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Opinion
Le Prix Nobel 2020 des Sciences économiques, décerné à Robert B.Wilson et Paul Milgrom, pour leur contribution à « l'amélioration de la théorie des enchères et les inventions de nouveaux formats d'enchère », était tout, sauf une surprise. Wilson a eu comme étudiants en Doctorat, non seulement Milgrom, mais aussi Roth et Holmström, nobélisés respectivement en 2012 et 2016; et Milgrom a partagé de nombreux travaux avec Holmström.
Cette double nomination confirme l'intérêt, non démenti ces dernières décennies, du jury Nobel pour la théorie des jeux, dès l'instant où cela se traduit par des applications concrètes, comme c'est le cas avec Wilson et Milgrom.
Si en 2019, le Jury avait tenu à saluer la qualité de travaux empiriques, en 2020 il retrouve une longue tradition, celle de saluer l'usage des mathématiques à travers des modèles permettant de proposer une nouvelle lecture de la théorie des enchères, avec des applications très concrètes.
A / Les enchères, versus théorie des jeux
Les enchères, la vente aux enchères, est une pratique ancestrale remontant, selon certains, à plus de deux milles ans et au temps d'Hérodote. Elles ont toujours été l'expression d'un marché particulier, avec une offre individualisée que se disputent un certain nombre de demandeurs, ceux que l'on appellera par la suite les soumissionnaires, ou enchérisseurs. Le marché est alors conclu au plus offrant, celui qui propose le prix le plus élevé. C'est un marché qui trouve toujours un acheteur, ce qui est un avantage pour des matières premières périssables, comme le poisson ou les fleurs. Au cours du vingtième siècle, elles sont la pratique courante du marché de l'art sous l'autorité des commissaires-priseurs, du marché du poisson dans le cadre d'une criée, du marché des fleurs dans le cadre d'un cadran etc. Depuis les années 50, cette pratique va se généraliser aux marchés publics de toute nature. Désormais, on parle de théorie des enchères, prenant en compte les derniers outils de la science économique, plus particulièrement ceux que propose la théorie des jeux. La première approche conceptuelle de ce marché est donc récente, remontant aux travaux de Lawrence Friedman de 1956.William Vickrey, à partir de la théorie des jeux, va prolonger les travaux de L. Friedman. Tous deux peuvent être considérés comme les précurseurs de la théorie des enchères.
La contribution de L. Friedman
L.Friedman en propose une première modélisation, très simplifiée des enchères, réalisée à l'occasion de l'attribution de droits de forage pétroliers dans le Golfe du Mexique à des entreprises privées, en 1955. Le processus d'attribution retenu est celui d'enchère au premier prix sous pli fermé, avec des offres qui ne sont pas rendues publiques, à l'exception de la plus élevée qui remporte le marché.
A partir de cette enchère, Friedman va comparer l'évaluation personnelle « v » d'un enchérisseur au prix « b » que cet enrichisseur est prêt à payer. La probabilité que l'enchérisseur remporte l'enchère au prix b / P(b)/ permet de calculer ce qu'il appelle l'espérance de gain E(g), E(g) étant égal à : (v-b) P(b). Encore faut-il calculer P(b). Friedman va faire, alors, l'hypothèse de son estimation à partir de l'analyse statistique d'enchères antérieures. On peut alors maximiser cette espérance de gain, qui est égale à (v-b).P(b). Cette méthode va être largement utilisée, de plus en plus sophistiquée. Pour autant, elle repose sur une hypothèse réductrice, celle de concurrents sans stratégie, où leurs futurs comportements d'enchérisseurs sont analysés à partir de leurs comportements observés lors d'enchères antérieures. Ce qui conduit Jean Jacques Laffont à qualifier cette méthode de naïve et simpliste. Ce qui est certain, aujourd'hui, c'est que la conclusion d'une enchère prend en compte toutes les informations du moment, y compris celles de dernière minute qui entourent cette enchère. Et dans le cas des droits de forage pétroliers, elles peuvent évoluer de minute en minute.
