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Opinion
En janvier 2022, deux sociétés pétrolières, Chariot Limited et Predator Oil & Gas Holdings PLC, toutes les deux basées au Royaume-Uni, ont annoncé de bonnes nouvelles sur deux permis au Maroc. Ces découvertes de gaz naturel ont fait couler beaucoup d’encre. De façon générale, ce n’est d’ailleurs pas très étonnant, et ce pour plusieurs raisons : une découverte d’hydrocarbures (pétrole et gaz naturel) est un événement important en soi au regard de la place des hydrocarbures sur la scène énergétique (le pétrole et le gaz naturel représentent ensemble environ un peu moins de 60% de la consommation mondiale d’énergie), économique et géopolitique mondiale ; une découverte crée des attentes et des espoirs, parfois des déceptions ; et une découverte peut aussi susciter des controverses, soit parce que certains concepts techniques de base de l’industrie des hydrocarbures ne sont pas bien compris, ce qui peut entraîner des interprétations erronées, soit parce que la ou les sociétés concernées ont une communication discutable sur l’ampleur de cette découverte.
Une découverte ‘’encourageante’’ ou ‘’significative’’
Dans le premier cas, revenons sur les faits. Il est question d’une découverte gazière sur le permis marin de Lixus Offshore, dont la superficie est de 2 390 km². Situé à environ 40 kilomètres de Larache, ce permis est détenu par un consortium composé de Chariot (75%) et de l’Office National des Hydrocarbures et des Mines (Onhym, 25%), la compagnie pétrolière nationale du Maroc. Chariot est l’opérateur et conduit, donc, les travaux sur le terrain. Le forage qui a permis cette découverte s’appelle Anchois-2 (précédemment, il y avait eu le puits Anchois-1, en 2009, sur le même permis). Réalisé dans la seconde quinzaine de décembre 2021 par une profondeur d’eau de 380 mètres environ, il a atteint une profondeur de 2 512 mètres.
Ce forage a mis en évidence une accumulation de gaz. De plus, il y a deux autres bonnes nouvelles : l’épaisseur nette de l’accumulation est de 100 mètres (55 mètres pour la zone productrice nette mise en évidence avec le puits Anchois-1, selon Chariot) et les réservoirs sont de bonne qualité. La première de ces bonnes nouvelles doit cependant être nuancée. L’épaisseur de 100 mètres évoquée est répartie sur six zones, de huit à 30 mètres pour chacune d’entre elles, a indiqué l’Onhym.
Pour résumer, les résultats du forage sont ‘’encourageants’’, terme utilisé par l’Onhym. De son côté, Chariot parle d’une découverte ‘’significative’’. Mais ce n’est pas la fin de l’histoire. La société nationale marocaine souligne que ‘’d’autres analyses plus approfondies seront entreprises pour affiner l’évaluation du potentiel gazier découvert’’. Pas de quoi faire le buzz, certes, mais ce n’est pas l’objet. Dans l’industrie pétrolière et gazière, le calendrier et le cadre temporel ne sont pas les mêmes que pour les médias, les décideurs politiques et l’opinion publique. Il est effectivement beaucoup trop tôt aujourd’hui pour avancer des chiffres précis.
Une mise en production d’Anchois dans moins de trois ans ?
Les données collectées lors du forage d’Anchois-2 seront analysées et d’autres forages seront réalisés. Le puits Anchois-1 pourra être utilisé pour le futur développement du champ. Chariot et l’Onhym entendent à présent travailler en vue du développement rapide de cette découverte. Interrogée par SNRTNews, Mme Amina Benkhadra, directrice générale de l’Onhym, a indiqué que la mise en production pourrait intervenir vers la fin 2024.
La communication de Chariot et de l’Onhym a été très professionnelle, suite au forage d’Anchois-2. Par contre, dans le passé, Chariot avait publié des chiffres qui peuvent encore aujourd’hui alimenter les controverses. L’entreprise avait ainsi évoqué, pour Anchois-1, des ressources récupérables restantes d’environ 30 milliards de mètres cubes et, pour l’ensemble du permis Lixus, de 80 milliards de mètres cubes sur la base d’une étude réalisée par NSAI, des consultants spécialisés. Ces chiffres sont hautement spéculatifs car ils portent sur des ressources éventuelles (‘’contingent resources’’) et prospectives (‘’prospective resources’’). Après Anchois-2, Chariot a été plus sobre et n’a pas repris de telles estimations qui sont, au minimum, source de confusion pour des publics non spécialisés.
Prudence et espoirs
De son côté, une autre compagnie pétrolière, Predator Oil & Gas Holdings (basée à Jersey au Royaume-Uni), vient d’annoncer des chiffres très importants pour le bassin de Guercif après les forages MOU-1 et MOU-4. A la différence de Lixus, il s’agit de travaux à terre. Predator a parlé de 11 milliards de mètres cubes de gaz naturel mais il s’agit, là aussi, d’une estimation de ressources éventuelles qu’il faut donc considérer avec une extrême prudence.
Tout en gardant la tête froide et en prenant également en compte ce qui s’est passé en 2021, on relève des signaux positifs pour les perspectives gazières du Maroc. On peut évoquer le projet de Tendrara de Sound Energy et les activités de SDX Energy, deux firmes basées à Londres, qui détiennent des permis d’exploration à terre au Maroc. Pas de quoi crier victoire, bien sûr, mais des projets et des acteurs à suivre de près au cours des prochains mois.
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