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Opinion
Le paysage énergétique mondial est actuellement en mutation, marqué par des progrès importants en termes de transition vers des sources d'énergie renouvelables et d’accélération de l'électrification. Cette évolution est cruciale pour faire face au changement climatique et assurer un avenir énergétique durable. Elle coexiste, néanmoins, avec l'utilisation persistante des énergies fossiles dans certains secteurs. Bien que les technologies renouvelables soient dorénavant compétitives en termes de coûts par rapport aux combustibles fossiles pour la production de l’électricité, la transition vers des sources d'énergie plus propres est confrontée à un défi majeur : l'insuffisance des infrastructures électriques nécessaires à leur intégration.
Les défis de l'intégration des énergies renouvelables dans les réseaux électriques
L'augmentation de la production d'électricité à partir de sources renouvelables ne suffit pas. Elle doit s’accompagner de la mise en place d'infrastructures de transmission adéquates pour l'intégration et la distribution efficaces de l’énergie verte aux consommateurs. En effet, les sources d'énergie renouvelables, telles que l'énergie éolienne et solaire, sont souvent abondantes dans des endroits éloignés des centres urbains où la demande d'énergie est la plus forte. La transmission efficace de ces énergies sur de longues distances pose donc plusieurs défis, dont :
- la fluctuation des sources d'énergie renouvelables : les énergies renouvelables sont intermittentes et dépendent de facteurs tels que la météorologie et la position du soleil. Cette intermittence peut entraîner des fluctuations dans la production d'électricité, qui doivent être équilibrées pour assurer la stabilité du réseau ;
- la technologie nécessaire à l'intégration : l'intégration des énergies renouvelables dans le réseau électrique nécessite des technologies spécifiques, telles que des batteries de stockage, des convertisseurs et des systèmes de contrôle. Ces technologies doivent être adaptées aux besoins spécifiques des réseaux électriques et être capables de gérer les fluctuations des sources d'énergie renouvelables ;
- la gestion des réserves : pour assurer la stabilité du réseau, il est nécessaire de gérer les réserves d'énergie. Les gestionnaires de réseaux doivent être en mesure de prévoir et de gérer les variations de la demande d'énergie et de s'assurer que les réserves sont suffisantes pour maintenir la stabilité du réseau ;
- la sécurité et la fiabilité du réseau : l'intégration des énergies renouvelables dans le réseau électrique doit être assurée de manière à ne pas compromettre la sécurité et la fiabilité du réseau. Les gestionnaires de réseaux doivent être en mesure de gérer les risques liés à l'intégration des énergies renouvelables et de garantir la sécurité des utilisateurs.
Investissements nécessaires pour moderniser les réseaux électriques
À l'échelle mondiale, la transition vers des sources d'énergie plus propres nécessitera l'ajout ou la rénovation de plus de 80 millions de kilomètres d'infrastructures de réseau d'ici 2040. Le déficit actuel de capacité du réseau représente ainsi un risque majeur pour les objectifs climatiques et énergétiques internationaux.
Pour atteindre ces engagements, il est donc impératif de tripler les investissements dans les réseaux au cours des 15 prochaines années, avec une multiplication par cinq pour atteindre les scénarios d'émissions nulles. Cependant, malgré l'urgence des investissements, seulement un cinquième des 770 milliards de dollars alloués annuellement aux projets d'énergie propre est consacré à la construction, l'expansion et la durabilité des réseaux électriques.
Or, les investissements dans les réseaux électriques représentent un défi à la fois pour les économies avancées et en développement. Dans les marchés matures tels que les États-Unis et l'Europe, les réseaux existants font face à une demande sans précédent de la part des véhicules électriques et des systèmes de chauffage, entraînant des retards dans la connexion de projets éoliens et solaires avancés. Plus de 1500 gigawatts (GW) de projets d'énergie renouvelable attendent d'être raccordés au réseau électrique dans ces régions.
Dans les économies en développement, en particulier dans les pays les moins avancés, des réseaux inadéquats ou obsolètes entraînent des coupures de courant fréquentes qui affectent les systèmes essentiels tels que les hôpitaux, la production alimentaire et les opérations commerciales. Cependant, toutes les économies émergentes ne sont pas confrontées aux mêmes défis. En Amérique latine et en Asie du Sud-Est, où les infrastructures électriques sont déjà en place, l'accent est mis sur l'amélioration de la capacité, de la résilience et de la flexibilité afin de soutenir des parts plus importantes d'énergie renouvelable.
En Afrique, où le besoin en infrastructures énergétiques est particulièrement aigu, les contraintes financières limitent la capacité des entreprises de services publics à investir dans l'expansion et la modernisation du réseau. Dans le scénario de l'Afrique durable de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), les investissements dans les réseaux devraient passer d'environ 10 milliards d'USD par an, aujourd'hui, à près de 50 milliards d'USD d'ici 2030, ce qui nécessite de nouveaux modèles de financement moins dépendants des fonds limités de l'État.
Par ailleurs, de nombreuses entreprises publiques africaines sont confrontées à une mauvaise santé financière et à des pertes de réseau élevées, qui s'élevaient en moyenne à 15 % sur le continent en 2020, contre une moyenne mondiale de 7 % (Lien).
En conséquence, ces entreprises ne sont pas en mesure de financer l'expansion et la modernisation des réseaux qu’exige l'afflux d'énergies renouvelables. Parallèlement aux efforts visant à améliorer la santé financière des services publics, l'augmentation des dépenses dépendra probablement de subventions et de capitaux à des conditions très favorables pour développer et piloter des modèles qui transfèrent une partie du financement à des acteurs privés. Des pays comme le Kenya et l'Ouganda testent déjà des approches innovantes de refinancement de concessions avec le soutien d'institutions de financement du développement, qui pourraient servir de modèles ailleurs sur le continent en cas de succès.
Face à ces défis, il est essentiel d'attirer davantage de capitaux du secteur privé. Cela nécessite un cadre réglementaire solide, transparent et orienté vers l'avenir. Des structures de rémunération adéquates, une visibilité accrue de la rémunération future et des mécanismes de rémunération compatibles avec les objectifs politiques spécifiques sont également essentiels. De plus, dans les marchés où l'accès au financement commercial est difficile, un financement concessionnel à grande échelle est nécessaire pour renforcer la confiance des investisseurs.
Des exemples de réussite tels que le modèle de partenariats public-privé en Inde et les approches innovantes de refinancement en Afrique, soutenues par des institutions de financement du développement, laissent entrevoir la possibilité de surmonter ces défis. L'investissement concessionnel, tel que celui offert par les fonds d'investissement climatiques, peut jouer un rôle crucial dans le développement de nouveaux modèles d'entreprises, facilitant ainsi la transition vers un financement commercial suffisant et abordable pour la transition énergétique.
En conclusion, les investissements massifs dans les infrastructures électriques sont essentiels pour soutenir la transition mondiale vers les énergies renouvelables. Un engagement accru du secteur privé, soutenu par des cadres réglementaires solides et des incitations appropriées, est nécessaire pour surmonter les défis actuels. Les succès déjà observés dans certaines régions du monde montrent que des approches novatrices et des partenariats public-privé peuvent catalyser les investissements nécessaires. Ainsi, en conjuguant les efforts des secteurs public et privé, il est possible de créer des réseaux électriques robustes qui favorisent une transition énergétique mondiale.