Publications /
Opinion

Back
Cinq grandes tendances dans une Afrique en mutation
Authors
Sabine Cessou
May 17, 2019

Sur quelles contraintes faut-il anticiper lorsqu’on évoque la croissance de l’Afrique? Comment guider les décideurs politiques dans les priorités à définir pour piloter l’économie et arriver à bon port dans le monde qui vient?

Le séminaire organisé le 11 avril à Paris par le PCNS et le Centre de développement de l’OCDE a apporté des éléments de réponse. La discussion s’est ouverte en prenant appui sur le rapport de référence publié en 2018 par l’Union africaine et l’OCDE sur les “Dynamiques du développement en Afrique”, et dont la prochaine édition portera sur l’industrialisation et la transformation productive de l’Afrique. Arthur Minsat, un économiste de l’OCDE qui supervise l’édition de ce rapport, a ouvert les débats en identifiant les cinq grandes tendances cruciales pour l’avenir. Deux d’entre elles sont exogènes et trois endogènes.

Un commerce avec la Chine sans industrialisation

La diversification des partenariats de l’Afrique avec les pays émergents signale un rééquilibrage de la richesse. Le commerce avec la Chine a été multiplié par 20 en 20 ans, apportant des opportunités pour la construction d'infrastructures, « de manière efficace mais avec des risques en termes de maintenance, et peu d’impact sur les exportations. Ces échanges n’apportent pas de transformation productive ni d'industrialisation, car les matières premières exportées vers la Chine ne sont toujours pas transformées sur place en Afrique. »

Lire aussi : China’s Economic Statecraft in Africa, PCNS Policy Brief by Hisham Aidi, August 16, 2018.

Une industrialisation sans création massive d’emplois

L’industrialisation de l’Afrique, qui advient à un rythme plus lent que la croissance démographique, risque de ne pas se solder par une création massive d’emplois. « Le secteur manufacturier de l'Asie du Sud-Est tend à se délocaliser vers des pays tels que l'Ethiopie, mais l’automatisation des tâches va en croissant. « Près de 80 % des emplois attendus des investissements en Ethiopie dans le textile, le cuir et les chaînes agricoles sont à risque d'automatisation et risquent de ne pas être créés ».

Lire aussi : Les trajectoires incertaines de l’industrialisation, in Afrique Contemporaine, par Karim El Aynaoui et Mihoub Mezouaghi, 28 février 2019.

Pas de « dividende » démographique sans éducation

La troisième tendance lourde et transversale en Afrique porte sur la croissance démographique. La transition en cours dans la structure des pyramides d’âges (beaucoup de jeunes actifs, des taux de natalité et de mortalité qui baissent) porte la promesse d’un « dividende » qui n'est pas automatique, sans politiques publiques d’éducation. Or, les niveaux d'alphabétisation sont en retard sur d’autres régions du monde, de même que l'éducation des filles. En Afrique, l’essentiel des dépenses d’éducation sont portées par les parents d’élèves. « Il faut un effort massif d’éducation et agir sur les politiques de financement : 22 % du PIB est thésaurisé en Afrique, mais pas réinvesti dans les économies. Les taux d'intermédiérasitaion du système financier sont plus coûteux qu'ailleurs. Or, il faut créer des millions d’emplois, 29 millions de jeunes atteignant l'âge de 16 ans chaque année. » 

Lire aussi : The Education Puzzle, PCNS Opinion by Thomas Awazu Pereira da Silva, October 4, 2017.

Une urbanisation colossale, sans accès aux services de base

L’urbanisation en cours s’avère colossale. C’est la seconde plus rapide du monde après l'Asie. En 50 ans, l’Afrique est passée de 14 % à 40 % de population urbaine, une évolution que l’Europe a mis deux siècles à accomplir. « Les défis ne portent pas seulement sur la pollution de l’air, très élevée dans les villes, mais sur la conjonction de l'urbanisation, de l’assainissement et l’accès aux services de base ». 

