Publications /
Opinion

Back
2020, le globe/monde fermé pour raison de travaux
Authors
June 9, 2020

Sur le ‘’rideau baissé’’ du globe terrestre, une pancarte avec une phrase : ‘’fermé pour raison de travaux’’. La pancarte n’indique aucune date de réouverture.

A l’intérieur, personne ne sait encore à quoi ressemblera le monde à la réouverture. Le temps presse. Aucune vision n’est encore dégagée et personne ne peut s’engager sur une date de reprise des activités ni sur la maquette du monde à venir. Certains proposent de rouvrir en 2021, mais les six mois qui restent sont à peine suffisants pour l’exécution des transformations, d’autant plus que celles-ci ne sont pas encore conçues. Non pas parce qu’on manque d’idées, mais parce que les auteurs de ces idées ne trouvent pas de consensus sur celle qui devra être exécutée.

Le G7, cerveau du monde, qui devait se réunir en juin, pour trancher et signer l’ordre de commencement des travaux, a été reporté pour cause de pandémie, combinée aux émeutes de protestation contagieuse contre l’assassinat, par un policier, de George Floyd ; deux évènements qui troublent le sommeil du président Trump, censé organiser et présider le meeting du Groupe. De plus, en reculant la date du sommet à septembre, le président   tente de la rapprocher de celle des élections américaines de novembre et en faire un argument de campagne, la baisse du taux de chômage à 13 % l’y encourage. Le report rencontre également les intérêts de la Chine, soucieuse de disposer de plus de temps pour neutraliser la campagne menée contre elle par l’Occident au sujet de rétention d’information sur la pandémie qui a ébranlé le monde. Plusieurs autres pays qui gravitent autour du G7, sans en faire partie, comptent mettre le report à profit pour se faire une place parmi ceux que le président américain a promis d’inviter exceptionnellement. L’Inde, la Corée du Sud, l’Australie et la Russie, qui sont déjà annoncés, doivent bien se tenir d’ici là et s’abstenir de s’attirer la colère du locataire de la Maison Blanche. Les autres doivent redoubler d’efforts pour se voir octroyer un strapontin.

Jusqu’en septembre, donc, la pancarte annonçant la fermeture du monde ne changera pas et ne pourra s’avancer sur aucune date de réouverture. Derrière le rideau on continue, chacun comme il peut, à vivre sous les décombres, s’arranger pour survivre à l’ancienne et presser encore un système désuet, dans l’espoir d’y cueillir les quelques gouttes de jus restant. Certains, les plus outillés, survivent, et, les autres, semblent presque dans un informel précaire. Combien résisteront-ils dans un monde où  la naissance d’un virus (Covid-19) et la mort d’un homme (George Floyd) achèvent le tarissement de toutes les sources de l’ancien système-monde et en imposent la construction d’un nouveau. La Covid-19 et George Floyd ont constitué les deux cyclones qui ont renforcé les vagues. Le bateau prend l’eau de toutes parts ; il ne suffit plus de seulement colmater les brèches, mais de bien fortifier les parois pour éviter la catastrophe.

Doute sur la mondialisation : avarie moteur du système/monde.

Il n’y a pas longtemps, l’Etat-nation semblait se morfondre dans une lente agonie qui la préparait à mourir pour laisser place à une mondialisation envahissante ; forte d’avoir libéré équitablement les échanges, réduit la pauvreté et permis une meilleure circulation des technologies. En 2008, le monde entier avait uni ses efforts contre un crash du système financier mondial, faisant gagner encore des points à la mondialisation.

Bien avant la Covid-19, on reprochait à cette même mondialisation d’aggraver les clivages sociétaux, d’amplifier les problèmes de redistribution et de saper les dialogues sociaux nationaux (Dani Rodrik, 2018). La Covid-19, contrairement à la crise de 2008, n’a pas été confrontée par une stratégie mondiale unifiée. Les Etats du globe sont allés au-devant de la pandémie en ordre dispersé, chacun voulant faire chez lui, mieux que les autres ne font chez eux. Seule la fermeture des frontières constituait une solution devant la capacité du virus de librement circuler, et chacun s’est replié sur soi. La mondialisation s’est avérée plus économique que solidaire, plus mercantile que sociale et humaine.

Ce doute sur l’efficacité de la mondialisation prive le système post-Guerre froide de son moteur ; la confiance en une mondialisation censée sauver l’humain de la pauvreté, des maladies et de la précarité.

Avant que la question de savoir s’il faut remplacer le système ou le gérer autrement ne trouve une réponse, la pancarte ‘’monde fermé’’ n’indiquera toujours pas la date de réouverture.

Absence de leadership : le gouvernail s’affole

Le monde est sans leader. Le leader actuel s’essouffle et se recroqueville sur lui-même pour reprendre sa respiration ; le dauphin qui fait les bouchées doubles pour rattraper le champion est tellement occupé à creuser l’écart avec ce dernier, qu’il ne peut se permettre de se distraire en regardant les affaires du monde. La Covid-19 a révélé au grand jour le préjudice que la discorde entre les deux nouveaux grands occasionne au monde. L’échec social et humain de la mondialisation est ici doublé d’un échec politique. Le focus sur l’économie ne laisse plus de temps ni de place à la politique. Les deux grands tiennent au leadership de la mondialisation économique et non au leadership politique, social ou humain du monde. Si cette focalisation est un facteur positif dans la mesure où la rivalité entre les deux se limite à la guerre économique et condamne au sursis la guerre chaude ; elle ne présage, au contraire, d’aucun signe favorable à une meilleure régulation d’un monde qui risque de s’embraser en l’absence d’un capitaine qui tient les commandes et stabilise le gouvernail.

