Publications /
Opinion

Back
Atlantic Dialogues Emerging Leaders, première journée
Authors
December 11, 2017

La nouvelle cohorte des Atlantic Dialogues Emerging Leaders a convergé le 10 décembre à Marrakech, pour faire connaissance et suivre un programme spécial de deux jours, avant le début de la conférence de haut niveau Atlantic Dialogues (13-15 décembre).

Selectionnés sur dossier par le think tank marocain OCP Policy Center, ces 50 jeunes issus de 25 nationalités différentes, âgés de 23 à 35 ans, ont suivi ce 11 décembre, entre autres, un atelier sur les « Compétences et les métiers de demain » animé par le scientifique nigérian Ade Mabogunje, spécialiste du « design thinking procès » et directeur à l’Université de Stanford en Californie (Etats-Unis) et Martine Kappel, spécialiste danoise de la « réalisation personnelle », fondatrice de True North Leadership et installée aux Philippines, après avoir vécu de 2002 à 2017 au Kenya. 

Ade Mabogunje a commencé la session par un jeu, demandant aux Emerging Leaders de se placer comme ils voulaient – en cercle, ont-ils décidé – puis de dire leur prénom en l’accompagnant d’un geste, quel qu’il soit. Des rires et des prénoms ont donc fusé, dans une atmosphère décontractée, ponctuée par les remarques incisives d’Ade Mabogunje. Ce dernier refuse de se laisser décrire comme « Professeur », parce qu’il affirme « avoir tort dans 99 % des cas, en tant que scientifique ». 

« C’est important de jouer, mais nous tirons la chasse à l’école sur les instincts les plus créatifs – ensuite, nous prétendons avoir une économie ! », a-t-il notamment déclaré. « Quel continent a-t-il la jeunesse la plus nombreuse? L’Afrique ! Oui ! Elle a donc le plus fort potentiel, car les rêves des jeunes nourrissent et façonnent l’avenir. » Martine Kappel, elle, a rappelé qu’il est bon de rêver, mais encore meilleur de réaliser ses rêves – ce qui nécessite parfois de « rebooter son propre cerveau et de télécharger les bonnes applications ». 

Parmi les Emerging Leaders, certains ont remis en question ces affirmations. Eric Ntumba, banquier en RDC (voir interview ci-dessous), a fait remarquer que : « Les rêveurs pratiquent le wishful thinking, mais nous ne sommes pas au paradis, ce n’est pas réaliste de le penser. Le paradigme de la synergie me paraît le plus réaliste et le plus proche du paradis que nous puissions accomplir sur Terre : on peut faire grossir le gâteau et faire en sorte qu’il y en ait pour tout le monde ! » De son côté, Joana Ama Osei-Tutu, directrice du Women Peace and Security Institute au Ghana, une organisation qui dépend du Kofi Annan International Peacekeeping Training Centre, a également rappelé les dures réalités de l’environnement africain : « Même quand vous êtes un rêveur ou une personne auto-réalisée, lorsque vous opérez dans un environnement qui ne vous reconnaît pas pour des raisons qui s’avèrent hors de votre contrôle, comment faire en sorte qu’un espace existe pour des idées nouvelles ? Il est possible de créer une petite niche et de donner un peu d’espoir, en accomplissant quelque chose susceptible d’avoir un impact.»  

Ade Mabogunje n’a pas manqué de rebondir sur des notes positives, en alimentant le débat avec des réflexions à la fois courtes et pertinentes : « Le Japon n’a pas décidé de battre les Etats-Unis, il s’avère qu’il travaille mieux en équipe que les Américains ! En Afrique, nous avons l’Ubuntu, et l’on me demande de l’enseigner à la Sillicon Valley. Dans les systèmes basés sur des valeurs ayant trait à la « supériorité », nous n’apprenons pas à travailler en équipe et à supprimer l’égo. Un exemple : c’est lorsque que le département d’ingénierie mécanique a décidé de fusionner avec le département des beaux-arts à Stanford, à l’époque des hippies, que l’on a pu penser à ce qui est ensuite devenu la Sillicon Valley… » 

Atlantic Dialogues Emerging Leaders 2017

PCNS

Eric Ntumba
« Changer la donne en Afrique, telle est la mission de ma génération »

Ce jeune professionnel est venu de Kinshasa, en République démocratique du Congo (RDC), où il est banquier, pour rejoindre cette année le réseau des Atlantic Dialogues Emerging Leaders (ADEL). Eric Ntumba, 35 ans, a fait son école primaire et son cycle d’études secondaires à Kinshasa, puis à l’Université du North-West en Afrique du Sud, avant de rejoindre l’Ecole nationale de l’administration (ENA) en France, membre de la promotion 2009 dénommée « Willy Brandt ». Il est l’un des 50 jeunes professionnels de 25 nationalités différentes à avoir été sélectionnés cette année par l’OCP Policy Center sur dossier, pour suivre deux journées de programme spécial avant le début de la conférence Atlantic Dialogues, du 13 au 15 décembre à Marrakech. 

