des aides et le sens des responsabilités des Organisations de la Société civile qui se sont impliquées dès les premières heures du sinistre pour épauler les pouvoirs publics, les Forces armées royales, la Gendarmerie Royale, la Protection civile et le Croissant rouge marocain dans la gestion ordonnée de la catastrophe.

Comme dans des circonstances similaires, de nombreux pays, responsables d’Organisations internationales et personnalités de tout bord ont exprimé leur sympathie et leur solidarité avec le Maroc et fait part de leur disponibilité à appuyer les efforts du Maroc en vue de surmonter cette terrible épreuve. Ils ont cependant laissé le soin aux autorités marocaines  de choisir la nature de l’aide, son volume et le timing de sa livraison, compte tenu des besoins, du taux de leur couverture par les ressources nationales et de l'état d’avancement des secours.

S’il est vrai que quelques pays en difficulté, en conflit, ou en manque de moyens financiers, sollicitent parfois les Organisations internationales pour lancer des “appels de fonds éclairs”( Flash appeals) et, de ce fait, acceptent quasi automatiquement toute sorte d’aide, d’autres ont réussi, par le passé, à gérer essentiellement par leurs propres moyens les conséquences du désastre. Le Maroc, compte tenu des expériences passées, de l’arsenal juridique et opérationnel mis en place pour la prévention et la gestion  des catastrophes naturelles et de l’implication active de la société civile a pris la décision souveraine de compter d’abord sur ses propres capacités. C'était là une question de dignité et de fierté nationales et d’image et de crédibilité auprès de sa propre opinion publique.

De telles opérations d’aide et d’assistance soulèvent des questions de principe qui se rattachent à la notion de souveraineté des États et à leur liberté de choisir entre les offres disponibles celle qui correspond le mieux aux besoins du moment. Annoncer et médiatiser une offre à « fournir des aides humanitaires et à mobiliser tous les moyens matériels et humains en solidarité avec le peuple marocain frère en cas de demande du Royaume du Maroc » est tout à la fois discourtois et impertinent.

L’offre d’une assistance reste toujours une offre. Elle peut être acceptée, mise en attente ou déclinée implicitement. Elle ne peut être ni imposée ni conditionnée. Quel que puisse être le statut de l’État qui propose son aide, celle-ci ne peut pas bénéficier ex-officio  d’une acceptation automatique ou d’une priorité absolue. Soutenir ou insinuer  l’inverse renvoie implicitement au prétendu droit d'ingérence pour raisons humanitaires, rejeté  et dénoncé par tous les pays qui tiennent à leur souveraineté.

Centralité du principe de souveraineté

Dans le Projet d’articles de 2016 sur la protection des personnes en cas de catastrophe, la Commission du Droit international des Nations Unies   a clairement mis en evidence la notion centrale de souveraineté et l’importance du rôle de l'État touché par une catastrophe dans la fourniture de l’assistance nécessaire.

Dans le préambule dudit projet, la Commission a tenu à souligner “le principe de la souveraineté des États touchés par une catastrophe” et “le rôle principal qui leur revient en ce qui concerne la direction, le contrôle, la coordination et la supervision des secours".

Ce principe cardinal a été réaffirmé dans la résolution 46/182 de l’Assemblée générale lorsqu’elle énonce que : « La souveraineté, l’intégrité territoriale et l’unité nationale des États doivent être pleinement respectées en conformité avec la Charte des Nations Unies.”

En vertu de sa souveraineté, l’État touché a le droit et le devoir d’assurer la protection des personnes et la fourniture de secours en cas de catastrophe sur son territoire.

Ce privilège et ce droit exclusif tiennent aussi au fait qu’il est depuis longtemps admis et reconnu en droit international qu’un État est le mieux placé pour juger de la gravité d’une situation d’urgence et adopter les mesures nécessaires et suffisantes pour faire face a la situation. Quant à l'obligation de coopérer, reconnue également en droit international, elle ne peut être invoquée que lorsque l’État n’a pas la capacité de répondre aux attentes minimales des populations sinistrées, auquel cas son refus d’accepter les offres étrangères d’assistance équivaudrait à non-assistance à personnes en danger, mettant en jeu la responsabilite dudit État.

