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Opinion
Récemment parue parmi la série de Policy Briefs publiés par OCP Policy Center, une étude réalisée conjointement par Prakash Loungani et Saurabh Mishra a mis l’accent sur la réaction du chômage et l’emploi par rapport à la croissance économique dans les pays du G-20. L’objectif est de quantifier l’apport d’un point supplémentaire de croissance sur l’évolution du taux d’emploi, et sur le taux du chômage sur la période 1980-2014.
Sur la période 1980-2007, les résultats indiquent que pour l’Afrique du Sud, seul pays du continent africain membre de G-20, la croissance économique a le plus d’impact sur le taux d’emploi. En effet, un point de pourcentage supplémentaire de croissance fait croître d’environ 0,75% le taux d’emploi. En revanche, cette relation est moins évidente pour le cas de la Chine. Cela s’explique par le fait que l’absorption du nombre relativement élevé des jeunes qui intègrent chaque année le marché du travail chinois nécessite une forte croissance (figure 1).
La différence de l’ampleur de la réaction de l’emploi au chômage d’un pays à l’autre au sein du G-20 est un constat naturel dès lors que chacun de ces pays adopte différentes réglementations de travail, affiche des coûts réels du travail différents, et a des structures productives différentes (Dopke, 2001).
La comparaison de l’intensité du lien emploi-croissance (et croissance-chômage) entre la période 1980-2007 et 1980-2014 permet de constater les variations survenues après la crise financière au niveau de ce lien dans les pays du G-20 (figure 4). Dans la plupart de ces pays, le lien n’a pas beaucoup évolué. Toutefois, l’Allemagne affiche une amélioration significative. En revanche, il fallait plus de croissance pour maintenir des taux d’emploi identiques à la période précédant la crise de 2008 en Allemagne, au Royaume-Uni et en Italie (figure 4).
Nous avons cherché à mesurer l’intensité du lien entre la croissance économique et le chômage au Maroc en faisant recours à une spécification en première différence (voir encadré). Pour ce faire, nous avons utilisé des données annuelles couvrant la période 1989-2014. La figure ci-dessous indique qu’un point additionnel de croissance engendre en moyenne une diminution du taux de chômage d’environ 0,15%. Il s’agit toutefois, d’un lien peu significatif qui reste bien inférieur à la moyenne des pays du G-20, mais comparable à celui constaté parmi les pays voisins.
Lien entre croissance et chômage entre 1998 et 2014
Source : calcul de l’auteur sur la base des données du haut-commissariat au plan, HCP
En utilisant un modèle cyclique, qui permet d’extraire l’impact de la conjoncture de nos variables d’intérêt (voir encadré), nous avons obtenu des résultats comparables à ceux présentés plus haut. Le recours au modèle cyclique nous a permis de démontrer qu’un point de croissance additionnel fait réduire le taux de chômage de 0.13%.
L’intensité du lien entre le chômage et la croissance économique au Maroc est similaire à celle de la plupart des pays de l’Afrique du nord (Moosa 2008 : Economic growth and unemployment in Arab countries : is Okun’s law valid ?). Par rapport au pays du G-20, où un point supplémentaire de croissance réduit le taux de chômage de 0.26% en moyenne, le lien entre la croissance et le chômage au Maroc n’est comparable qu’avec celui de la Russie et de l’Argentine (Prakash Loungani et Saurabh Mishra, 2015).
Une autre étude publiée par OCP Policy Center, utilisant un modèle à générations imbriquées, a démontré que le contenu en emploi de la croissance est faible au Maroc. En effet, cette étude indique que chaque point de croissance a créé 26 700 emplois au Maroc entre 2000 et 2013. Pour un taux de croissance moyen de 4,5%, cela correspond à la création d’environ 120 000 emplois annuellement.
Il est donc important d’approfondir la recherche pour mieux comprendre les raisons derrière cette faiblesse du lien entre la croissance et l’emploi.
La loi d’Okun : relation entre activité économique et dynamique du marché du travail
La loi d’Okun est une loi qui cherche à établir le lien statistique entre le taux de chômage et le taux de croissance. La logique derrière cette loi est très simple : il faut employer plus pour produire plus. De là, la corrélation entre la croissance et l’emploi est positive, alors qu’elle est négative entre la croissance et le chômage. Cette distinction entre l’emploi et chômage est nécessaire pour Okun puisque le taux de chômage ne se calcule qu’en rapport avec la population active, alors que le taux d’emploi considère l’ensemble de la population. Comme suggéré par Okun (1970), il y a deux différentes de spécifications de loi d’Okun : le modèle cyclique et le modèle en première différence. Pour la première approche, la relation d’Okun s’écrit comme suit :
(1)
Avec l’exposant c qui indique qu’il s’agit de la composante cyclique du taux de chômage (u) et du logarithme la production nationale réelle (y). Ces composantes cycliques sont obtenues en utilisant les techniques de filtrage des séries chronologiques, notamment le filtre d’Hodrick-Prescott (HP), qui permettent de calculer la déviation du taux de chômage et du logarithme de la production national réelle par rapport à leurs tendances respectives. En ce qui concerne le modèle en première différence, la relation d’Okun est la suivante :
(2)
β est le coefficient d'Okun. Il mesure la réaction du taux de chômage aux changements constatés au niveau de la production nationale réelle. |