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Policy Brief
En partenariat avec le Policy Center for the New South (PCNS), Africa Center est fier de présenter un rapport conjoint sur l’influence de la Russie en Afrique, une perspective sécuritaire, à l’occasion du premier anniversaire de la guerre en Ukraine.
L’Afrique est apparue comme un acteur majeur de ce conflit lorsque le 3 mars 2022 , dix-sept Etats africains se sont abstenus lors du vote de la résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies condamnant l’invasion russe en Ukraine. Le nombre a surpris, tout autant que l’identité des pays abstentionnistes dont certains, à l’instar du Maroc et du Sénégal, sont connus pour leur proximité avec le camp occidental. De plus, les explications de vote , argumentées et sans ambiguïté, qui ont été avancées par ces Etats montraient leur détermination : certains ont invoqué l’hypocrisie du monde occidental, prompt à sauver l’Ukraine tout en ignorant les guerres africaines, d’autres ont voulu manifester leur mauvaise humeur face au traitement réservé aux étudiants africains à la frontière polonaise aux premières heures du conflit, une 3ème catégorie de pays ont voulu préserver une Russie qui fut à leurs côtés pendant les indépendances et a combattu, en Afrique du Sud, le régime raciste de l’apartheid. D’autres, enfin, ont voulu se placer à équidistance des belligérants – ayant des relations commerciales avec tous – ou tout simplement rester neutres, au nom du non-alignement par rapport à une guerre qui ne les concernait pas.
Quoique. Très vite, l’Afrique a été impactée par ce conflit, comme l’a montré la rencontre mondialement médiatisée du 3 juin à Sotchi entre le Président russe, Vladimir Poutine, et le Président Macky Sall du Sénégal, en sa qualité de Président en exercice de l’Union africaine (UA), alors que le blocage des stocks de céréales menaçait d’aggraver l’insécurité alimentaire en Afrique. La crise de l’énergie et les difficultés d’approvisionnement de l’Europe ont fait ensuite du continent un acteur courtisé du conflit en attirant l’attention sur les ressources africaines, où du Sénégal au Mozambique, nombre de découvertes récentes en ressources naturelles en font une alternative très séduisante.
Ce début d’année 2023 est ainsi marqué par un impressionnant ballet diplomatique qui a vu le Ministre des Affaires Étrangères russe, Serguei Lavrov, se rendre en Angola, en Afrique du Sud , en Eswatini, en Tunisie et en Mauritanie. Qin Gang, le nouveau Ministre chinois des Affaires étrangères lui, s’est déplacé dans cinq pays dont l’Ethiopie et l’Egypte. À sa suite, c’est la Secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, qui, de manière inattendue, s’est rendue au Sénégal, en Zambie et en Afrique du Sud avant que l’Ambassadrice aux Nations Unies, Linda Thomas-Greenfield, la VicePrésidente Kamala Harris, le Secrétaire à la Défense Lloyd Austin et le couple présidentiel ne lui emboîtent le pas. Alors que s’annoncent à l’été 2023 un Sommet Russie-Afrique à Saint-Pétersbourg et un Sommet des BRICS sous présidence sud-africaine à Durban, les Etats-Unis se montrent désormais déterminés à utiliser les outils à leur disposition pour mieux convaincre : ainsi, à l’occasion du Sommet Etats-Unis-Afrique de décembre 2022, ils se sont engagés à investir en Afrique 55 milliards de dollars sur trois ans, à réformer les institutions de Bretton-Woods, à soutenir une meilleure représentation de l’Afrique au sein du G20 comme du Conseil de sécurité des Nations Unies. Ce sommet - le premier en huit ans - faisait suite au sommet Chine-Afrique de Dakar en novembre 2021, à la rencontre Union européenne-Union africaine de Bruxelles en février 2022, au 17ème conclave de la banque CII-EXIM sur le partenariat de croissance Inde-Afrique en juillet 2022 et à la Conférence internationale de Tokyo sur le développement en Afrique d’août 2022, TICAD. Les Etats-Unis, qui avaient jusqu’alors semblé en retrait de l’Afrique au nom du principe isolationniste « America First » sous Donald Trump, puis de la priorité donnée à l’Indo-Pacifique et à l’Ukraine sous Joe Biden, n’avaient d’autre choix que de relever leur niveau d’implication. Il ne s’agit plus seulement de gérer les crises dans l’urgence mais de rechercher de nouvelles alliances stratégiques. Après un an de guerre en Ukraine, c’est l’Afrique qui est devenue l’épicentre d’un nouvel ordre géopolitique où se disputent deux systèmes multilatéraux concurrents...