Publications /
Opinion

Back
Les points saillants du rapport Arcadia sur les matières premières africaines
Authors
Sabine Cessou
April 16, 2019

Le rapport Arcadia a été présenté le 9 avril à Paris par le Policy Center for the New South (PCNS) et le Cercle CyclOpe. Ce document de référence fait chaque année le point sur la conjoncture des matières premières africaines. “Elles restent essentielles, avec une forte dépendance pour nombre de pays et une gestion de la rente relativement problématique”, a affirmé en introduction Philippe Chalmin, président du Cercle CyclOpe.

Fortement exposées aux chocs extérieurs, les économies des neuf pays africains producteurs de pétrole ont accusé le coup, avec la chute de 70 % de la valeur du baril de pétrole Brent, entre 2014 et 2016. Le Tchad est passé d’une croissance de 6 % en 2015 à -6 % en 2016, et la Guinée Equatoriale a affiché une croissance negative de -9,7 % en 2016. La situation s’est redressée à partir de 2017, avec une hausse de l’ordre de 20 % des prix du pétrole, des métaux et des minerais.

Le pétrole et le gaz ne sont pas très importants en Afrique, avec 6 % à 7 % de la production mondiale et une consommation de 4 % à 5 % du total mondial. Mais le seul examen des chiffres ne suffit pas, précise Francis Perrin, Senior Fellow du PCNS : “Le potentiel du continent reste cependant sous-exploré ou sous-exploité. D’ici à 2022, plusieurs pays vont devenir producteurs et exportateurs, comme le Sénégal, l’Ouganda et le Kenya pour le pétrole, le Sénégal, la Mauritanie et la Tanzanie pour le gaz.”

Après une découverte offshore sur la côte sud de l’Afrique du Sud, Total n’a pas hésité à parler de “nouvelle province gazière et pétrolière, des mots qui ne sont pas passés inaperçus”, poursuit Francis Perrin. L’Algérie s’apprête de son côté à faire en 2019, pour la première fois, une exploration offshore en Méditerranée. A noter par ailleurs : la percée de Qatar Petroleum, une société nationale associée à des projets d’exploration au Mozambique avec Exxon Mobil et EMI, ainsi qu’à Total en Afrique du Sud, sans oublier d’autres explorations en République du Congo (Brazzaville) et au large des côtes atlantiques du Maroc.

L’année 2018 n’a pas été pas excellente non plus pour les minerais et métaux, en raison des tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine, a expliqué Yves Jégourel. L’imposition de taxes sur l’aluminium et l’acier par les Etats-Unis a surtout visé la Chine. Un impact indirect s’en est ressenti sur la croissance globale, en raison des incertitudes sur ces marchés de produits cotés.

La dynamique environnementale représente cependant des potentiels en termes de demande, avec la demande de véhicules électriques. De même, les industries recherchent un fer de meilleure qualité, même s’il est plus cher, afin de réduire l’usage du charbon à coke dans la fabrication de l’acier. La rupture d’un barrage au Brésil et un cyclone en Australie vont priver le marché du fer de 93 millions de tonnes en 2019, ce qui va renchérir les cours. Sur le plan structurel, les pays sont confrontés à des choix difficiles : soit exporter des minerais et métaux à faible valorisation mais dont les cours sont stables, soit les transformer, comme par exemple le bauxite en aluminium, et passer à un produit plus valorisé mais aussi plus risqué, en raison de cours plus volatiles.

Ce sont les pays plus fortement dépendants de leurs produits agricoles qui ont le mieux tiré leur épingle du jeu, l’Ethiopie et la Côte d’Ivoire affichant des taux de croissance supérieurs à 8 % - même si les cours du café et du cacao sont restés relativement bas. Les termes de l’échange s’avèrent par ailleurs plus stables dans les pays de l’UEMOA en Afrique de l’Ouest ne disposant pas de pétrole que dans les pays d’Afrique centrale. L’absence de filières de transformation des matières premières sur place reste une donnée persistante : 68 % de la production mondiale de cacao vient d'Afrique, mais seulement 1,3 % des exportations de chocolat. “Le principal problème de l’agriculture en Afrique n’est pas celui de la production mais de la productivité du travail, très inférieure aux autres régions du monde, et qui évolue de façon plus lente que partout ailleurs”, estime Jean-Christophe Debar, directeur de la Fondation pour l’Agriculture et la ruralité dans le monde (FARM). D’où la pauvreté des populations qui vivent de l’agriculture, l’insécurité alimentaire et le niveau élevé des prix des produits alimentaires, pour le pouvoir d’achat. En outre, l’impact environnemental est fort, avec une déforestation qui tient à une hausse de la production qui ne se fait pas de manière intensive mais extensive, en surfaces cultivées.

