Publications /
Opinion

Back
Portrait ADEL : Eric Ntumba, jeune banquier en RDC, "La jeunesse de la RDC en quête d'alternative"
Authors
Sabine Cessou
October 25, 2019

Jeune banquier congolais, Eric Ntumba est venu de Kinshasa en décembre 2017 pour participer au programme Atlantic Dialogues Emerging Leaders du Policy Center for the New South (PCNS) à Marrakech. À l’époque, lorsqu’on lui demandait quel était son rêve, il déclarait d’emblée : « Devenir président de la République démocratique du Congo (RDC) et apporter un développement inclusif, pour faire que le potentiel énorme de ce pays se transforme enfin en puissance. Mon rêve est que chaque enfant congolais puisse réaliser le sien ! »

Eric Ntumba est de ceux qui voient grand et ne s’avouent pas facilement vaincus. À Marrakech, les personnes de divers horizons qu’il a rencontrées lors de la conférence Atlantic Dialogues ont « enrichi » sa vision du monde et lui ont donné des opportunités. « Si je n’avais pas rencontré l’économiste brésilien Otaviano Canuto, un Senior Fellow du PCNS, je n’aurais pas signé avec lui un chapitre sur les risques de crise financière internationale en 2018 dans le rapport Atlantic Currents », explique-t-il.

En quête d’une alternative

De même, il a écrit un texte sur la géopolitique de l’Afrique centrale à l’occasion de l’Annual Conference on Peace and Security in Africa (APSACO) 2019, organisée à Rabat par le PCNS. Sa réflexion a porté sur la tendance aux « élections sans démocratie » qui affecte sa sous-région. « En Afrique centrale, les indicateurs de développement sont les moins bons en Afrique, poursuit-il. C’est aussi la région où les présidents exercent le plus longtemps le pouvoir, où les jeunesses sont réprimées brutalement et où l’exercice électoral se résume à une parodie, avec un déni de démocratie permanent. En témoigne ce fameux mot de l’ancien président gabonais Omar Bongo : « On n’organise pas les élections pour les perdre… ».

 S’il observe avec intérêt la vague de mouvements citoyens qui s’est levée à travers l’Afrique, RDC comprise, Eric Ntumba constate aussi qu’elle n’est « pas adossée à une offre politique alternative qui permettrait d’avoir des députés, des maires, des ministres ». C’est à cette alternative qu’il ne cesse, comme toute sa génération, de réfléchir.

Il faut dire qu’Eric Ntumba a été à bonne école. Il a grandi dans un foyer en prise directe avec le monde politique. Son père, Alphonse Ntumba Luaba, professeur de droit et ancien vice-ministre de la Justice, ex-ministre des Droits humains, a été l’un des négociateurs de l’accord de paix de Sun City en 2002, qui a mis fin à la seconde guerre du Congo. Ensuite secrétaire du gouvernement de transition (2003-07), il a dirigé la Conférence internationale pour la région des Grands lacs (CIRGL) de 2011 à 2016.

Retour au pays natal

Lorsque son père travaillait à son doctorat de droit, Eric Ntumba a fait son primaire en France, à Nancy, puis suivi ses études secondaires à Kinshasa. Après une maîtrise d’informatique à l’Université du North-West, en Afrique du Sud, il a rejoint l’Ecole nationale d’administration (ENA) à Paris fin 2006. Deux ans plus tard, il retourne directement à Kinshasa – un choix qui relève pour lui de « l’évidence ». Explication : « On m’avait bien dit que des portes étaient ouvertes en France et en Europe, mais j’avais la conviction que c’était en RDC, en Afrique, que mon apprentissage serait le plus utile ».

Décidé à apporter sa pierre à l’édifice d’un Etat notoirement fragile, il cherche d’abord à rejoindre la fonction publique, au ministère du Plan. « Je me suis heurté à un milieu conservateur où il fallait affirmer une affiliation politique, sur laquelle je n’étais pas fixé à 27 ans », raconte-t-il. Finalement, il bifurque vers le secteur privé, d’abord au poste de conseiller à la direction générale de la Banque congolaise (BC), puis de Corporate Manager à la Banque commerciale du Congo (BCC) Relationship Manager à City Bank Congo (CBC), puis à son poste actuel, chef de la division banque d’affaires chez Equity Bank Congo (EBC).

Là encore, son constat est sans complaisance. « Le secteur privé en RDC résume à des industries extractives contrôlées par des opérateurs étrangers, sans capital congolais à proprement parler. Ce qui pose un vrai problème pour les startups, qui ne peuvent pas compter sur des business angels pour les encadrer et les financer. Pourtant, Kinshasa fait preuve d’une puissante énergie créative. Il manque en RDC tout un écosystème d’incubation qui a fait ses preuves au Kenya et en Côte d’Ivoire. » En attendant que des sociétés de capital-risque s’intéressent au dynamisme entrepreneurial des jeunes Congolais, il fait du mentorat et participe à divers forums sur l’économie africaine à l’étranger.

« Réaliser que l’on n’est pas tout seul »

Deux ans après le programme ADEL, Eric Ntumba reste attaché au PCNS, qu’il considère comme un « incubateur d’idées ». « Une conférence comme Atlantic Dialogues permet de recalibrer ses ambitions, dit-il, et de réaliser que l’on n’est pas tout seul. D’autres gens pensent l’Afrique en mouvement, dans un projet de prospérité partagée ».

