Publications /
Opinion
La perspective d’une victoire de Joe Biden s’est heurtée, jusqu’au bout, au scepticisme des observateurs, en raison du précédent de 2016 : ils n’avaient, alors, pas vu venir la défaite d’Hillary Clinton et le triomphe de Trump, en retard dans les sondages. Mais, l’élection de 2020 n’est pas celle de 2016.
D’abord, l’avance de Biden est bien supérieure à celle dont disposait Hillary Clinton.
A la veille du scrutin, celle-ci avait deux ou trois points d’avance dans les sondages par rapport à Donald Trump. Mais, ce dernier appliqua une stratégie électorale de concentration sur trois Etats-clés, de tradition démocrate : la Pennsylvanie, le Michigan et le Wisconsin. Leur basculement en faveur de Trump lui assura une majorité de grands électeurs. Or, certains l’oublient : Hillary Clinton n’avait pas fait campagne dans ces trois Etats (elle les croyait acquis à sa cause). Le rappeler suffit à illustrer le rôle de la stratégie électorale dans l’élection de 2016.
Joe Biden n’a pas commis la même erreur : il a méthodiquement « travaillé » ces Etats. La Pennsylvanie, où il est né, a penché, la première, en sa faveur dans les enquêtes d’opinion. Même sans cela, l’élection s’est peu à peu révélée problématique pour Donald Trump, du fait de l’écart national entre les candidats : dix points durant la dernière semaine, selon certains Instituts de sondage. Le dimanche 1er novembre, Fox News, chaîne ardemment pro-Trump, reconnaissait elle-même un écart de 8 points en faveur de Biden. C’est considérable.
Avec un retard d’une telle ampleur, la marge de manœuvre de Donald Tump s’amenuise : remporter des Etats flottants devient improbable. Pire : le risque est de perdre des Etats de tradition républicaine dans lesquels il a dû aller faire campagne au dernier moment.
Telle est la loi des chiffres. Sur le fond, non plus, cette élection ne ressemble pas à la précédente.
Biden n’est pas Clinton. Cette dernière avait beaucoup d’ennemis. Biden, peu clivant, conjugue deux atouts : la modération, qui permet de convaincre les électeurs flottants, et une réputation de proximité personnelle avec les couches populaires, qui empêche la gauche du Parti démocrate de le rejeter. Il a pu avancer un programme pragmatique, voire conciliant, envers les couches aisées, sans perdre de soutiens sur sa gauche, ni entraver la reconquête des vieux Etats industriels, où les ouvriers blancs avaient abandonné son Parti.
Trump, quant à lui, est privé de l’effet de surprise dont il avait bénéficié en 2016. Ses excès volontaires ont visé la mobilisation de ses propres électeurs, espérant les voir participer au scrutin plus massivement que ceux de son adversaire. Mais, ceci est à double tranchant car cette stratégie aliène les électeurs flottants. De plus, en s’aggravant, la crise sanitaire s’est invitée dans la campagne. Une partie des électeurs, notamment âgés, a été effrayée par le déni vis-à-vis du Coronavirus. En face, dans le camp démocrate, la mobilisation bat des records, déjouant les calculs du président sortant.