Publications /
Opinion

Back
Vers un régionalisme avancé de la gestion des défis
Authors
Hajar El Alaoui
October 5, 2020

La pandémie de la Covid-19 a mis en exergue les limites de la « coopération internationale » et du multilatéralisme, cédant la place à une possible émergence de la coopération bilatérale, voire régionale, et à la mise en œuvre de Complexes régionaux de sécurité. La configuration actuelle du monde en fait un village global, où les Etats sont à l’image de leurs nations, plus connectés et interdépendants. Il est, certes, vrai que la mondialisation ne peut disparaître, mais peut, en revanche, être reconfigurée et adaptée aux nouvelles menaces bioterroristes. 

Face à ces nouvelles menaces, trois approches multi-scalaires de la sécurité se doivent d’être développées. La première, la sécurité commune, trouve son essence dans les relations interétatiques, la deuxième, la sécurité collective, s’appuie sur la conviction que la sécurité est l’affaire de tous, et, la troisième, la sécurité régionale, se base sur l’alliance créant une scène ‘régionale’ qui dépend et s’intéresse aux trois facteurs qui maintiennent l’ordre international, à savoir : la domination, la réciprocité et l’identité. 

Le maintien de la sécurité vise à garantir la paix, qui, pour une meilleure efficacité, se doit d’être structurée et organisée. C’est pourquoi, l’aspiration à cette dernière se traduit par la mise en œuvre de divers outils visant à restreindre la violence et les menaces : à travers la pacification de la société, les coalitions, les alliances régionales, les accords de désarmement, etc. La paix ne passe qu’à travers des systèmes et des mécanismes de sécurité. A cet effet, paix, sécurité et menaces sont les facteurs moteurs de l’ordre international. Néanmoins, l’ordre global, tel qu’il est structuré aujourd’hui, présente des limites qui trouvent leur origine dans la gestion à l’échelle globale des défis, faisant abstraction du potentiel des uns et des autres, causé et accentué par l’existence d’Etats forts et d’Etats faibles. En effet, les Organisations internationales ayant une légitimité internationale, comme les Nations unies (ONU) ou l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), ne sont pas à caractère supranational. Les Etats membres n'ont pas cédé à ces Institutions une partie de leur souveraineté, et, par conséquent, les ambitions et les volontés de ces Organisations sont dictées et conditionnées par le bon vouloir des Etats, particulièrement les plus puissants d’entre eux, biaisant l’ordre des priorités dans la gestion des défis. 

Quelle configuration pour la gestion des défis ?

Eu égard de ce qui précède, la mise en place d’un régionalisme avancé de la gestion des défis à travers des Complexes régionaux de sécurité permettrait une juste gestion des défis majeurs propre à une région sans priorisation par puissance. Les Complexes régionaux de sécurité ambitionnent, en effet, la création de relations privilégiées entre plusieurs Etats géographiquement rapprochés dont la réussite dépend et s’appuie sur le bien-fondé des interactions multi-scalaires entre les différents acteurs des secteurs d’activité de la sécurité (militaire, économique, politique, social, environnemental et sanitaire). Le but de ces interactions est de faciliter, d’une part, le transfert de l’information des acteurs régionaux vers les acteurs internationaux, et vice-versa, et, d’autre part, de favoriser la solidarité interrégionale au service de la sécurité sanitaire collective. 
Par conséquent, l’existence de nouvelles menaces, notamment sanitaire, donne naissance à une nouvelle conception de la sécurité et dont la gestion actuelle à l’échelle internationale orbite autour des enjeux des superpuissances et fait abstraction des problématiques sécuritaires les plus urgentes des Etats qui touchent, par défaut, les pays voisins et impactent, par substitution, la région. L’existence de groupements régionaux dont le niveau de puissance s’aligne et est quasi approximatif, permet une meilleure efficacité de la gestion des défis puisque le mécanisme de priorisation est « le même » pour tous. D’autant plus qu’il ne faut pas minimiser l’existence du phénomène d’exportation des problématiques de l’échelle nationale à régionale qui se traduit par l’exportation de faits sociaux, comme la vague de nationalisme en Europe ou encore de conflits comme le terrorisme au Sahel. 

A quoi ressemblerait un Complexe régional de sécurité aujourd’hui ?

A l’échelle du continent africain, la création d’un Complexe régional de Sécurité (CRS), comme le veut sa définition, vise à créer des relations privilégiées entre plusieurs Etats géographiquement rapprochés. Afin de garantir une efficacité et un développement durable du CRS, les interactions doivent être maintenues en continu entre les instances et institutions qui œuvrent pour le maintien de la sécurité et de la paix. Ainsi, dans l’idéal, les Etats doivent avoir le même système politique et des instances étatiques similaires qui auront pour but de maintenir ces interactions. Ainsi, si l’on se base sur la répartition de l’Afrique, deux approches semblent être rationnelles :

  • Géographique : selon l’Organisation de Coopération et de Développement économiques (OCDE)[1], l’Afrique se divise en 5 régions : Nord, Sud, Est, Ouest, Centre, en y incluant la Diaspora comme sixième région.
  • Par affinité économique pour une intégration économique régionale : l’Union africaine (UA) reconnaît, quant à elle, huit Communautés économiques régionales, à savoir : l’Union du Maghreb arabe (UMA), le Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA), la Communauté des États Sahélo Sahariens (CEN–SAD), Communauté d’Afrique de l’Est (CAE), Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), Autorité Intergouvernementale sur le Développement (IGAD), Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC).