Lire aussi : Future of African Cities Project: Rabat and Salé – Bridging the Gap, PCNS Policy Paper, by Nchimunya Hamukoma , Nicola Doyle , Archimedes Muzenda, November 29, 2018.

Un changement climatique qui impose l’énergie renouvelable

Les pays africains sont ceux qui polluent le moins dans le monde, mais qui sont les plus exposés au bouleversement climatique. Sécheresse et pluies diluviennes sont devenues des dangers. La moitié des villes de 1 à 5 millions d'habitants en Afrique se trouvent dans des zones de basse élévation avec des risques d'inondation à la saison des pluies. L'accès aux énergies renouvelables, devenu moins cher, fait de plus en plus sens en Afrique. « C’est la première opportunité dans l'histoire de l'humanité de voir l'industrialisation se faire avec une part d'énergies renouvelables ». 

A lire aussi : Climate Change and the Water-Energy- Food Nexus in the MENA Region, PCNS Policy Paper by Rabi H. Mohtar, November 13, 2017.  

RELATED CONTENT

  • Authors
    December 27, 2022
    En Afrique, le niveau de la vulnérabilité économique des pays reste élevé et représente un obstacle à la croissance économique et à la réduction de la pauvreté. Ce constat nous mène à étudier cette problématique pour un échantillon des pays africains les plus exposés aux chocs économiques. En effet, ce travail a pour objectif principal d’identifier les effets des composantes des deux indicateurs de vulnérabilité et de résilience économique sur le niveau de reve ...
  • December 8, 2022
    Cette étude concerne 33 États du continent africain où, en 2022, le % des détenteurs de cryptomonnaies de chaque pays, par rapport à sa population est au minimum de 1 %. À eux seuls, trois parmi ce groupe de pays, que sont l’Afrique du Sud, le Kenya et le Nigeria, totalisent plus de 333 millions de personnes, avec des pourcentages de leurs détenteurs de cryptomonnaies proches compris entre plus de 12 % en Afrique du Sud, plus de 11 % au Kenya et plus de 10 % au Nigeria. À l' ...
  • November 24, 2022
    This chapter was originally published in the book "Africa–Europe Cooperation and Digital Transformation", co-edited by Chux Daniels, Benedikt Erfoth, and Chloe Teevan Since the mid-2010s, North African countries have been pursuing what some observers have called a “return to Africa” (Dworkin, 2020). Egypt, Morocco, and Tunisia have attempted to position themselves as major components of Europe- Mediterranean-Africa infrastructure and supply chains corridors (Tanchum, 2020). The thr ...
  • Authors
    November 17, 2022
    This piece examines the role of labor and religious movements in the face of the “informalization” of the African economy. How does the growth of an informal sector set back class formation and labor activism? How will the rise of economic networks outside formal economic and political channels affect state capacity? Can labor unions develop organizational independence if the labor market is segmented with a growing number of informal workers? What happens when labor market “insider ...
  • November 4, 2022
    Panel 2: Les Communautés Economiques Régionales : Quel apport à la résilience africaine dans un contexte de chocs multidimensionnels ? Modérateur:            Abdelaaziz Aït Ali, Manager – Département d’économie, Policy Center for the New South   Intervenant.e.s : Nezha Alaoui M’hamm...
  • Authors
    October 28, 2022
    Le débat parlementaire sur la loi de Finances va bientôt entamer son cycle annuel. L'examen de la loi de Finances est un temps fort du débat budgétaire. Il est indéniable que la finalité de la représentation nationale est de promouvoir une logique d'efficacité des institutions du Royaume. Le débat déborde naturellement le cadre de travail des commissions et des séances publiques parlementaires pour irradier la presse, les acteurs économiques et sociaux et l'opinion publique. La diff ...
  • Authors
    October 18, 2022
     This publication was originally published in the IEMed Mediterranean Yearbook 2022   The informal sector plays a major role in most MENA economies. It employs a large share of the total population and, on average, accounts for about 22% of GDP. According to the International Labour Organization (ILO), which defines informal employment as the proportion of workers without access to social security, the share of informal employment in total employment in MENA countries ranges from ...