Le système/monde n’a aujourd’hui pas de leader politique. Il n’est ni unipolaire ni bipolaire ni même multipolaire. Il est de plus en plus polarisé. Le gouvernail s’affole et aucun cap n’est plus possible à tenir.

Le monde restera derrière son rideau fermé, ne sachant ni quand ni comment rouvrir.

Nous nous trouvons, ainsi, enfermés dans des crises accumulées et sans issue. Nous nous focalisons beaucoup sur la Covid-19 comme événement mondial important qui, peut-être, changera le monde ; il s’ajoute aujourd’hui à un autre fait qu’il ne faut pas négliger ; les mouvements de protestations que provoque la mort de George Floyd. Le virus a fait entrer les gens chez eux, George Floyd les en fait sortir.

Sortir de la peur du virus pour embrasser le courage de manifester augure de turbulences qui ne finiront pas de sitôt. Au manque de solidarité des Etats face à la Covid-19, répond une solidarité des peuples avec les Noirs américains, et, à travers eux, avec tous ceux qui dans le monde sont victimes d’un système mondial où se trouvent occultées les valeurs humaines. 

L’ouverture sur un nouveau système ne semble pas pour demain, et la pancarte de fermeture placardée en 2020 risque de le rester pour longtemps ; les travaux sont durs à effectuer ; espérons qu’ils seront achevés avant que les verrous du rideau ne sautent.    

RELATED CONTENT

  • Authors
    May 31, 2018
    Salutations Thank you for the invitation to address the 2018 Africa Think Tank Summit  in this memorable city of Rabat. I thank in particular, the OCP Policy Center and the Think Tank and Civil Societies Program of the University of Pennsylvania for hosting the Summit with the theme “Deepening Expertise and Enhancing Sustainability: Insight into Contemporary Challenges Facing African Think Tanks”. Rabat, Morocco has been the sprouting ground of numerous agenda-setting instruments ...
  • Authors
    May 31, 2018
    OCP Policy Center and the Think Tank and Civil Societies Program of the University of Pennsylvania, with the support of the Moroccan International Cooperation Agency (AMCI), the Asian Development Bank hosted the 2018 Africa Think Tank Summit under the theme “Deepening Expertise and Enhancing Sustainability: Insight into Contemporary Challenges Facing African Think Tanks.” The summit was held May 9-11th, 2018 at The View Hotel, Rabat, Morocco. The most influential and innovative thi ...
  • Authors
    Bouchra Rahmouni
    May 30, 2018
    In a more chaotic and critical Mediterranean security environment that is facing a huge geopolitical change, the NATO alliance has found itself challenged by rival states across the spectrum of conflict. Russia, which represents an instance of this change, has acquired for the first time in its modern history a proper permanent base in the Mediterranean. Also, other geopolitical changes such as proliferation of ballistic missiles among both state and non-state actors around the Medi ...
  • May 21, 2018
    Le partenariat Afrique Europe fait son chemin depuis l'adoption de la stratégie commune Afrique-UE et la négociation complexe des Accords de Partenariat Economiques. L’évaluation des volets commercial, financier et humain de ces relations multidimensionnelles fait ressortir la persistance de grands déséquilibres dans les échanges commerciaux de biens et services, des tensions dans la gestion de la mobilité humaine et des dysfonctionnements dans les mécanismes institutionnels de part ...
  • Authors
    Mokhtar Ghailani
    May 10, 2018
    Le sens communautaire évoqué par Karim El Aynaoui, directeur général de l’OCP Policy Center, dans son allocution de bienvenue aux participants à la seconde édition du Sommet des think tanks africains, s’est exprimé dans toute sa richesse et sa diversité le 9 mai. Les interventions de ce jour d’ouverture, émanant de 100 participants venus de 20 pays et représentant 40 think tanks (sur un total de 759 think tanks à travers l’Afrique, soit 10% environ du total mondial selon le Program ...
  • Authors
    Sabine Cessou
    May 9, 2018
    Think tanks are blooming in Africa, as they have been in the USA, Europe and China… Some are already mature, like the Codesria, launched in 1973 in Dakar (Senegal) or the Institute for Security Studies (ISS), first established in 1991 in Pretoria, with regional offices opened in Cape Town, Addis Abeba and Nairobi.  Some are still young and spreading their wings, like AfriHeritage in Nigeria, founded in 2000 or the Groupe de recherche et d’analyse appliquées pour le développement (G ...
  • Authors
    Haim Malka
    May 8, 2018
    For decades, the North African Maghreb has been both a source of irregular migration to Europe and a gateway for sub-Saharan Africans transiting to Europe. Now the Maghreb is also emerging as a destination for migration. While Europe remains the preferred destination for most African migrants, reaching Europe is becoming increasingly difficult at precisely the time that migration pressures in Africa are mounting. Africa’s massive migration is just getting started—and this presents ...
  • March 23, 2018
    A un moment où l’Afrique renforce son attractivité, se dote de son propre récit et suscite l’intérêt de nouveaux partenaires, et où l’Europe traverse une crise économique et institutionnelle importante, quelles peuvent être les bases nouvelles du partenariat Union Européenne-Afrique ? Si le dernier sommet d’Abidjan, en novembre dernier, a mis l’accent sur la priorité éducative, l’appui au développement durable et inclusif, une coopération multi-secteurs, tout cela sur la base d’une ...