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Opinion
Le Maroc dispose d’un espace maritime stratégique grâce auquel il peut renforcer ses attributs de puissance. Cet atout géopolitique et économique doit être porté par une véritable ambition nationale maritime. Quels sont les défis sécuritaires à surmonter et quelles sont les opportunités qui s’offrent aux Maroc sur le plan géopolitique? Autant de questions qui interpellent pouvoirs publics et think thanks nationaux.
A ce titre, OCP Policy Center organise un Colloque sur la façade atlantique de l’Afrique, ce lundi 25 mai 2015. Cet événement réunira experts, chercheurs universitaires et doctorants pour débattre de la pertinence de cet espace géopolitique en construction.
La sécurité maritime nationale
L’espace maritime marocain est d’abord une source indispensable pour l’économie nationale. Outre le fait que 95% du commerce extérieur se fait par voie maritime, le potentiel halieutique, estimé à près de 1,5 million de tonnes par an, fait du Maroc un des plus grands producteurs de poisson dans le monde. La prospection pétrolière off-shore représente un secteur en émergence à fort potentiel de développement mais également de risque diplomatique. Ensuite, la sécurité énergétique du Maroc dépend largement des activités des services maritimes.
Des dispositifs et mécanismes nationaux assurent certes la mission de surveillance et de protection, mais le défi réside dans la localisation, l’identification et la hiérarchisation de nombreux facteurs de menaces et de risques. Il est certainement possible d’imaginer une typologie spécifique à l’espace maritime marocain :
- Conflits de délimitation maritime avec le voisinage, dont le risque est accentué après l’extension du plateau continental au-delà de 200 milles sur la côte atlantique. Le Maroc devrait accorder une attention soutenue aux demandes d’extension présentées respectivement par l’Espagne dans la région des Îles Canaries, le Portugal (incluant les îles Madères et Zaros) et la Mauritanie. Ces demandes pourraient créer une zone considérable où les revendications du plateau continental étendu se chevauchent et posent un problème de délimitation maritime ;
- Conséquences diplomatico-stratégiques imprévisibles de la découverte éventuelle du pétrole off-shore ;
- Les risques sécuritaires encourus porteraient sur les cibles mobiles, les zones fixes ainsi que sur la logistique.
- Le risque de pollution marine accidentelle ou volontaire.
La protection de l’espace maritime nécessite une veille stratégique basée sur la collecte, le partage et l’analyse des renseignements maritimes d’ordre géoéconomique et militaire. L’enjeu est d’exploiter les informations afin d’être en mesure de réagir par anticipation à une menace avérée.
La projection maritime dans la façade atlantique de l’Afrique
La projection maritime du Maroc en Méditerranée est confirmée, grâce à son engagement dans les instruments de coopération sécuritaire (dialogue méditerranéen de l’Otan, 5+5, volet sécuritaire de l’Euromed) et à sa participation au côté de l’Otan à l’opération maritime active endeavour.
La façade atlantique, de son côté, offre des opportunités stratégiques en termes de positionnement diplomatique. Le Maroc a tout intérêt à se projeter comme puissance structurante, un centre d’impulsion politique autour d’une communauté d’intérêt maritime à voies multiples :
- Partenariat économique: la façade afro-atlantique allant du Détroit de Gibraltar au Cap de bonne espérance réunit 23 pays riverains ;
- Solidarité engagée : la majorité de ces pays se heurtent à des facteurs de blocage structurels et conjoncturels ;
- Identité stratégique « afro-atlantique »: depuis 2010 une vision commune des enjeux et une institutionnalisation de l’espace semblent prendre forme à travers des mécanismes de coopération.
C’est dans cette perspective, d’ailleurs, que le Maroc a lancé la Conférence des États africains riverains de l'Atlantique, lancée à Rabat en août 2009 sur la base d’une déclaration politique. Cette initiative se heurte cependant à deux écueils : la méfiance des pays comme l’Afrique du Sud et le Nigeria à l’égard de l’initiative marocaine ; le coût financier d’un tel engagement sera bien élevé et immédiat même si le retour sur investissement est garanti à moyen et à long termes. Une des solutions possible est d’orienter la coopération triangulaire (Maroc-Asie-Afrique/ Maroc-Europe-Afrique/ Maroc-Etats Unis-Afrique) vers les domaines maritimes de l’espace afro-atlantique.
La valorisation stratégique de l’espace maritime national passe, par ailleurs, par l’approfondissement de la connaissance scientifique. Le Maroc devrait mettre en place une stratégie nationale de la recherche marine pour éviter que l’avenir ne soit hypothéqué par l’insuffisance de matière grise.