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Les élections du 29 mai 2024 en Afrique du Sud, la nation arc-en-ciel vogue vers une nouvelle ère de gouvernance
May 24, 2024

Cet article se penche sur les dynamiques électorales en Afrique du Sud et sur les configurations de coalition potentielles à l'approche des élections générales . Dans un contexte marqué par l'érosion de la base électorale de l'African National Congress (ANC) et la montée de nouvelles formations politiques, nous analysons comment divers scénarios de coalition pourraient redéfinir la gouvernance du pays. À travers un indice de viabilité de coalition conçu pour cette étude, nous évaluons les conséquences possibles des alliances entre l'ANC et d'autres acteurs majeurs tels que l’Alliance démocratique (DA) et les Economic Freedom Fighters (EFF), ainsi que de nouveaux partis tels que le MK Party. L'impact de ces coalitions sur les politiques intérieure et étrangère sud- africaines est également examiné, mettant en lumière les défis et opportunités associés à une ère de gouvernance collaborative.

Introduction

Trois décennies après avoir rompu les chaînes de l'apartheid pour embrasser une nouvelle ère, l'Afrique du Sud se trouve une nouvelle fois à un tournant historique. La nation arc-en-ciel, autrefois célébrée comme un modèle de réconciliation et de diversité, est aujourd'hui confrontée à ses propres contradictions et à de nombreux défis qui menacent de compromettre les acquis de ces trois dernières décennies. Les fractures sociales, les inégalités persistantes et les scandales de corruption ont ébranlé la confiance du peuple en les institutions et le leadership politique. Alors que les prochaines élections se profilent, le paysage politique sud-africain est en pleine effervescence, avec la montée en puissance de nouveaux acteurs et l’avènement d’une réalité qui risque fortement de s’imposer aux acteurs politiques sud-africains : l’ère des coalitions.

Dans cette perspective, les scénarios possibles de coalition entre les différents partis politiques passeront immanquablement par la présence de l’ANC, dont l’hégémonie est menacée mais qui restera un acteur central au lendemain du 29 mai. La composition de la coalition autour de l’ANC sera directement influencée par ses résultats électoraux : si l’ANC se rapproche du seuil des 50 %, une alliance avec de petits partis pourrait suffire pour former une majorité ; en revanche, si son score s’en éloigne, il lui sera nécessaire de s’allier avec un parti plus important pour sécuriser la majorité requise au gouvernement. Dans ce dernier cas, l’alliance entraînera un changement politique significatif, dont l’ampleur dépendra de la nature et des orientations du parti partenaire dans la coalition, reflétant non seulement un « compromis politique nécessaire », mais également un choix hautement symbolique quant à l’avenir choisi pour le pays.

Le processus de formation de coalition post-électorale sera donc crucial, car il déterminera la trajectoire du développement socio-économique et de la réforme politique en Afrique du Sud pour les années à venir. Le succès de ce gouvernement de coalition reposera sur sa capacité à unifier des forces souvent divergentes, voire antagonistes.

À l'aube de cette élection, il devient impératif de scruter les configurations possibles qui pourraient émerger du scrutin. Les dynamiques en jeu offrent un panorama riche de possibilités, chacune portant en elle le potentiel de redéfinir le paysage politique et, par extension, tester la robustesse de la démocratie sud-africaine. En examinant les implications de diverses alliances entre partis, nous pouvons entrevoir comment chaque scénario influencerait non seulement la gouvernance mais aussi la réponse aux attentes pressantes d'une population diverse. En outre, la nature de ces coalitions aura également un impact significatif sur la politique étrangère du pays. La composition du gouvernement influencera la manière dont l'Afrique du Sud voit le monde, redéfinissant ses alliances et ses engagements diplomatiques et économiques avec le reste du monde.