Enfin, la question de la gouvernance reste centrale, a rappelé Etienne Giros, président délégué du Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN). “Les économies de rente adaptent leur budget à l’année en fonction des cours des matières premières, ce qui alimente le clientélisme et la corruption”. La croissance non inclusive, peu créatrice d’emploi, dépend toujours trop des matières premières. La solution passe par leur transformation sur place, qui tarde à venir. “L’environnement et l’écosystème comptent, a souligné Etienne Giros. Quand il faut construire des routes, des écoles, un chemin de fer, une centrale électrique et des logements pour le personnel avant d’investir dans une usine, le prix de revient est majoré de 20 % à 30 %”. En cause, donc, le manque global de compétitivité en Afrique, un continent pénalisé par son déficit d’infrastructures et la faiblesse des Etats.

RELATED CONTENT

  • Authors
    Benjamin Augé
    October 29, 2019
    L’ Afrique de l’Est a le potentiel de connaître un boom gazier et d’ exportation de gaz naturel liquéfié (GNL) ces prochaines années grâce à plusieurs projets qui viennent d’être débloqués. Le Mozambique a ainsi sanctionné deux projets totalisant plus de 15 millions de tonnes par an (Mt/an) de gaz liquéfié et un troisième devrait être lancé d’ici la fin 2019. Un premier Floating Liquefied Natual Gas plant (FLNG) d’ ENI arrivera sur le marché en 2021-2022 et quatre autres trains de l ...
  • Authors
    Tharcisse Guedegbe
    September 27, 2019
    This paper is about the basic principles which should guide fertilizer policy for smallholder agriculture in sub-Saharan Africa It is not about detailed country-specific prescriptions on the “how” of policy. This important task should constitute the substance of detailed country studies. The overarching goal here is to use fertilizer to spearhead and sustain an African Green Revolution (GR). In this paper, fertilizer use is not considered as an end in itself, but as a necessary mean ...
  • Authors
    Christos Daoulas
    August 22, 2019
    This note approaches the relationship between natural wealth and economic growth, using the case of Sub-Sahara African economies as an illustration. Delving into recent World Bank reports, it highlights how a sustained positive correlation between natural capital and GDP growth happens through the transformation of the former into other forms of assets: produced capital, human capital and other intangible assets. Governance features and the quality of macroeconomic policies are of t ...
  • Authors
    Holger Hoff
    Sajed Aqel Alrahaife
    Rana El Hajj
    Kerstin Lohr
    Nadim Farajalla
    Kerstin Fritzsche
    Guy Jobbins
    Gül Özerol
    Robert Schultz
    Anne Ulrich
    May 13, 2019
    Adopting an integrated approach to the management and governance of natural resources including land, water and energy is seen as an effective way to improve the sphere of production while respecting the environment. Fatima Ezzahra Mengoub, economist at the Policy Center for the New South, was invited by Stockholm Environment Institute, alongside other prestigious research centers with expertise in environmental studies, to co-author this research paper and share her analysis of th ...
  • Authors
    Sabine Cessou
    April 16, 2019
    Le rapport Arcadia a été présenté le 9 avril à Paris par le Policy Center for the New South (PCNS) et le Cercle CyclOpe. Ce document de référence fait chaque année le point sur la conjoncture des matières premières africaines. “Elles restent essentielles, avec une forte dépendance pour nombre de pays et une gestion de la rente relativement problématique”, a affirmé en introduction Philippe Chalmin, président du Cercle CyclOpe. Fortement exposées aux chocs extérieurs, les économies ...
  • Authors
    Under the direction of
    Philippe Chalmin
    April 9, 2019
    Commodity prices were once again marked by significant volatility in 2017 and 2018. While there are many economic factors to explain this, politics were also present—trade tensions between China and the United States and, more generally, a rise in uncertainties—weighing upon the global macroeconomic outlook and the ‘dynamism of the markets’. Africa, which has countries with strong growth rates, has, however, been able to show solid economic performance, and this trajectory is not li ...
  • Authors
    Philippe Chalmin
    February 27, 2019
    Rarement, autant qu’en 2018, les marchés mondiaux de matières premières et de commodités auront été lle jouet non pas des tendances des « fondamentaux » (offre/demande et leur évolution), mais bien des convulsions d’une situation géopolitique mondiale qui, sous la houlette quelque peu déréglée des États-Unis de Donald Trump, a été particulièrement imprévisible. En effet, si 2018 restera dans les annales des marchés, c’est bien parce que les matières premières se sont retrouvées au p ...
  • Authors
    February 11, 2019
    Rentier state theory grew out of an attempt to understand political development in the oil-rich states of the Middle East. The framework has since been applied to understand the politics of resource-rich countries in Latin America, Asia and Africa, with proponents arguing that rentier states tend to suffer from poor governance because state officials use “unearned income” to avoid institution-building and to suppress calls for democracy. This Policy Brief will discuss whether a fram ...
  • Authors
    August 13, 2018
    Depuis la fin de l’année 2017, le président Donald Trump mène plusieurs batailles commerciales, contre différents partenaires, sous prétextes de sauver des emplois industriels américains et de réduire le déficit commercial des États-Unis. S’il est difficile de se prononcer sur les effets des combats commerciaux amorcés par le président Trump, l’importance des opposants et des échanges pour l’économie mondiale en fait une source de risque pour la croissance, les emplois et les prix à ...