Publications /
Opinion

Back
Le lien entre la croissance et l’emploi au Maroc et ailleurs
Authors
October 2, 2015

Récemment parue parmi la série de Policy Briefs publiés par OCP Policy Center, une étude réalisée conjointement par Prakash Loungani et Saurabh Mishra a mis l’accent sur la réaction du chômage et l’emploi par rapport à la croissance économique dans les pays du G-20. L’objectif est de quantifier l’apport d’un point supplémentaire de croissance sur l’évolution du taux d’emploi, et sur le taux du chômage sur la période 1980-2014. 

Sur la période 1980-2007, les résultats indiquent que pour l’Afrique du Sud, seul pays du continent africain membre de G-20, la croissance économique a le plus d’impact sur le taux d’emploi. En effet, un point de pourcentage supplémentaire de croissance fait croître d’environ 0,75% le taux d’emploi. En revanche, cette relation est moins évidente pour le cas de la Chine. Cela s’explique par le fait que l’absorption du nombre relativement élevé des jeunes qui intègrent chaque année le marché du travail chinois nécessite une forte croissance (figure 1).

La différence de l’ampleur de la réaction de l’emploi au chômage d’un pays à l’autre au sein du G-20 est un constat naturel dès lors que chacun de ces pays adopte différentes réglementations de travail, affiche des coûts réels du travail différents, et a des structures productives différentes (Dopke, 2001).

La comparaison de l’intensité du lien emploi-croissance (et croissance-chômage) entre la période 1980-2007 et 1980-2014 permet de constater les variations survenues après la crise financière au niveau de ce lien dans les pays du G-20 (figure 4). Dans la plupart de ces pays, le lien n’a pas beaucoup évolué. Toutefois, l’Allemagne affiche une amélioration significative. En revanche, il fallait plus de croissance pour maintenir des taux d’emploi identiques à la période précédant la crise de 2008 en Allemagne, au Royaume-Uni et en Italie (figure 4).

Nous avons cherché à mesurer l’intensité du lien entre la croissance économique et le chômage au Maroc en faisant recours à une spécification en première différence (voir encadré). Pour ce faire, nous avons utilisé des données annuelles couvrant la période 1989-2014. La figure ci-dessous indique qu’un point additionnel de croissance engendre en moyenne une diminution du taux de chômage d’environ 0,15%. Il s’agit toutefois, d’un lien peu significatif qui reste bien inférieur à la moyenne des pays du G-20, mais comparable à celui constaté parmi les pays voisins.

Lien entre croissance et chômage entre 1998 et 2014

PCNS

Source : calcul de l’auteur sur la base des données du haut-commissariat au plan, HCP

En utilisant un modèle cyclique, qui permet d’extraire l’impact de la conjoncture de nos variables d’intérêt (voir encadré), nous avons obtenu des résultats comparables à ceux présentés plus haut. Le recours au modèle cyclique nous a permis de démontrer qu’un point de croissance additionnel fait réduire le taux de chômage de 0.13%.

L’intensité du lien entre le chômage et la croissance économique au Maroc est similaire à celle de la plupart des pays de l’Afrique du nord (Moosa 2008 : Economic growth and unemployment in Arab countries : is Okun’s law valid ?). Par rapport au pays du G-20, où un point supplémentaire de croissance réduit le taux de chômage de 0.26% en moyenne, le lien entre la croissance et le chômage au Maroc n’est comparable qu’avec celui de la Russie et de l’Argentine (Prakash Loungani et Saurabh Mishra, 2015).

Une autre étude publiée par OCP Policy Center, utilisant un modèle à générations imbriquées, a démontré que le contenu en emploi de la croissance est faible au Maroc. En effet, cette étude indique que chaque point de croissance a créé 26 700 emplois au Maroc entre 2000 et 2013. Pour un taux de croissance moyen de 4,5%, cela correspond à la création d’environ 120 000 emplois annuellement.

Il est donc important d’approfondir la recherche pour mieux comprendre les raisons derrière cette faiblesse du lien entre la croissance et l’emploi.

La loi d’Okun : relation entre activité économique et dynamique du marché du travail 

La loi d’Okun est une loi qui cherche à établir le lien statistique entre le taux de chômage et le taux de croissance. La logique derrière cette loi est très simple : il faut employer plus pour produire plus. De là, la corrélation entre la croissance et l’emploi est positive, alors qu’elle est négative entre la croissance et le chômage. Cette 

distinction entre l’emploi et chômage est nécessaire pour Okun puisque le taux de chômage ne se calcule qu’en rapport avec la population active, alors que le taux d’emploi considère l’ensemble de la population.