 

I. Les élections générales : entre fragmentation politique et redéfinition des alliances

A. Histoire électorale de l’Afrique du Sud : analyse des dynamiques politiques

Depuis 1994 et la fin de l’apartheid, l'African National Congress a dominé le paysage politique sud-africain, gouvernant avec une majorité absolue qui lui permettait de mettre en œuvre ses politiques sans la nécessité de former des alliances. Cependant, les tendances récentes indiquent un retournement inéluctable dans cette dynamique.

Les sondages récents montrent une baisse continue de la popularité de l'ANC, attribuée à des problèmes de corruption systémique, d’incapacité à délivrer un service public satisfaisant, à des luttes intestines qui pèsent sur la crédibilité et la cohésion du parti, et exacerbés par des crises comme les coupures prolongées d'électricité et une hausse du chômage, particulièrement chez les jeunes.1 Par conséquent, il est devenu de plus en plus clair que l’ascendant moral exercé par le parti au pouvoir, hérité du « long chemin vers la liberté » emprunté par Nelson Mandela et ses compagnons de lutte, s’érode et fait chuter l’ANC en deçà du point de majorité.

Cette situation, inédite dans l’histoire du pays, ouvre la porte à des configurations nouvelles, et nous pousse à analyser les données électorales disponibles, en examinant particulièrement la performance des principaux partis à travers les 30 dernières années, les trouble-fêtes spécifiques aux élections de 2024 et les principales tendances émanant des différents sondages menés dans le pays.

Dans cette perspective, les sondages ne seront pas uniquement considérés comme des indicateurs d’opinion publique ; nous allons les envisager également dans leur rôle d’outils stratégiques qui permettent aux partis politiques de planifier et de négocier des alliances potentielles, et pour les observateurs d’entrevoir les scénarios possibles au lendemain du scrutin.

La culture politique sud-africaine des trois dernières décennies est celle d’une démocratie à parti unique, dominée par l’ANC. Ce contexte a façonné de manière significative le paysage politique du pays, plaçant le parti de libération au cœur du système politique et acculant l’ensemble de ses rivaux à se positionner comparativement à son action. Géant politique aux pieds d’argile, l’ANC est fortement menacé par l’altération de la confiance des sud-africains, qui voient en 2024 l’occasion idoine d’installer une « alternance relative », en faisant entrer de nouveaux acteurs dans la majorité (et dans l’opposition), reflétant une démocratie qu’ils souhaiteraient plus représentative et réactive.

L’étude de l’évolution de la dynamique électorale en Afrique du Sud postapartheid exige de s’attarder sur les performances de l’ANC à travers les différentes élections, d’examiner les deux périodes marquant respectivement son ascension puis son déclin progressif, et de mettre cela en perspective avec ses principaux concurrents.

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À la lumière de cette courbe, il apparait que l’évolution du vote en faveur de l’ANC entre 1994 et les dernières élections locales de 2021 se caractérise par une période ascendante, à laquelle succède une érosion graduelle de la base électorale du parti à partir de 2004. Cette trajectoire peut être interprétée à travers une grille de lecture correspondant aux théories de la consolidation démocratique (Huntington, 1991). Celles-ci suggèrent que les partis de libération confrontés à la gouvernance peuvent voir leur popularité initialement forte diminuer face aux défis de la gestion d’un État et à la diversité des attentes de leurs électeurs.

Dans un premier temps (1994-2004), l’ANC a bénéficié d’un capital sympathie très important. Le parti incarnait aux yeux des sud-africains celui qui a combattu l’oppression avant de « réussir » la transition vers un système démocratique inclusif et représentatif. La trajectoire électorale entre 1994 (62,65 %) et 2004 (69,69 %) s’explique en partie par la légitimité historique du parti, la réussite des politiques sociales et de discrimination positive des premières années de gouvernement et la mobilisation des populations anciennement opprimées à l’occasion des échéances électorales.

Toutefois, cette période de grâce s’est graduellement atténuée, comme le montrent les résultats électoraux suivant l’année 2004, avec un point bas marqué par environ 46 % lors des élections locales de 2021, dernières élections en date.