L'enchère de Vickrey
En 1961,Vickrey part d'un autre constat. Celui d'un enchérisseur qui s'interroge sur le comportement des autres enchérisseurs en réponse à son offre, avant d'officialiser la sienne, les autres enchérisseurs faisant individuellement le même raisonnement. C'est ce qu'on appelle conjecturer une situation, le conduisant à s'appuyer sur la théorie des jeux pour définir la meilleure stratégie possible. Théorie des jeux qui permet d'analyser l'interaction d'acteurs stratégiques tenant compte de ces anticipations croisées réciproques. A partir de ce qu'on appelle l'équilibre de Nash baysien/, celui d'un marché où l'information est incomplète, mais où chaque joueur prévoit correctement le choix des autres/il en conclut qu'il est possible d'émettre une conjecture sur la façon dont les enchérisseurs rationnels déterminent leur offre lors d'une enchère. Les travaux de Vickrey vont aboutir à ce que l'on va, par la suite, appeler l'«enchère de Vickrey» ou, encore, enchère au second prix. Dans cette hypothèse, celui qui gagne l'enchère, donc celui qui a l'offre la plus forte, va payer le prix correspondant à la seconde meilleure offre. Ce qu'il explique d'une autre façon, rappelant que quoi que fassent les autres joueurs, un enchérisseur a toujours intérêt à faire une offre d'un montant égal à son évaluation, et ce pour les raisons suivantes :
*En proposant un prix inférieur à sa propre évaluation, il diminue ses chances d'emporter l'enchère, sans pour autant que cela lui garantisse une augmentation de son gain en cas de succès, le prix à payer au final n’étant pas dépendant du prix annoncé.
*En proposant un prix supérieur à sa propre évaluation, il augmente certes ses chances de succès dans l'enchère, mais prend le risque, en payant plus que sa propre estimation, de vérifier « la malédiction du gagnant », transformant une espérance de gain en perte.
C'est, pourquoi, dans le cadre d'une enchère d'un seul bien, indivisible, en proposant une offre d'un montant égal à sa propre évaluation, l'enchérisseur est garant, en cas de succès, d'obtenir un gain supérieur aux autres stratégies, quelles que soient celles adoptées par les autres enchérisseurs. Vickrey obtiendra le Prix Nobel des Sciences économiques en 1996, partagé avec James Mirless, non pas pour cette contribution, mais pour celles concernant la théorie économique des incitations en asymétrie d'information. Ce qui fait de R.Wilson et de P. Milgrom les premiers nobélisés de la Théorie des enchères.
B/ Wilson et Milgrom : nouveaux gourous mondiaux de la théorie des enchères
Les enchères ont connu, au cours de ces dernières décennies, de nombreux développements. Tout d'abord du fait de l'utilisation généralisée de la théorie des jeux et, ensuite, de l'extension régulière de son champ d'application. En effet, on est bien au-delà aujourd'hui, par exemple, de ce qu'était sa référence historique, celle d'une pratique réservée aux gouvernements lors de l'adjudication de bons du trésor pour financer leur endettement ou, encore, de celles pratiquées sur le marché de l'art, dans les salles des ventes, sous l'autorité d'un commissaire-priseur veillant à en faire respecter les règles.
Aujourd’hui, cette théorisation a largement recours aux mathématiques et à la formalisation mathématique. Ce qui rend sa vulgarisation pour le moins complexe. C'est, pourquoi, nous nous limiterons ici à rappeler les fondamentaux de l’approche des deux lauréats pour, ensuite, présenter le système d'enchère innovant qu'ils ont proposé, dans le cadre de l'attribution, aux Etats-Unis en 1993, de bandes de radiofréquence dans différentes zones géographiques du territoire.
Le point de départ est de rappeler qu'ici les joueurs sont, d'un côté, le vendeur et, de l'autre, les acheteurs, appelés encore soumissionnaires. Vendeur et soumissionnaires ont des intérêts différents /le vendeur cherche à obtenir de l'enchère le prix le plus élevé, les soumissionnaires le prix le plus bas/. Ils ne partagent pas davantage l'information, bien au contraire les asymétries de l'information sont la règle. Deux questions sont alors posées : celle ayant trait à son format, à ses règles, et celle ayant trait à l'information.
Un format et des règles à respecter
*Concernant le format, ou, encore, les règles qui doivent être appliquées sur ce marché,
les deux lauréats rappellent celles existantes pour en montrer les faiblesses et proposer de nouveaux formats et de nouvelles règles. Parmi les enchères alors le plus souvent pratiquées : celle dite à l'anglaise et celle dite à la hollandaise.