Comme suggéré par Okun (1970), il y a deux différentes de spécifications de loi d’Okun : le modèle cyclique et le modèle en première différence. Pour la première approche, la relation d’Okun s’écrit comme suit :

PCNS

 

(1)

 

Avec l’exposant c qui indique qu’il s’agit de la composante cyclique du taux de chômage (u) et du logarithme la production nationale réelle (y). Ces composantes cycliques sont obtenues en utilisant les techniques de filtrage des séries chronologiques, notamment le filtre d’Hodrick-Prescott (HP), qui permettent de calculer la déviation du taux de chômage et du logarithme de la production national réelle par rapport à leurs tendances respectives.

En ce qui concerne le modèle en première différence, la relation d’Okun est la suivante :

PCNS

 

(2)

 

β est le coefficient d'Okun. Il mesure la réaction du taux de chômage aux changements constatés au niveau de la production nationale réelle.

RELATED CONTENT

  • June 6, 2022
    Le Lab de l’Emploi Maroc, dirigé par le Jameel Poverty Action Lab (J-PAL) au MIT, Evidence for Policy Design (EPoD) à la Harvard Kennedy School, en partenariat avec le Millennium Challenge Account Morocco Agency (MCA-Maroc) et le Policy Center for the New South (PCNS), organise un sémin...
  • Authors
    Sous la direction de: Idriss El Abbassi
    Mariem Liouaeddine
    April 5, 2022
    Ce livre est l’aboutissement d’un appel à communications organisé conjointement par le Policy Center for the New South et le Laboratoire d’Economie appliquée de la Faculté des Sciences juridiques, économiques et sociales (FSJES) Rabat-Agdal. Il s’agit d’un nouveau maillon dans la collaboration entre les deux institutions depuis 2015 qui consacre la volonté et l’engagement du Policy Center for the New South d’entretenir des liens étroits avec le monde académique et d’offrir a ...
  • March 23, 2022
    Ce Papier se donne pour but d’apporter des éclairages sur le chômage des jeunes en milieu rural en faisant recours aux résultats d’une enquête menée dans la province de Taounate. Les différentes analyses développées dans ce papier témoignent du faible niveau de qualification et de participation des jeunes et des femmes à la vie active en milieu rural ainsi que de la vulnérabilité au travail et de la faible qualité des emplois occupés par ces jeunes ruraux, particulièr ...
  • January 07, 2022
    يخضع سوق الشغل المغاربي منذ سنوات إلى مجموعة من الضغوطات تخص العرض والطلب إضافة الى ميكانيزمات التنظيم. ونعرض هنا أهمها وأبرز ما ينتج عنها من اختلالات. ومن الممكن ان تتفاقم هذه الاخيرة بع ...
  • May 31, 2021
    La Diaspora marocaine, qui compte aujourd’hui près de 5 millions de ressortissants à l’étranger, contribue de manière significative au développement économique du Maroc.  Leurs transferts de fonds jouent un rôle crucial dans la réduction de la pauvreté, surtout en milieu rural.  Ils permettent également d’améliorer l’accès à l'éducation et à la santé. Les transferts des Marocains du monde qui, généralement, occupaient le deuxième poste de recettes dans la balance des paiements du Ma ...
  • February 16, 2021
    خصص مركز السياسات من أجل الجنوب الجديد حلقته الاسبوعية لحديث الثلاثاء لمناقشة قانون الشغل والحماية الاجتماعية في ظل أزمة كوفيد 19 رفقة محمد طارق، أستاذ القانون الاجتماعي بجامعة الحسن الثاني بالدار البيضاء. في هذه الحلقة سيتم تحليل وضع المغرب فيما يتعلق بالمجال الحماية الاجتماعي خاصة خلا...
  • July 16, 2020
    La femme représente la moitié de la société. Côte à côte avec l’homme, elle a toujours contribué au développement des sociétés lorsque les facteurs de conversion lui ont permis de mettre à l’œuvre ses potentialités pour parler simple. Aujourd’hui, cette catégorie de la société marocaine, et mondiale, subit de manière disproportionnée les répercussions de la crise de la Covid-19, sur plus d’un aspect de la vie en société. Ceci est particulièrement vrai lorsqu’il s’agit des domaines ...
  • Authors
    Numéro spécial du cahier du plan - Volume 2
    December 18, 2019
    Lors du colloque autour du thème « Croissance économique au Maroc : théories, évidences et leçons des expériences récentes », organisé conjointement par le Haut-Commissariat au Plan (HCP) et le Policy Center for the New South et accueilli par le HCP en mai 2017 dans ses locaux à Rabat, des experts et praticiens de près de 30 institutions académiques et non académiques ont échangé et débattu de la croissance économique au Maroc dans un framework transverse alliant le théorique au pra ...
  • September 17, 2019
    INTERVIEW avec Patrick Plane 1/ Selon votre indice de compétitivité durable en matière d’attractivité, le Maroc occupait, en 2016, la 5ème place en Afrique, en même temps qu’il se situait en haut du tableau en termes de résistance aux vulnérabilités. Que révèlent pour vous ces classemen...