Entre l’année 2004 et 2014, une dégradation progressive s’installe et peut s’expliquer par l’usure du pouvoir (Samuel & Shugart, 2012), où les longues périodes de gouvernement conduisent à une accumulation de griefs relatifs au mode de gouvernance. Cette tendance connaît une accélération importante lorsque les enjeux de corruption, de népotisme, de performance économique insuffisante sont associés à des personnalités influentes liées au parti au pouvoir, et conduit à une baisse drastique du réservoir de vote de l’ANC, annonçant la fin de l’ère majoritaire.

Les fluctuations dans les performances électorales de l’ANC ont démontré l’érosion de l’adhésion au projet porté par le mouvement de libération sud-africain. Il est pertinent de mettre ces changements en perspective en comparant les résultats électoraux de l’ANC avec ceux des deux autres grands partis sud-africains : l’Alliance démocratique (DA - Libéral) et les Economic Freedom Fighters (EFF – Radical). Cette comparaison nous permettra non seulement de mieux comprendre l’évolution d’un paysage politique dominé par l’ANC, mais également les logiques de vote de l’électorat sud-africain.

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Cette figure nous indique l’évolution des parts de vote entre l’ANC et ses deux principaux concurrents. À partir d’une analyse des résultats de l’EFF depuis 2013 (date de sa fondation par Julius Malema), il est possible d’observer que sa montée coïncide avec une période de crise significative au sein de l’ANC, marquée par une insatisfaction croissante concernant la gestion économique et sociale du pays, ainsi que par le déclenchement de scandales de corruption et de népotisme dans l’environnement immédiat du parti. Aussi, le positionnement à gauche de l’ANC et la promotion de politiques radicales a permis à l’EFF de capturer une portion de l’électorat traditionnellement acquis au parti de Mandela, en particulier parmi les jeunes et classes urbaines pauvres mécontentes à cause du manque de progrès en matière de redistribution économique et de terres agricoles. Cette dynamique n’est pas sans rappeler les réalignements électoraux où de nouveaux partis émergent dans le terreau de crises perçues dans les capacités des partis traditionnels à répondre aux demandes de leurs bases (Key, 1959).

En revanche, l’Alliance démocratique a connu des gains électoraux plus modestes, et sa courbe démontre qu’elle ne récupère pas (ou peu) d’électeurs déçus de l’ANC. Historiquement, le DA a ciblé des électeurs issus des minorités raciales et économiques, ce qui a limité son expansion dans des groupes électoraux plus diversifiés, posant la question d’un plafond de verre auquel le parti se heurte étant donné ses alignements idéologique et démographique antérieurs (Cox, 1999).

En définitive, bien que l’ANC reste un acteur dominant, l’érosion graduelle de son électorat profite différemment à ses principaux rivaux : l’attrition des voix de l’ANC s’opère plutôt au profit de formations issues de sa propre sphère idéologique et/ou organisationnelle, à l’instar de l’EFF.

Dans ce cadre-là, l’apparition du parti Mkhonto we Sizwe (MK Party), initiée par l’ancien président Jacob Zuma, intensifie cette tendance. Ce parti, fondé sur des bases personnelles et idéologiques issues de l’ANC, devrait poursuivre la fragmentation de l’électorat traditionnel de l’ANC, d’autant qu’il s’est approprié un des symboles les plus forts de la lutte contre l’apartheid : la milice armée fondée et dirigée par Nelson Mandela, ancien bras armé de l’ANC. Jacob Zuma, en reprenant ce nom historique, cherche non seulement à invoquer l’héritage révolutionnaire mais également à se positionner comme le sauveur de l’essence originelle de l’ANC. En déclarant vouloir « sauver » le parti à travers le MK Party, il s'adresse directement à un électorat de l'ANC mécontent, promettant de restaurer les valeurs et objectifs perdus du parti. En cristallisant les frustrations nées des luttes factionnelles au sein du parti au pouvoir et en mobilisant une base militante forte autour d’une nouvelle identité politique issue de l’imaginaire collectif (Panebianco, 1988), l’ancien Président sud-africain semble être en passe d’acculer l’ANC à ne gouverner qu’à travers une coalition.

