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Bassin Atlantique : une zone très importante pour l’industrie des hydrocarbures
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December 20, 2024

Le bassin Atlantique est une zone très importante pour l’industrie internationale des hydrocarbures (pétrole et gaz naturel). Elle l’est en termes de réserves, de production et d’exportation de pétrole et de gaz. De plus, son potentiel est loin d’être complètement exploité, ce qui signifie qu’elle continuera à jouer un rôle majeur dans ce secteur pendant de longues années. La partie américaine du bassin Atlantique pose d’ailleurs un sérieux problème aux pays de l’OPEP+, une coalition de 22 États exportateurs de pétrole, qui ont réduit leur production de brut à plusieurs reprises depuis deux ans afin de soutenir les prix de l’or noir.

Introduction

Le bassin Atlantique est une zone majeure à plusieurs titres et c’est aussi le cas pour l’industrie internationale des hydrocarbures (pétrole et gaz naturel). De nombreuses compagnies pétrolières de premier plan y sont actives depuis des décennies et les perspectives de cette zone pour ce secteur stratégique restent très bonnes dans le court, le moyen et même le long terme. Dans ce Policy Brief, nous nous concentrerons sur la production de pétrole et de gaz naturel des pays du continent américain, de l’Afrique et de l’Europe qui entourent l’océan Atlantique (1).

Le bassin Atlantique comprend de nombreux pays producteurs d’hydrocarbures, dont plusieurs sont très importants. Certains d’entre eux sont en mesure d’augmenter leur production. On compte aussi dans cette zone de nouveaux producteurs (par nouveau producteur, nous entendons un pays qui produit du pétrole et/ou du gaz depuis au plus cinq ans, soit depuis la fin 2019) et exportateurs. Et on y trouve aussi des pays qui sont sur le point de devenir des producteurs/exportateurs d’hydrocarbures ou vont le devenir dans les prochaines années (dans cette note, le critère sera d’ici 2030).

Bassin Atlantique : un grand nombre de producteurs et exportateurs d’hydrocarbures

À la fin 2024, on recense un peu plus d’une quinzaine de pays producteurs d’hydrocarbures (2) autour du bassin Atlantique. La très grande majorité d’entre eux sont des pays africains et américains (Amérique du Nord et du Sud mais pas Amérique centrale). On peut notamment citer comme exemples le Nigeria, l’Angola, le Gabon, le Ghana et le Sénégal en Afrique, les États-Unis, le Canada et le Mexique en Amérique du Nord et le Venezuela, le Brésil et l’Argentine en Amérique du Sud (liste non exhaustive). L’Europe, une zone de façon générale pauvre en hydrocarbures, n’est que très peu représentée.

Le bassin Atlantique est donc une zone importante pour les hydrocarbures au regard du nombre de pays producteurs. C’est le premier élément mais c’est loin d’être le seul. Parmi ces producteurs, plusieurs sont de très gros producteurs de pétrole et de gaz.

Bassin Atlantique : plusieurs gros producteurs d’hydrocarbures

Le leader est évidemment les États-Unis, qui sont le premier producteur mondial de pétrole (3). Au cours du second trimestre 2024, la production pétrolière de la première puissance mondiale était de 20,3 millions de barils par jour (Mb/j), soit près du quart de la production mondiale qui devrait être de 103 à 104 Mb/j en 2024 (moyenne annuelle). Comme souligné dans un précédent Policy Brief publié par le Policy Center for the New South (3), jamais les États-Unis n’avaient atteint un tel niveau (4) et jamais un autre pays dans le monde n’a produit autant dans l’histoire. De plus, il est certain qu’aucun autre pays ne pourra rattraper les États-Unis dans les années d’ici 2030.

Loin derrière le numéro un mondial, le second producteur de pétrole du bassin Atlantique est le Canada avec un débit de 5,83 Mb/j au second trimestre 2024 (voir note 4 pour la source). Ce pays est aussi le quatrième producteur mondial de pétrole après les États-Unis, la Russie et l’Arabie Saoudite. Dans le bassin Atlantique, le Brésil occupe la troisième place avec 3,39 Mb/j devant le Mexique (2 Mb/j). Les quatre premières places reviennent donc à des pays du continent américain, dont les trois pays de l’Amérique du Nord. Des pays africains, le Nigeria et l’Angola, s’inscrivent aux cinquième et sixième rangs avec des productions respectives de 1,28 Mb/j et de 1,16 Mb/j. On traverse à nouveau l’océan pour revenir sur le continent américain pour les places suivantes avec le Venezuela (0,88 Mb/j), l’Argentine (0,80 Mb/j) et le Guyana (0,62 Mb/j).

