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Opinion
La conférence internationale sur le climat « COP 21 » qui se tiendra à Paris du 30 Novembre au 11 décembre 2015 offre une occasion incontournable de s’interroger sur le « coût carbone » des industries de matières premières, notamment minérales. La question de l’impact de la filière de l’aluminium primaire sur les gaz à effet de serre (GES) mérite en particulier d’être posée, tant elle est importante.
On estimait en effet en 2008 que près de 1% des gaz à effet de serre émis dans le monde provenait de la filière aluminium. Comme évoqué dans l’OCP Policy Brief n°15/21 , il faut environ 4 tonnes de bauxite pour obtenir une tonne d’alumine qui, à son tour, sera transformée, via ce qu’il est convenu d’appeler le « smelting », en une tonne d’aluminium en lingot au travers d’un processus d’électrolyse. Celui-ci requiert une intensité énergétique d’environ 14.280 kWh par tonne d’aluminium, ce qui en fait une des industries les plus énergivores au monde. Et c’est bien ici que le bât blesse, car c’est au cours de cette opération d’électrolyse qu’une quantité importante de dioxyde de carbone et de perfluorocarbones (PFC) est émise. Ces gaz à effets de serre proviennent en effet principalement de l’utilisation de sources d’énergie fossiles pour produire l’électricité nécessaire à cette électrolyse, mais également de la combustion de l’anode que celle-ci implique. Dépendant d’un nombre important de variables et de la méthodologie retenue, une tonne d’aluminium peut ainsi conduire à émettre entre 8 tonnes à 21 tonnes d’équivalent carbone (tec). Quel que soit le chiffre retenu, il est considérable, mais ne peut avoir valeur que de repère tant les réalités diffèrent dans ce domaine, notamment entre pays producteurs. La raison en est simple : le « power mix » utilisé par les producteurs d’aluminium peut varier considérablement d’un pays à un autre. Selon les données de l’International Aluminium Institute (IAI), 82% de la production nord-américaine était, en 2014, basée sur de l’énergie hydroélectrique -qui ne dégage pas de dioxyde de carbone-, alors que la production de la Chine, plus grand producteur au monde est dépendante à 90% d’usines à charbon, fortement émettrices de gaz à effet de serre.
Reconnaissons-le : des efforts technologiques sans précédent ont été entrepris par l’industrie de l’aluminium primaire pour réduire son empreinte environnementale. Le raffinage de la bauxite a été amélioré, la stabilité du processus d’électrolyse mieux contrôlée, et les technologies anciennes dites « Söderberg » progressivement abandonnées au profit des technologies « Prebake », moins énergivores. L’industrie chinoise, qui a massivement investi en recherche et développement dans ce domaine est sans aucun doute la plus en pointe dans ce domaine avec une intensité énergétique la plus basse au monde, à 13459 kWh en moyenne. La volonté politique chinoise d’œuvrer en faveur de de « plus d’hydroélectricité » est également patente. Faut-il pour autant s’en satisfaire ? Rien n’est moins sûr. Les approches relatives font certes sens d’un point de vue économique, mais pas au regard des critères environnementaux car c’est bien la quantité totale d’équivalent carbone émis par l’industrie qui importe au final. Le secteur productif chinois a certes été largement rationnalisé, mais la très forte progression de la production chinoise qui, dans un contexte économique déprimé, ne peut plus être justifiée par le besoin de satisfaire la demande locale, se traduit depuis plusieurs mois par l’accumulation de surcapacités sur les marchés internationaux. Autant « d’aluminium inutile » qui résonne comme un non-sens environnemental. Gardons donc à l’esprit que chaque tonne d’aluminium primaire chinois en excès sur les marchés se paie, d’un point de vue environnemental au prix fort : celui du charbon.