Le Maroc n’est manifestement pas dans cette situation;  ce qui rend irrecevables et inacceptables les reproches qui lui sont faites véhiculées par une presse à l'affût de tout prétexte  pour critiquer le Royaume et porter atteinte à son image.

Le Maroc, Souverain, Gouvernement, Armée et société civile ont démontré dès les premières heures du séisme que le pays est préparé, équipé, expérimenté et déterminé à tout faire pour gérer et surmonter cette nouvelle catastrophe naturelle. En l’espace d’une semaine, non seulement les besoins essentiels des populations affectées ont été satisfaits et les principales routes rouvertes, les blessés soignés sur place grâce à un hôpital médico-chirurgical de campagne vite  installé,  mais les nouveaux plans des villages détruits ont été élaborés et les montants des subventions au relogement ( entre 8000 et 14 000 Euro ) annoncés qui seront puisés dans un Fonds établi sur ordre du Souverain.

En toute liberté et en toute indépendance

Certes, le Maroc a accepté dès le lendemain du séisme, l’aide fournie par l’Espagne, la Grande-Bretagne, les Émirats Arabes Unis et le Qatar dont certains ont l’avantage de la proximité et ont donc pu dépêcher leurs équipes de secours presque en temps réel et ont pu  répondre à un besoin immédiat et ponctuel. Il l’a fait, comme le souligne le communiqué du Ministère de l'Intérieur, "après avoir procédé à une évaluation minutieuse des besoins sur le terrain et en tenant compte du fait qu'une absence de coordination pourrait être contre-productive". Et le même communiqué d’ajouter que d'autres offres pourraient être acceptées à l'avenir "si les besoins devaient évoluer”. Le Maroc ne pouvait pas, pour des considérations liées à la sécurité de son territoire et de sa population et à des exigences de coordonner les secours, ouvrir ses frontières à tous ceux qui ont proposé une aide au risque de créer de la confusion et une compétition préjudiciable à l'efficacité du dispositif mis en place par les autorités marocaines.

Quant aux critiques directes ou voilées déclenchées aux premiers jours du tremblement , les interrogations insidieuses et les insinuations malveillantes distillées à travers certains médias  elles dénotent une ignorance coupable de ce qu’est le Maroc et révèlent la persistance ou la résurgence d’une perception condescendante d’un autre âge qu’on croyait révolue vis-a-vis d’une grande nation multiséculaire qu’est le Maroc. De tels agissements  ne font que renforcer le Maroc dans sa détermination à consolider sa souveraineté et à choisir en toute liberté et en toute indépendance ses amis et ses partenaires en ayant à l'esprit son intérêt national et la dignité de son peuple.

Cette notion de dignité est aussi centrale que celle de la souveraineté. Elle est inhérente aux nations, aux peuples et aux individus qui les composent. Elle est plus sensible en temps de crises. En tant que valeur fondamentale des droits de l'homme, elle est affirmée et mise en avant dans divers instruments des droits de l’homme, de la Déclaration universelle de 1948 aux pactes sur les droits civils et politiques,  économiques et socio-culturels de 1966 en passant par la Charte de l’ONU. Tous ces instruments soulignent la nécessité de la respecter et de la protéger  en toute circonstance, surtout en cas de catastrophes.

Quant à ce qu’il est convenu d'appeler la Diplomatie des catastrophes qui a fait ses preuves sous d’autres cieux, sa pertinence et son impact se mesurent à l'aune des actions concrètes qui précèdent ou qui suivent la survenance des catastrophes. Les jours et les semaines qui viennent permettront de juger si certaines offres étaient sous-tendues par des réelles intentions d’ouvrir une nouvelle page dans les relations bilatérales ou si le but recherché était un simple effet d’annonce dicté par les circonstances.      

 

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