Q’est-ce qui vous a incité à postuler au programme ADEL ?

Le dialogue intergénérationnel m’intéresse, pour réfléchir aux grands enjeux globaux auxquels l’Afrique est confrontée. J’ai fait partie du programme des Young African Leaders du président des Etats-Unis Barack Obama en 2014, ainsi que des Young Leaders Africa France en octobre dernier. Ici, la dimension Atlantique et inter-continentale rend les échanges à cette échelle très intéressants. 

En tant que banquier, quelle est votre vision de l’économie de votre pays ?

Le secteur privé se résume à des industries extractives contrôlées par des opérateurs étrangers. Il n’y a pas de capital congolais à proprement parler. Ce qui pose un vrai problème pour les startups, qui ne peuvent pas compter sur des business angels pour les encadrer et les financer. Les jeunes entrepreneurs dépendentde la bienveillance de fonds internationaux qui suivent leur propre agenda. L’essentiel du business en RDC porte sur la consommation. Or, nous importons quasiment tout. Les activités bancaires et du secteur des télécom ont décollé, mais elles restent marginales dans l’économie, même par rapport à des économies de taille moyenne telles que le Kenya ou la Côte d’Ivoire – je ne parle même pas de l’Afrique du Sud ou du Maroc ! 

Pourquoi l’investissement et la diaspora font-ils partie de l’intitulé de vos fonctions de banquier ?

L’apport que représente les transferts d’argent des migrants est documenté. Dans certains pays d’Afrique de l’Ouest, il dépasse 10 % du PIB comme au Sénégal, au Cap-Vert ou au Mali. Dans le cas de la RDC, les sommes transférées sont encore plus importantes : 9 milliards de dollars par an, pour un PIB de 40 milliards ! Nous avons 26 provinces, et il faudrait à mon sens considérer la diaspora comme une 27ème province, permettre la binationalité pour que les membres de la diaspora puissent élire et être élus, mais aussi investir en RDC. Cette diaspora représente notre vivier peut-être le plus qualifié. Malheureusement, le mouvement « repat » qui s’est manifesté après les élections de 2006 – et dont je fais moi-même partie - lorsqu’on a cru au renouveau démocratique et au réveil économiuqe, est aujourd’hui menacé par la crise politique et économique dans mon pays. 

Quel est votre rêve ? 
Devenir président de la RDC et apporter un développement inclusif, pour faire que le potentiel énorme de ce pays se transforme enfin en puissance. Mon rêve est que chaque enfant congolais puisse réaliser le sien ! Je rêve aussi de faire de la politique différemment, hors du cadre classique des partis. D’où ma participation à un projet alternatif, qui se trouve en préparation avec de jeunes cadres qui ont été exposés à des pratiques et des exigences des secteurs public et privés à l’étranger, et qui voudraient insuffler ce niveau d’exigence dans la sphère politique de la RDC. 

Une révolution bourgeoise va-t-elle advenir en Afrique, où de plus en plus d’hommes d’affaires veulent gérer les affaires publiques, comme le Président Patrice Talon au Bénin ou l’opposant Moïse Katumbi en RDC ? 
Cette révolution me paraît souhaitable, car avant de redistribuer de la richesse, il va tout simplement falloir la créer. Encore faut-il que les hommes d’affaires qui arrivent au pouvoir soient vertueux et portent un idéal de redistribution plus équitable. De plus en plus, nous avons la masse critique d’acteurs qui pourra opérer cette transition et ce changement. Il faut juste qu’elle accède aux commandes, par le biais d’un levier… Kinshasa fait preuve d’une énergie créative puissante, mais il ne sert à rien de dire à l’enfant de Rutshuru, dans le Nord-Kivu, que sa région est riche, si lui-même n’en profite pas. Passons de la parole aux actes. J’ai fait mienne la phrase de Frantz Fanon : « Chaque génération, dans une opacité relative, doit réussir à définir quelle est sa mission, et soit l’accomplir ou la trahir. » Changer la donne sur le continent et dans mon pays, telle est la mission de ma génération.
 