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B. Vers une recomposition politique en Afrique du Sud : analyse des sondages électoraux et impact de l'émergence du MK Party

Après avoir examiné la trajectoire historique des principaux partis en Afrique du Sud, nous allons désormais nous pencher sur l’analyse des sondages réalisés depuis juillet 2022 jusqu’aux derniers en date. Cette démarche nous permettra de décrypter les tendances actuelles et nous éclairera sur les configurations politiques possibles après les élections.

L’examen de ces sondages est important dans la mesure où il offre une perspective analytique sur les changements dans les orientations électorales en réponse aux événements politiques, économiques et sociaux récents, notamment les questions qui préoccupent l’opinion publique.

En complément de cette analyse, nous nous attacherons à examiner les implications de ces tendances sur les stratégies politiques post-électorales des principaux partis. L’analyse de ces données nous permettra d’établir des scénarios quant à la possible configuration des alliances et conséquemment, des priorités politiques du pays pour les années à venir.

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L’analyse comparative des tendances électorales dans le pays démontre une accélération de la dynamique interpartisane ces derniers mois, avec une exacerbation des changements de loyauté électorale depuis l’annonce de la création du MK Party, dirigé de facto par l’ancien président Jacob Zuma.

Les enquêtes d’opinion étudiées démontrent qu’un large consensus annonce la chute de l’ANC en-deçà de la barre des 50 % et qu’un gouvernement de coalition devra être constitué à la suite du 29 mai 2024.

Aussi, l’apparition récente du MK Party représente un élément perturbateur significatif dans le paysage politique sud-africain, plus particulièrement électoral. L’analyse des données de sondage met en évidence une redistribution des voix au sein même de la famille politique de l’ANC en faveur du nouvel arrivant.

En effet, bien que l’EFF ait également capitalisé sur la désillusion envers l’ANC, son populisme radical tranche avec le conservatisme plus traditionnel du MK Party. Aussi, l’appropriation du nom et du logo de l’ancienne branche armée de l’ANC par le nouveau venu, et l’adoption d’un discours de « sauvetage de l’ANC » lui permettent de mobiliser une base électorale significative, particulièrement parmi les fidèles du Congrès National Africain mécontents de la direction actuelle.

De l’autre côté de l’échiquier politique, le récent rebond du DA dans les sondages semble être dû en partie à l’érosion des intentions de vote envers les petits partis qui ne sont pas issus de la famille politique de l’ANC. Ce phénomène peut être vu comme un réalignement stratégique des électeurs qui, face à la probabilité d’un Western Cape gouverné par une alliance conduite par l’ANC, optent pour un vote plus consolidé vers une alternative perçue comme viable au niveau de la province.

Toutefois, il convient de nuancer l’impact à long terme du MK Party sur le paysage politique. Bien que sa création ait indubitablement créé un « effet » notable, attirant l’attention et les intentions de vote, il est possible que cet effet s’estompe à mesure que l’échéance électorale approche. En effet, en tant que nouveau parti et« invité surprise », uMkhonto we Sizwe pourrait bénéficier d’un pic d’intérêt dû à l’enthousiasme initial. Cependant, cet effet pourrait s’estomper dès lors que les électeurs examineront de plus près la viabilité du parti, qui semble reposer sur la seule personne de son leader.

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II. Scénarios de coalition et leurs implications sur l’avenir de la politique sud-africaine

A. Exploration des coalitions potentielles

À l’approche des élections, le spectre de la formation d’un gouvernement de coalition devient imminent, et les discussions entre potentiels partenaires ont d’ores et déjà débuté pour certains.