Avec les enchères à l'anglaise, le prix qui emporte le marché est atteint lorsqu'il n'y a plus de
surenchérisseurs, c'est le prix de la dernière surenchère. Précisons que ces enchères sont publiques et concernent souvent le marché de l'art et des salles des ventes, sous l'autorité d'un commissaire-priseur qui veille comme rappelé à leur bon déroulement. Avec l'enchère hollandaise, sous pli fermé, les enchères ne sont plus publiques, les enchérisseurs ne se connaissent pas, et on ne connait pas davantage le montant des différents plis, à l'exception de celui du gagnant. Elle peut se décliner au meilleur prix ou, depuis Vickrey, au second prix. Au meilleur prix, on revient à l'enchère à l'anglaise sauf qu'on ne se situe pas dans le cadre d'enchères publiques ouvertes. Au second prix, celui qui a l'enchère la plus élevée, bénéficie d'un avantage, celui de n'avoir à payer que le prix de la seconde meilleure offre, nécessairement inférieure à sa proposition. Wilson et Milgrom vont mettre en évidence des faiblesses importantes dans ces enchères traditionnelles :
- Milgrom, en démontrant qu'un maximum de transparence optimise les intérêts des deux parties, permettant un prix gagnant/gagnant pour le vendeur et le soumissionnaire. En étant mieux informé, l'enchérisseur pourra faire des enchères plus élevées qu'il n'aurait faites, justifiées par des informations auxquelles il n'avait pas accès. Ce qui bénéficie également au vendeur. Cette contribution va se traduire sur le marché de l'art, chez Sothebys's, par exemple, par la mise à disposition de catalogues de plus en plus luxueux et coûteux, avec des descriptifs d'expert de plus en plus précis, permettant davantage de transparence et, donc, de concurrence, dans l'intérêt des deux parties, comme le disait Milgrom.
- Wilson, en rappelant que les enchères peuvent aussi s'appliquer à des lots et faciliter l'allocation optimale des ressources, remet en cause le principe de linéarité des prix au profit de forfaits illimités pratiqués dans la téléphonie, de prix par paliers en fonction de la taille des lots, de la tarification différenciée/yield management/ que l'on retrouve dans certaines tarifications de transport etc...
Wilson et Milgrom vont également montrer que ces enchères traditionnelles vont aussi souvent se traduire par « the winner's curse », la malédiction du gagnant. Pour eux, cette malédiction s'inscrit tout naturellement dans la logique d'enchères ascendantes, hollandaises ou sous pli fermé, qui ne donne pas immédiatement d'informations sur les montants proposés par les enchérisseurs non retenus. Avec ce système, le gagnant est en droit de se poser la question pourquoi n'a-t-on pas renchéri sur son offre. Et la première réponse qui vient à l'esprit est celle d'une offre disproportionnée par rapport à l'objet de l'enchère et de sa valeur marchande. En d'autres termes, si le gagnant de l'enchère pense avoir fait une bonne affaire, ce n'est pas ce que pensent les soumissionnaires ne l'ayant pas suivie. C'est peut-être ce qu'a pensé TFI, en 2004, lors de l'attribution des droits du football français à Canal+, pour un montant considéré astronomique à l'époque de 600 millions d'euros. TFI, dont le pli remis n'était que de 300 millions d'euros. Cette différence d'appréciation peut s'expliquer par les asymétries d'informations qui les entourent, mais aussi par des différences de perception de la valeur réelle de l'enchère.
L'information au cœur du processus d'adjudication
Que faut-il entendre par « information » ? On en retiendra ici une approche duale : celle qui a trait aux asymétries de l'information, d'une part, et celle qui concerne la valeur de l'enchère, d'autre part.
Dans les enchères, l'asymétrie de l'information est la règle. Et c'est parce qu'il y a asymétrie de l'information qu'il y a adjudication.
Imaginons, en effet, hypothèse d'école, que chaque soumissionnaire dispose de la même information, l'adjudication devient problématique si on considère qu'elle se réalise à partir de la seule valeur estimée de l'enchère, tous les soumissionnaires proposant la même offre. Le recours aux enchères ascendantes au plus offrant permet de résoudre ce problème. Se pose, alors, une autre question, celle de s'interroger sur la ou les raisons qui font qu'on aille au-delà de cette enchère, acceptant de surenchérir à un prix considéré comme le juste prix, fruit d'une information totalement partagée. La réponse à cette interrogation tient à l'existence d'une valeur personnelle, attribuée à cette enchère par chaque soumissionnaire, qui diffère totalement dans son approche de la valeur d'estimation.