  • Authors
    August 15, 2018
    “I DO NOT BELIEVE IN ISIS. I JUST WANT TO GO HOME” It was a cage. A size large enough to transport six sheep to the market. The cage was made out of wood, possibly the local carpenter was praised for his work by the President of the court.  Wood is difficult to find these days, wood to resist the fury of a human being, forced to stand in the cage and listen to the verdict for his or her crime -- death by hanging, or life in prison. The woman standing in the cage on one of these hot ...
  • Authors
    August 15, 2018
    Suite à l'élection en août 2017 de João Lourenço en tant que président à la place de José Eduardo Dos Santos, qui a dirigé l’Angola pendant trente-huit ans, le pays connaît une dynamique de rupture ainsi qu’un mouvement massif de mises à l’écart des proches du clan de l’ancien président. La période écoulée reflète une transition et non une véritable alternance, tant il est vrai que les structures étatiques et la société civile restent, dans l’ensemble, dominées par l’influence du Mo ...
  • Authors
    Malik Abaddi
    August 8, 2018
    The African Union goes to Mauritania Under the theme “Winning the Fight Against Corruption”, the 31st Summit of the African Union was held in early July in the desert capital Nouakchott. In a bitter prelude in late June, the AU’s commitment to this central theme was dealt a blow with the sudden – and public – resignation of Ghana’s Daniel Batidam from the AU Advisory Board on Corruption. Off to a rocky start, the summit had an even rougher road ahead of it.  A month before the lau ...
  • Authors
    August 6, 2018
    Africa, preeminent recipient of Chinese aid, has benefited greatly from Chinese low-rate loans, infrastructure projects and trade relations. Consequently, these massive investments cause analysts to question whether this Chinese expansionism constitutes a new form of colonialism. The author examines the different economic intervention tools of Beijing, the Chinese capital’s economic engagement in the continent, and the long-term strategy of China in Africa. He also addresses approv ...
  • Authors
    August 1, 2018
    Dans cette minutieuse analyse des relations entre les pays du Maghreb et l’Inde, pays/continent, désormais classé au rang de 7ème puissance économique mondiale, appel est fait à plusieurs disciplines. De la politique, aux relations internationales, à l’économie et au commerce, en passant par l’histoire. Le résultat est ce tableau de bord/panorama qui renseigne à la fois sur les atouts dont dispose chacun des partenaires mais, aussi, sur les désaccords qui se font jour entre ces dern ...
  • August 1, 2018
    “This article has been originally published in 'Morocco in Focus 2018,' the magazine of the Moroccan Embassy in New Delhi, India on the occasion of the Morocco National Day 2018.” Introduction In an article published last year, the author stressed the role of partnership between Morocco and India for the inclusive growth of small farmers. There is no doubt that agriculture remains a major instrument for human development both in India and in Africa. Several international reports h ...
  • Authors
    Tristan Coloma
    Benjamin Augé
    July 27, 2018
    Arrivé au pouvoir le 2 avril 2018, le premier ministre Ethiopien Abiy Ahmed Ali, issu de la majorité oromo, a été imposé à une minorité tigréenne ayant cadenassé les postes à la tête de l'Etat, depuis la domination politique de la coalition de l'Ethiopian Peoples' Revolutionary Democratic Front (EPRDF) en 1991. Chef de l'Oromia Urban Development and Housing Bureau en charge des programmes de construction dans sa région, ainsi que vice-président de cette région peuplée de plus de 30 ...
  • Authors
    Sabine Cessou
    July 20, 2018
    Lors d’un séminaire, organisé par l’OCP Policy Center, le 20 juin 2018, à Rabat, des experts du jihad dans le Sahel se sont posé la question de l’extension ou du recul de ces groupes armés. La première partie du compte-rendu des discussions a été publiée ici. Selon Lemine Ould Salem, journaliste mauritanien et auteur de plusieurs livres sur le terrorisme dans le Sahel, « il n’existe pas historiquement de jihad sahélien, même si des épisodes historiques du jihad se sont déroulés sur ...
  • Authors
    François Gaulme
    July 20, 2018
    This paper aims to highlight both the financial, economic and political adjustment cycle, affecting two Central African petro-states, Gabon and the Republic of Congo (Congo-Brazzaville). These two countries, linked by their rentier economic system and their common colonial history, have nevertheless experienced different political fates after independence, with the former maintaining a special relationship with France, while the latter quickly opted for Marxism. In the 1980s and 199 ...
  • Authors
    July 19, 2018
    Recep Tayyip Erdogan was humming and he had reason to feel joyful. His people had entrusted him with reforming their constitution, which would give him more power, incredible power. Possibly, he could realize his dream after all, the revival of the Ottoman Empire. Such Turkish power last seen in the era of Osman I at the end of the 13th century in northern Anatolia. A neo-Ottoman, is it a vision of a megalomaniac? Would Saudi Arabia ever be willing to be ruled by a Turk? A Turk who ...