Pour le gaz naturel, les États-Unis sont encore le numéro un (ainsi que le numéro un mondial) avec une production gigantesque de 1 035 milliards de mètres cubes en 2023 (5). Ils devancent très largement le Canada (190 milliards de mètres cubes). Parmi les autres producteurs importants, on trouve le Nigeria (43,7 milliards de mètres cubes), l’Argentine, le Mexique, le Venezuela et le Brésil. Un classement à nouveau dominé par les pays américains.

Certains de ces pays accroissent leur production pétrolière

De nombreux producteurs, plusieurs gros producteurs mais aussi certains pays sont en mesure d’accroître leur production. C’est aussi cela le bassin Atlantique. À travers le monde, de nombreux pays pétroliers ont une production qui stagne ou qui est sur le déclin. Dans la zone qui fait l’objet de ce Policy Brief, ce n’est pas le cas de tous les pays. Les États-Unis, le Canada, le Brésil, le Guyana, l’Argentine et la Côte d’Ivoire sont sur une pente haussière pour leur production de pétrole. Une fois de plus, les pays américains du bassin Atlantique sont très bien représentés. Ajoutons sur ce point que le Venezuela pourrait produire beaucoup plus s’il n’était pas confronté à l’effondrement de son économie depuis plusieurs années. Alors qu’il contrôle les plus grosses réserves pétrolières prouvées dans le monde, devant même l’Arabie Saoudite, sa production a considérablement chuté depuis la fin du siècle précédent.

Pour le gaz naturel, le Nigeria (via Nigeria LNG) et la République du Congo (via Eni) vont prochainement augmenter leur production et leurs exportations de gaz naturel liquéfié (GNL). Grâce aux découvertes offshore de Baleine (en production) et de Calao (non encore développée) par le groupe italien Eni, la Côte d’Ivoire produira plus de pétrole et de gaz dès la fin 2024 (Phase 2 de Baleine) et une hausse, nettement plus importante, est attendue dans quelques années (Phase 3 de Baleine). Le Maroc, qui est aujourd’hui un tout petit producteur de gaz, devrait mettre en production le gisement offshore Anchois dans les prochaines années. Le consortium, composé d’Energean, de Chariot et de l’Office national des hydrocarbures et des mines (Onhym), n’a pas encore pris la décision de développement de ce gisement situé sur le bloc Lixus Offshore.

Deux nouveaux producteurs de pétrole

Au cours des cinq dernières années, donc depuis la fin 2019, deux pays du bassin Atlantique sont entrés dans le club très sélect des producteurs et exportateurs de pétrole. Le Guyana est producteur de pétrole depuis décembre 2019 et le Sénégal depuis juin 2024. Le premier de ces deux pays produit actuellement plus de 600 000 b/j et sa production va continuer à augmenter jusqu’à la fin 2027. La progression sera considérable puisque le Guyana devrait produire 1,3 Mb/j dans trois ans seulement. Le Sénégal, qui est le plus récent nouveau producteur de pétrole dans le monde, produit 100 000 b/j. Dans les deux cas, il s’agit de brut offshore, donc provenant de gisements sous l’océan Atlantique. Les opérateurs pétroliers sont étrangers : ExxonMobil (États-Unis) pour le Guyana et Woodside Energy (Australie) pour le Sénégal.

De futurs producteurs et exportateurs de pétrole ou de gaz naturel

Certains pays du bassin Atlantique sont sur le point de devenir des producteurs ou exportateurs d’hydrocarbures ou le deviendront dans les prochaines années. Par prochaines années, il faut entendre d’ici 2030. Pour le pétrole, ce sera le cas du Suriname, au nord de l’Amérique du Sud, et de la Namibie, en Afrique australe. Il n’y a aucun doute à ce sujet car des réserves importantes de pétrole ont été découvertes et sont ou seront développées par les opérateurs pétroliers concernés. Les choses sont assez précises du côté du Suriname car le groupe français TotalEnergies a lancé en septembre 2024 un projet de développement pétrolier qui devrait permettre à ce pays de produire 200 000 b/j à partir de 2028. Le coût d’investissement de ce projet est estimé à $9 milliards. En Namibie, trois opérateurs pétroliers, Shell, TotalEnergies et Galp (Portugal), ont fait des découvertes très importantes sur trois permis d’exploration différents et il est donc certain que la Namibie sera un grand producteur pétrolier à l’avenir même s’il est trop tôt pour avancer des chiffres précis. Dans les deux cas, la production sera offshore à partir de champs sous l’Atlantique.