En effet, cette valeur personnelle est une valeur individualisée, propre à chaque
soumissionnaire selon des critères qui lui sont personnels. A la différence de la valeur partagée et admise par tous les participants à l'enchère, se confondant par exemple avec l'estimation, dans le cadre du marché de l'art, donnée par le commissaire-priseur, la valeur personnelle n'est, bien sûr, pas partagée et n'a pas vocation à l'être. Il y a autant de valeurs personnelles qu'il y a de participants à l'enchère, ce qui permet d'expliquer pourquoi toute enchère doit trouver acquéreur.
C/ Une première et une réussite : la vente simultanée à plusieurs tours / SMRA
Au début des années 90, la Commission fédérale des communications américaines, ayant en charge la régulation des télécommunications et du contenu des émissions de radio et de télévision, est confrontée à l'explosion de la demande de licences d'utilisation du spectre électromagnétique à usage personnel
* La vente aux enchères d'ondes hertziennes aux Etats-Unis en 1993
Cela concernait l'attribution de nombreuses licences, avec une couverture géographique très large, celle du territoire américain, et des plages de fréquence différentes. Les attributions précédentes avaient donné lieu souvent à un tirage au sort ou faisaient l'objet d'auditions longues, incertaines qui n'étaient pas le meilleur garant d'une efficacité économique optimum, voire d'une impartialité que l'on est en droit d'attendre en pareilles circonstances. Enfin, ces attributions étaient d'un très faible rapport pour le Trésor américain. Devant l'urgence de la situation, et pour les raisons rappelées, il fut alors décidé par les autorités américaines d'oublier les enchères traditionnelles et de réfléchir à de nouvelles techniques d'enchères, à partir d'un impératif concurrentiel, optimisant les recettes obtenues dans le cadre de ces attributions, garantissant une bonne qualité de services pour le consommateur répondant à un cahier des charges complexe/couverture géographique large, nombreuses plages de fréquence par exemple / sélectionnant les enchérisseurs les plus intéressés par ce marché. C'est, ainsi, que fut fait appel aux universitaires reconnus pour leur expertise sur ce sujet, dont nos deux nobélisés, qui vont être amenés à proposer une nouvelle enchère, celle dite de la vente simultanée à plusieurs tours ou SMRA.
*Le SMRA: un succès qui va se répéter et s'amplifier
Un principe général : pour poursuivre l'enchère, le soumissionnaire doit avoir une offre crédible répondant au cahier des charges, pour au moins un lot ou un des objets concernés par l'enchère. On commence les enchères à un prix bas et on les répète jusqu'à ce qu'il n'y ait plus
de surenchère possible sur aucun des lots. Ce qui permet d'éviter que ne se produise la malédiction du gagnant. Cela peut donner lieu à plusieurs dizaines de tours ou séances d'appel d'offre. A chaque tour est désigné un vainqueur provisoire pour chaque lot ou chaque objet, qui peut changer au tour suivant. Lorsque toutes les enchères sont couvertes, ne donnant donc plus lieu à surenchérissement, le ou les vainqueurs provisoires du dernier tour se voi(en)t attribuer le ou l'ensemble du ou des lots. Pour l'enchérisseur, dans le cas des ondes hertziennes, la valeur d'une licence individuelle dépend pour beaucoup de sa capacité à s'agréger à d'autres licences, au niveau d'un territoire, par exemple. Et pour éviter que l'enchérisseur ne fasse une offre sur une licence déjà agrégée à une autre cohorte, le principe d'offres simultanées a été privilégié. Enfin, pour éviter un risque de collusion entre enchérisseurs, on a retenu le principe d'enchères aveugles où n'apparait pas le nom des enchérisseurs. Appliquée aux enchères d'ondes hertziennes, en juillet 1994, après 47 tours successifs d'appels d'offre, elle a permis d'attribuer 10 licences pour un total de 617 millions d'euros, licences qui avaient été, en d'autres circonstances, attribuées quasi gratuitement. Le SMRA montra, ainsi, son efficacité et sera appliqué, toujours dans l'attribution d'ondes hertziennes, avec le même succès en Inde, au Canada, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Espagne…et utilisé par la suite dans la vente d'électricité et de gaz naturel.
