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Opinion
Sur quelles contraintes faut-il anticiper lorsqu’on évoque la croissance de l’Afrique? Comment guider les décideurs politiques dans les priorités à définir pour piloter l’économie et arriver à bon port dans le monde qui vient?
Le séminaire organisé le 11 avril à Paris par le PCNS et le Centre de développement de l’OCDE a apporté des éléments de réponse. La discussion s’est ouverte en prenant appui sur le rapport de référence publié en 2018 par l’Union africaine et l’OCDE sur les “Dynamiques du développement en Afrique”, et dont la prochaine édition portera sur l’industrialisation et la transformation productive de l’Afrique. Arthur Minsat, un économiste de l’OCDE qui supervise l’édition de ce rapport, a ouvert les débats en identifiant les cinq grandes tendances cruciales pour l’avenir. Deux d’entre elles sont exogènes et trois endogènes.
Un commerce avec la Chine sans industrialisation
La diversification des partenariats de l’Afrique avec les pays émergents signale un rééquilibrage de la richesse. Le commerce avec la Chine a été multiplié par 20 en 20 ans, apportant des opportunités pour la construction d'infrastructures, « de manière efficace mais avec des risques en termes de maintenance, et peu d’impact sur les exportations. Ces échanges n’apportent pas de transformation productive ni d'industrialisation, car les matières premières exportées vers la Chine ne sont toujours pas transformées sur place en Afrique. »
Lire aussi : China’s Economic Statecraft in Africa, PCNS Policy Brief by Hisham Aidi, August 16, 2018.
Une industrialisation sans création massive d’emplois
L’industrialisation de l’Afrique, qui advient à un rythme plus lent que la croissance démographique, risque de ne pas se solder par une création massive d’emplois. « Le secteur manufacturier de l'Asie du Sud-Est tend à se délocaliser vers des pays tels que l'Ethiopie, mais l’automatisation des tâches va en croissant. « Près de 80 % des emplois attendus des investissements en Ethiopie dans le textile, le cuir et les chaînes agricoles sont à risque d'automatisation et risquent de ne pas être créés ».
Lire aussi : Les trajectoires incertaines de l’industrialisation, in Afrique Contemporaine, par Karim El Aynaoui et Mihoub Mezouaghi, 28 février 2019.
Pas de « dividende » démographique sans éducation
La troisième tendance lourde et transversale en Afrique porte sur la croissance démographique. La transition en cours dans la structure des pyramides d’âges (beaucoup de jeunes actifs, des taux de natalité et de mortalité qui baissent) porte la promesse d’un « dividende » qui n'est pas automatique, sans politiques publiques d’éducation. Or, les niveaux d'alphabétisation sont en retard sur d’autres régions du monde, de même que l'éducation des filles. En Afrique, l’essentiel des dépenses d’éducation sont portées par les parents d’élèves. « Il faut un effort massif d’éducation et agir sur les politiques de financement : 22 % du PIB est thésaurisé en Afrique, mais pas réinvesti dans les économies. Les taux d'intermédiérasitaion du système financier sont plus coûteux qu'ailleurs. Or, il faut créer des millions d’emplois, 29 millions de jeunes atteignant l'âge de 16 ans chaque année. »
Lire aussi : The Education Puzzle, PCNS Opinion by Thomas Awazu Pereira da Silva, October 4, 2017.
Une urbanisation colossale, sans accès aux services de base
L’urbanisation en cours s’avère colossale. C’est la seconde plus rapide du monde après l'Asie. En 50 ans, l’Afrique est passée de 14 % à 40 % de population urbaine, une évolution que l’Europe a mis deux siècles à accomplir. « Les défis ne portent pas seulement sur la pollution de l’air, très élevée dans les villes, mais sur la conjonction de l'urbanisation, de l’assainissement et l’accès aux services de base ».
Lire aussi : Future of African Cities Project: Rabat and Salé – Bridging the Gap, PCNS Policy Paper, by Nchimunya Hamukoma , Nicola Doyle , Archimedes Muzenda, November 29, 2018.
Un changement climatique qui impose l’énergie renouvelable
Les pays africains sont ceux qui polluent le moins dans le monde, mais qui sont les plus exposés au bouleversement climatique. Sécheresse et pluies diluviennes sont devenues des dangers. La moitié des villes de 1 à 5 millions d'habitants en Afrique se trouvent dans des zones de basse élévation avec des risques d'inondation à la saison des pluies. L'accès aux énergies renouvelables, devenu moins cher, fait de plus en plus sens en Afrique. « C’est la première opportunité dans l'histoire de l'humanité de voir l'industrialisation se faire avec une part d'énergies renouvelables ».