Le CRS trouve son équilibre entre ces deux approches, géographique, puisque le but est de veiller à la mise en place de relations privilégiées entre plusieurs Etats géographiquement rapprochés et par affinité politique et économique pour le maintien des interactions, afin, in fine, de concrétiser l’intégration régionale sécuritaire visant à maintenir la stabilité. 

 

[1] OCDE, “The six regions of the African union”, N°48, February 2017.

RELATED CONTENT

  • Authors
    February 12, 2021
    This paper provides a preliminary assessment of COVID-19’s impact on Africa, focusing on the sub-Saharan Africa (SSA) countries, based on information available as of October 2020. We first identify the two key long-term issues of the SSA countries before the crisis: resource dependency and slow productivity growth. COVID-19 has hit SSA countries hard, causing human and economic destruction and wiping out economic progress from the last decade. Instead of growing at 2.9% in 2020, as ...
  • February 5, 2021
    Regional integration in Africa is seen as a priority by many of the continent’s policymakers and economic stakeholders. With all Africa now signed up to the African Continental Free Trade Agreement (AfCFTA), the challenge now is to implement a continental market for goods and services and establish the foundations of a continental customs union. Many on the continent see the AfCFTA as an investment, economic-diversification, and job-creation blueprint that will shape the future of A ...
  • Authors
    Sous la direction de
    Muhammad Ba
    Amanda Bisong
    Rafik Bouklia Hassane
    Salma Daoudi
    Pierre Jacquemot
    Leo Kemboi
    Jacob Kotcho
    Mouhamadou Ly
    Solomon Muqayi
    Meriem Oudmane
    Mohamed Ould El Abed
    Kwame Owino
    Asmita Parshotam
    Fatih Pittet
    December 29, 2020
    Dès les premiers cas du Coronavirus relevés en Afrique, les prédictions les plus sombres ont été faites sur la catastrophe sanitaire à venir sur le continent, en raison d’un certain nombre de caractéristiques supposées favoriser la propagation de l’épidémie. Ces prévisions ont été démenties par la rapidité des ripostes des Etats et par divers autres facteurs. La progression de la Covid-19 en Afrique n’est pas le fait d’une dynamique unique mais plutôt de multiples profils de risques ...
  • December 16, 2020
    The COVID-19 pandemic has hit the Moroccan economy hard, as elsewhere in the world. A collapse in external demand and a lockdown lasting more than three months have profoundly altered economic activity in Morocco, causing its first recession since 1995. The implementation of the confinement and social distancing measures was strict and came two weeks after the detection of the first cases of COVID-19 in Morocco on March 2, 2020. The lockdown was extended three times and lasted aroun ...
  • November 16, 2020
    Africa is experiencing economic growth deceleration that reached 2.9% on average between 2010 and 2018, against 5.4% between 2000 and 2010. The sectoral performance of African economies depends critically on the stock and quality of infrastructure, directly as an essential input (for example, energy and transport) and indirectly by increasing total factor productivity. African economic integration, and the hoped-for emergence, can never be fully achieved with poor infrastructure, bo ...
  • Authors
    Eugène Berg
    Pascal Chaigneau
    Jérôme Évrard
    Alain Oudot de Dainville
    Sonia Le Gouriellec
    Rodolphe Monnet
    Florent Parmentier
    Nicolas Vaujour
    October 16, 2020
    Dans ce huitième ouvrage, le Centre HEC de Géopolitique et le Policy Center for the New South présentent 13 papiers conjoints inspirés de la 8ème édition de la conférence annuelle des Dialogues Stratégiques, et enrichis par les auteurs. Lors de cette rencontre, qui a eu lieu le 17 octobre 2019, deux thèmes majeurs ont été discutés : Les défis de la navalisation et de la maritimisation du monde et l’insularité au sein de l’Union Africaine. Dans la première partie de l’ouvrage, les a ...
  • Authors
    Hajar El Alaoui
    October 5, 2020
    La pandémie de la Covid-19 a mis en exergue les limites de la « coopération internationale » et du multilatéralisme, cédant la place à une possible émergence de la coopération bilatérale, voire régionale, et à la mise en œuvre de Complexes régionaux de sécurité. La configuration actuelle du monde en fait un village global, où les Etats sont à l’image de leurs nations, plus connectés et interdépendants. Il est, certes, vrai que la mondialisation ne peut disparaître, mais peut, en rev ...
  • Authors
    Youssef El Jai
    September 15, 2020
    Avant l'ère coloniale, l'émission d'argent en Afrique de l'Ouest dépendait de la traite des esclaves. Avec l'avènement du régime colonial, les pièces d'argent ont été importées puis progressivement imposées comme outil de coercition. La trajectoire postcoloniale a été différente pour les anciennes colonies britanniques et françaises. Alors que les premières ont retrouvé leur souveraineté monétaire, les secondes ont conservé une union monétaire sous l’égide de la France. La propositi ...
  • Authors
    Alioune Sall
    August 17, 2020
    The transformation of the Economic Community of Western African States (ECOWAS) into a « Confederation of States » is sometimes considered, including by the Heads of State of the Community, as a natural next step in the process of deeper integration in West Africa. The purpose of this study is to explore its feasibility and relevance, based on the experience of other continents. A confederation of states can be defined as an association of sovereign states which, by means of an int ...
  • Authors
    Amine Harastani Madani
    July 29, 2020
    Parler de de l’Union africaine sans évoquer la place qu’y occupe le Maroc serait incomplet, car le Royaume a contribué activement à la construction africaine, s’en est séparé, en signe de protestation contre le non-respect de la légalité internationale par les organes de la défunte Organisation de l’Unité africaine pour, ensuite, y retourner, dans le cadre de l’Union africaine. Doit-on parler de retour ou d’admission ? Indépendamment de la réponse apportée à cette question, il convi ...