Une nomination qui ne surprend donc pas. On peut même s'étonner qu'elle ait tardé. En n'y associant pas J.Roberts, avec lequel P.Milgrom a beaucoup co-écrit, les Nobel ont sans doute voulu privilégier, cette fois, la théorie des enchères et non la théorie des jeux déjà nobélisée à plusieurs reprises, ces dernières décennies. Dommage pour Roberts.
Encadré I -Robert B.Wilson : le maître de trois Prix Nobel La carrière de R.B Wilson, né le 16 mai 1937 à Geneva, au Nebraska, débute comme étudiant à l'Université Harvard, avec un AB degree en lettres (1959), suivi d'un MBA en administration des affaires (1961) et d'un doctorat, toujours en administration des affaires en 1963. Après un cours passage à Los Angeles, il commence alors, en 1964, une carrière d'enseignant à l'Université de Stanford. Carrière qu'il termine, en 2004, Professeur émérite. Entre temps, il a été nommé en 1981 membre de l'Académie américaine des arts et des sciences, et membre de l'Académie américaine des Sciences en 1994. Docteur honoris causa en économie de la Norwegian School of Economics and Business Administration, en 1986, et en droit de l'Université de Chicago en 1995. Il est le lauréat, en 2014, d'un Golden Goose Award pour ses travaux sur les enchères. En 2015, il reçoit la BBVA Foundation Frontiers of Knowledge Adward pour ses « contributions pionnières à l'analyse des interactions stratégiques lorsque les agents économiques ont des informations limitées et différentes sur leur environnement ». En 2018, avec deux de ses collègues, David M.Kreeps et Paul Milgrom, il partage le Prix John j. Carty, pour l'avancement de la science, décerné par l'Académie nationale des Sciences des Etats-Unis. Ses recherches et son enseignement concernent le marché et son fonctionnement, la fixation des prix, l'organisation industrielle et l'économie de l'information. Expert reconnu de la théorie des jeux, plus particulièrement des jeux non coopératifs, il ne se contente pas d'une approche théorique, mettant en évidence l'utilité de ses applications dans de nombreux domaines et secteurs d'activité. A titre d'exemple, on rappellera, bien sûr, sa contribution à la théorie des enchères mais, aussi, celles sur les conditions et les stratégies de la mise en concurrence dans les secteurs pétrolier, de la communication et de l'énergie etc. De même, ses recherches sur la tarification non linéaire vont être prises en compte par de grandes entreprises pour proposer, par exemple, une nouvelle approche de la tarification de l'électricité. Parmi ses publications, une centaine d'articles et une dizaine de livres. On retiendra ici plus particulièrement un article publié en 1968 dans Econometrica /The theory of the syndicates / et un livre publié en 1993 aux Oxford University Press/Non linear pricing/. *Dans «The theory of the syndicates », article qui va influencer toute une génération d'étudiants en économie et finances, le futur Prix Nobel s'interroge sur les conditions qui permettent, à partir de « l'utilité attendue », de mieux comprendre le comportement d'acteurs économiques souvent choisissant la loterie ou le tirage au sort comme méthode d'attribution et /ou de partage du risque. *Avec la publication de « Non linear pricing », il aborde une autre problématique, celle de la non linéarité des prix, lui consacrant une analyse que certains n'hésiteront pas à qualifier d'encyclopédique. Elle sera à l'origine d'une nouvelle tarification des services publics, notamment ceux de l'électricité et des transports. C'est une première. Elle permettra à son auteur d'être lauréat, en 1993, du Prix Léo Melamed décerné tous les deux ans par l'Université de Chicago. Robert B.Wilson a été aussi le Professeur de trois doctorants qui vont avoir le Prix Nobel de Sciences économiques: Paul Milgrom, co-lauréat avec lui en 2020, mais aussi avant eux, Alvin E. Roth et Bengt Holmstroöm. *Alvin E.Roth le sera en 2012, Prix partagé avec Llyod Shapley pour leurs « applications concrètes à la théorie économique mathématisée ». Avec Roth, c'est aussi le spécialiste de la théorie des jeux et de la conceptualisation du marché et de l'économie expérimentale qui est distingué. *Bengt Holmström le partagera en 2016 avec Olivier Hart, pour leur contribution à la théorie des contrats et à la théorie de l'agence. Holmström est le premier économiste finlandais à être nobélisé, pionnier dans l'étude des problèmes d'aléa moral et de la relation Principal /Agent. |
