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Opinion
Experts du Nord et du Sud ont discuté de ce thème le 10 avril à Paris, lors de la 7ème édition de ses Dialogues stratégiques entre le Policy Center for the New South et le Centre HEC de géopolitique.
La politique étrangère de Donald Trump, centrée sur la devise « America First », répond surtout à des motivations de politique intérieure, a rappelé Pascal Chaigneau, directeur du Centre HEC de Géopolitique. Elle vise à sa réélection pour un second mandat, en posant les questions de relations internationales vues depuis les Etats-Unis en termes largement populistes.
Un affrontement paraît cependant « inévitable » entre la Chine et les Etats-Unis, car « les Chinois ne comprennent pas que l’Occident depuis le 17ème siècle les aient dominés, tandis que les Etats-Unis, hégémon naturel, se considèrent comme un Etat élu et ne peuvent pas accepter la prééminence chinoise ».
“Que Trump soit réélu ou non, le mal est fait”
La Chine est devenue un acteur « incontournable », a renchéri Henri-Louis Védie, avec des Etats-Unis qui n’ont plus la mainmise sur l’ordre mondial. La montée en puissance diplomatique de la Chine se poursuit, plus importante qu’on ne l’imagine. « Pékin compte déjà 134 partenaires dans sa nouvelle Route de la soie, et non 68 comme le dit la presse », a souligné Jacques Gravereau.
De son côté, l’administration Trump n’a rien inventé, souligne le chercheur Thierry Garcin, car elle s’inscrit dans une longue histoire de « mouvement de pendule entre le mutilatéralisme, c’est-à-dire le respect du droit international, le bilatéralisme, dans lequel le pays agit seul face aux dossiers majeurs, et l’isolationnisme, largement pratiqué par le passé avec la doctrine Monroe ». D’alliés, les Etats-Unis redeviennent les associés de l’Europe qu’ils étaient avant 1949. Ils créent un droit parallèle isolationniste qui leur permet d’entraver le multilatéralisme, notamment sur le climat, l’Iran et la Syrie. En menaçant de se retirer de l’OMC, ils promettent l’avènement d’une « nouvelle loi de la jungle », tout en adoptant un bilatéralisme interventionniste avec la Corée du Nord. Conclusion de Thierry Garcin : « Que Trump soit réélu ou non, le mal est fait ».
“Donald Trump ne pourra pas défaire la globalisation”
L’affaiblissement du multilatéralisme se traduit par une perte d’influence de la Banque mondiale et du FMI, a noté Otaviano Canuto, ancien directeur du FMI et Senior Fellow au PCNS. Le contexte global est à la montée des populismes, a souligné Alfredo Valladao, professeur à Science-Po Paris et Senior Fellow au PCNS. La puissance des réseaux sociaux induit une « ochlocratie, ou pouvoir de la multitude en grec, ce qui alimente le populisme ». En Méditerranée, le multilatéralisme reproduit les jeux de pouvoirs entre grandes puissances, estime Rachid El Houdaigui, Senior Fellow au PCNS, avec une intervention de l’OTAN en Libye qui a tourné « au désastre ».
Dans son "keynote speech", Pascal Lamy, ancien directeur général de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), s’est interrogé : « Que faire ? Aider les Américains à réformer le système ? Et si les Etats-Unis étaient tentés de le quitter ? Trump donne des signaux dans les deux directions... Si les Etats-Unis veulent vraiment quitter l’OMC, il faut que nous lancions le débat aux Etats-Unis sur les conséquences d’une telle décision, notamment en termes de protection de la propriété intellectuelle ». Quoi qu’il arrive, a conclu Pascal Lamy, Donald Trump « ne pourra pas défaire la globalisation ».