Pour le gaz naturel, les futurs producteurs sont le Sénégal et la Mauritanie en 2025 et, peut-être, la Namibie et l’Afrique du Sud vers la fin de cette décennie. Le Sénégal et la Mauritanie commenceront l’an prochain, pour la première fois dans leur histoire, à exporter du gaz naturel liquéfié (GNL) dans le cadre d’un gros projet commun appelé Greater Tortue Ahmeyim (GTA). Le projet est offshore et l’opérateur est BP. La compagnie britannique est associée à Kosmos Energy (États-Unis), à Petrosen (la société nationale du Sénégal) et à la Société mauritanienne des hydrocarbures (SMH). TotalEnergies a découvert du gaz au sud de l’Afrique du Sud mais le groupe français s’est retiré du projet et l’on ne sait pas très bien si ce gaz pourra être valorisé et, si oui, par qui, quand et comment. Du pétrole et du gaz ont été découverts au large de la Namibie mais, s’il est certain que le pétrole commencera à être exploité dans les prochaines années, il n’en est pas forcément de même pour le gaz.   

Le dilemme de l’OPEP+

Composé de 22 pays exportateurs de pétrole, dont les 12 pays membres de l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole), l’OPEP+ fait face à un sérieux problème. Pour soutenir les prix du brut, cette alliance a décidé à plusieurs reprises depuis l’automne 2022 de réduire sa production en vue de faire baisser l’offre pétrolière mondiale et de faire monter les prix. Pourtant, en dépit de cette politique appliquée par 19 des 22 pays concernés (l’Iran, la Libye et le Venezuela n’ont pas l’obligation de réduire leur production), de la guerre en Ukraine, de la guerre à Gaza, des tensions entre Israël et la République islamique d’Iran et de la situation en Syrie, le pétrole Brent (mer du Nord) dépassait à peine $74 par baril à la mi-décembre.

L’une des principales raisons de ce niveau plutôt bas des cours de l’or noir est le fait que l’offre pétrolière mondiale a continué à augmenter malgré les coupes de l’OPEP+. Et, si l’offre s’est accrue, c’est parce que certains pays producteurs ne faisant pas partie de l’OPEP+ ont augmenté leur production, ce qui a plus que compensé les coupes de l’alliance. Ces pays sont au nombre de cinq et ils sont tous sur le continent américain et au bord de l’Atlantique. Il s’agit des États-Unis, du Canada, du Brésil, du Guyana et de l’Argentine. Leur production devrait continuer à croître en 2025, ce qui contribuera à générer un excédent de l’offre pétrolière mondiale sur la demande et à exercer une pression baissière sur les prix. Lors de sa dernière réunion, le 5 décembre 2024, l’OPEP+ a dû repousser de quelques mois, voire de plusieurs mois, des hausses de production qui étaient prévues auparavant. À ce jour, cette coalition n’a pas trouvé de solution au problème que lui posent ces pays du bassin Atlantique.    

Notes

1- Les productions pétrolières et gazières prises en compte dans cette note sont les productions totales des pays autour de l’Atlantique et pas seulement leurs productions offshore (sous l’Atlantique, au large de leurs côtes).

2- Dans l’immense majorité des cas, un pays producteur de pétrole est aussi producteur de gaz naturel mais il existe quelques exceptions.

3- Voir notre Policy Brief publié le 15 novembre 2024 par le Policy Center for the New South : ‘’Les États-Unis : une superpuissance énergétique avec ou sans Donald Trump’’.

4- Le chiffre de 20,3 Mb/j cité pour les États-Unis ne porte pas seulement sur le pétrole brut mais sur la production de liquides. Cela inclut le brut mais aussi des liquides associés au gaz naturel. La source des chiffres de production pétrolière est l’Oil Market Report (OMR), publié par l’Agence internationale de l’énergie (AIE, www.iea.org).

5- Pour la production de gaz naturel, la source est la Statistical Review of World Energy, publiée en juin 2024 par The Energy Institute (Londres, www.energyinst.org).

6- Source : Oil & Gas Journal.

 

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