Encadré II - Paul Milgrom: un Nobel aux multiples facettes Bachelor en mathématiques de l'Université du Michigan, en 1970, P. Milgrom, né le 20 avril 1948 à Détroit, dans le Michigan, part en 1975 pour l'Université de Standford, dont il sera diplômé d'un Master of Sciences en statistique, en 1978, suivi d'un PhD en gestion, en 1979, avec comme directeur de thèse Robert B.Wilson. PhD en poche, on le retrouve à l'Université du Northwestern jusqu'en 1982. De 1982 à 1987, il enseigne l'économie et le management à l'Université de Yale, qu'il quitte en 1987 pour retourner à Standford. Au-delà de ses activités d'enseignement, il est aussi, à la différence de Robert B.Wilson, fondateur et co-fondateur de plusieurs sociétés, dont la plus récente est « Auctionomics » qui propose des logiciels et des services permettant de créer les conditions de marchés efficients dans le cadre d'enchères commerciales complexes, sans oublier de nombreuses activités de conseil. Membre associé de la Société d'économétrie, membre de l'Académie américaine des Arts et des Sciences, comme R.Wilson, il partage de nombreuses distinctions, avec ou sans lui : le Prix Erwin Plein Nemmers d'économie en 2008, ou celui de la BBVA Foundation Frontiers of Knowledge Award en 2012, par exemple. Il est l'auteur ou le co-auteur de nombreux ouvrages et articles. En tant qu’auteur, on citera une référence « Putting Auction Théory to Work », publié en 2004 aux Cambridge University Press. Parmi les ouvrages et les articles dont il est co-auteur on rappellera celui partagé avec son collègue nobélisé B.Holmström sur la relation Principal / Agent, celui co-écrit avec J .Robert, qui aurait pu le partager avec lui, dans un ouvrage publié en 1997 consacré à «Economie Organisation et Management », celui co-signé avec N.Stokey, toujours en 1982 « Information, Trade and Common knowledge », ou avec R.Weber encore en 1982 « Theory of Auction and Competitive Bidding ». *En 1987, dans la revue Econometrica/vol.55,p.303-328/, il publie, donc, avec B.Holmström un article sur la théorie de l'Agence, montrant que la problématique d'un Principal multitâches est différente de celle d'un Principal à tâche unique. *Dans l'ouvrage co-écrit avec J.Roberts, « Economics, Organisation and Management » Prentice Hall Ed.1992, c'est la théorie de la firme et son constant renouvellement qui est rappelée, précisant ce qu'elle doit à la théorie des contrats, à la théorie de l'information, à la théorie de la propriété et, bien sûr, à la théorie des jeux. La présentation formalisée de cette évolution est toujours accompagnée de multiples exemples de la vie des affaires. Ce qui en fait un ouvrage de référence, non seulement en langue anglaise mais aussi en langue française, ayant été traduit en 1997. *Avec N.Stokey, il co-signera « Information,Trade and common knowledge », publié en 1982 dans « The journal of Theory economics », vol.26 p.17-27, où ils développent la théorie du « no trade », montrant que le commerce entre des agents rationnels ayant des connaissances communes n'est pas possible. *Avec R .Weber /Econométrica 1982 vol.50 p.1089-1122 / et « The theory of Auction and Competitive Bidding » ils vont, pour la première fois, analyser les enchères de marchés qui ne concernent ni les œuvres d'art ni les bouteilles des grands crus viticoles, montrant que la concurrence qui s'exerce alors est celle de subjectivités personnelles, annonciatrices de la valeur personnelle individualisée. Enfin, témoin de la diversité d'un talent hors pair, on rappellera également l'article écrit avec North et Weingast sur: « the role of institutions in the revival of trade :the law merchant, private judges, and the champagne fairs », publié en 1990 in Economics and politics », où ils traitent des guildes des marchands médiévaux et de l'économie de la réputation |