Lecteur assidu, Eric Ntumba cite parmi ses références Une brève histoire de l’avenir (Fayard, 2006) un essai de Jacques Attali qui propose un regard prospectif sur un monde polycentrique structuré autour de neuf nations, parmi lesquelles l’Egypte et le Nigeria. Dans le domaine de la fiction, sa préférence va à un grand classique de la littérature africaine, Une si longue lettre (Nouvelles éditions africaines du Sénégal, 1979) de la romancière sénégalaise Mariama Bâ. Il vient de la rejoindre au rang des écrivains, ayant lui-même publié son premier roman, Une vie après le Styx (L’Harmattan, 2019). Il estime avoir « pris ses responsabilités » en prenant sa plume. Son objectif : participer à l’édification d’une mémoire collective liée aux atrocités de la guerre du Congo, en racontant l’itinéraire d’une jeune fille meurtrie qui va trouver la force de recommencer sa vie.

Admirateur de Patrice Emery Lumumba, le père de l’Indépendance du Congo, Eric Ntumba l’est aussi de Martin Luther King, pour son combat aux avant-postes du mouvement des droits civiques aux Etats-Unis. « Son parcours nous signifie qu’il suffit d’une poignée de gens bien décidés pour commencer un mouvement. J’aime aussi sa formule : « Dans toute montagne de désespoir, il y a une pierre d’espoir ». Ce caillou peut être chacun d’entre nous ». Parole de leader…

Vous pouvez consulter le portrait d’Eric Ntumba, ainsi que ceux d’autres Emerging Leaders, sur la page ADEL Portrait.

RELATED CONTENT

  • August 24, 2021
    تجدون أقوى لحظات حديث الثلاثاء حول المواضيع الاقتصادية لهذه السنة : رؤى استشرافية لما بعد الجائحة، الاقتصاد غير المهيكل، دور القطاع الثالث، المغرب وسلاسل القيمة الاقليمية مع خبراء وباحثين اقتصادين ...
  • Authors
    July 16, 2021
    The BDA Currents: Where Diplomacy Meets Business, is the Brussels Diplomatic Academy’s annual report covering the wider geopolitical and other factors influencing and affecting the world of diplomacy, international relations and global business. The journal focuses on issues of topical interest around the centers of global power, influence and importance, including the continents of Europe and Africa, the Middle East, China, India & Asia, Russia and the Commonwealth of Independe ...
  • Authors
    July 12, 2021
    Frappée de plein fouet par la crise sanitaire de la Covid-19, la République de Zambie, déjà fragilisée, fait face à de nombreux défis sur les plans politique, économique, social et climatique. Outre sa position géographique de pays enclavé, le croissant de l’Afrique australe se positionne comme l’une des premières victimes du réchauffement climatique sur le continent rendant vulnérable une partie de sa population souffrant d’insécurité alimentaire accrue. Par ailleurs, et à l’approc ...
  • June 15, 2021
    يخصص مركز السياسات من أجل الجنوب الجديد حلقة خاصة من برنامجه الأسبوعي "حديث الثلاثاء" لقراءة وتأمل بعض دعامات تقرير اللجنة الخاصة بالنموذج التنموي الجديد الذي يحمل تشخيصاً للأوضاع الاقتصادية والاجتماعية والسياسية بالمغرب، ويقدّم رؤية عن التوجهات، التي ينبغي أن تسير عليها البلاد في أفق 2...
  • May 20, 2021
    The Policy Brief ‘Pandemic, Preparedness, Morocco, and Africa’ by Uri Dadush provoked a personal reaction: Morocco may never be crowned football’s world champions, alas, but which nation, besides China, New Zealand, Israel, Japan, Denmark, Vietnam, organized its anti-COVID-19 offensive more digitally and in a more modern way than the Kingdom? Morocco’s bureaucracy is at times suffocating and unpleasant, its public hospital system stressed and underfunded. But today I can vouch for a ...
  • Authors
    April 28, 2021
    Preparedness for the next pandemic is an essential investment. To get it right, countries must stay flexible and reinforce their international health networks, not abandon them. With its new health law, Morocco has taken a step in the right direction. ...
  • April 26, 2021
    La Tunisie a fêté récemment le 10ème anniversaire de la révolution qui a mis fin à l’ancien régime bénalien et défini les principes de la IIème République. Ayant pour principales doléances la croissance économique et la justice sociale, la révolution tunisienne était exclusivement sociale. Or, l’appropriation de la révolution par l’Assemblée nationale constituante (ANC) et le quartet du dialogue national qui ont privilégié le chantier des réformes démocratiques au détriment des réfo ...
  • Authors
    March 24, 2021
    This report is part of a partnership between the Policy Center for the New South and the Atlantic Council’s Africa Center.   New technologies, such as automation, artificial intelligence and industrial robots, are often seen as a real danger for existing jobs and also for future job-creation prospects. There is a perception that they will make work redundant and lead to massive job destruction. However, others believe that automation, like previous technological waves , will incre ...
  • Authors
    Paola Maniga
    Yassine Moustanjidi
    February 15, 2021
    The COVID-19 pandemic has exposed new vulnerabilities in social, infrastructure, and governance systems. In the first months of the pandemic, there was a genuine concern about the capacity of the Global South to contain the spread of the virus. African cities were particularly vulnerable, with some experts1, including the head of WHO2, predicting a catastrophe for the continent. Despite the structural and chronic challenges that African cities face, including informality, poverty, a ...