En Afrique du Sud, le système électoral de représentation proportionnelle favorise l’émergence de coalitions, d’autant plus que ce mode d’élection est moins susceptible de produire une gouvernance majoritaire. Et bien que l’ANC ait réussi à maintenir une majorité grâce à son ascendant moral lié à la lutte contre l’apartheid, sa position actuelle laisse penser qu’une nouvelle ère politique s’ouvre.

En théorie, les coalitions sont supposées améliorer la représentativité des minorités, notamment dans des pays aussi diversifiés que l’Afrique du Sud; elles favorisent la collaboration entre partis et permettent une représentation plus large et inclusive, donnant plus de légitimité aux politiques publiques grâce aux processus de décision partagée (Lijphart, 1999).

Cependant, les coalitions sont également susceptibles de souffrir d’instabilité en raison des différences idéologiques et des conflits internes, ce qui peut conduire à des gouvernements éphémères et à un cercle vicieux marqué par la fragilité des institutions électives (Tsebelis, 2002) : la nécessité de compromis continus peut diluer des initiatives politiques et retarder des réformes importantes.

Dans le contexte sud-africain, ces dynamiques prennent une importance particulière. Le pays, marqué par son héritage historique et 30 années d’une gouvernance titubante, pourrait bénéficier de la nature inclusive des coalitions pour mieux gérer ses fractures sociales et sociétales. Toutefois, la polarisation croissante et les divergences marquées entre des partis comme l'ANC, le DA, et l'EFF, ainsi que l'émergence de nouveaux acteurs tels que le MK Party, soulèvent des questions sur la capacité des futures coalitions à fournir une gouvernance stable et efficace.

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Ainsi, l’analyse des préférences de l’électorat sud-africain indique une polarisation significative des électeurs, plaçant l’ANC au centre d’un spectre politique allant de l’EFF au DA. En effet, les récents sondages suggèrent que les sud-africains préfèrent une « grande coalition », rassemblant l’ANC et un autre grand parti plutôt qu’une coalition « ANC dominée ». Toutefois, les électeurs montrent une division marquée entre le soutien à une alliance avec le DA ou avec l’EFF.

Cette dichotomie dans les préférences électorales soulève d’importantes questions sur la viabilité et la stabilité de la coalition gouvernementale future. D'une part, une coalition impliquant le DA pourrait signaler une inclinaison vers des politiques plus centrées sur les réformes économiques libérales et la gouvernance dans un cadre de droit plus strict, tandis qu'une alliance avec l'EFF pourrait entraîner une poussée vers des politiques plus radicales, notamment en matière de redistribution des terres et de nationalisation des industries clés.

L’exploration des dynamiques et implications des coalitions gouvernementales en amont des élections du 29 mai nous pousse à évaluer chaque cas de figure pour en anticiper les trajectoires politiques et économiques potentielles. Ci-après, nous allons procéder à une analyse globale de chaque coalition envisagée. Cela inclura l'examen des partenariats entre l'ANC et les petits partis, les possibles alliances avec le DA ou l'EFF, et les implications de l'émergence du MK Party dans ces arrangements. Nous explorerons comment chaque coalition pourrait influencer la gouvernance, la politique intérieure et étrangère, et la réponse aux défis sociaux majeurs.

Afin d’objectiver l’évaluation de la viabilité des potentielles coalitions, nous nous proposons de mettre en place un « indice de viabilité de la coalition ».

L’indice de viabilité de la coalition

L’indice de viabilité de la coalition est une mesure composite qui évalue six dimensions clés susceptibles d’affecter la performance et la stabilité d’une coalition gouvernementale, dans le contexte étudié dans le cadre de cet article :

1- La proximité idéologique (15 %) : ce critère évalue la similitude des programmes politiques et des idéologies entre les partis de la coalition. Une grande proximité idéologique facilite le consensus sur les politiques publiques et renforce la cohésion interne ;

2- le soutien des acteurs externes (20 %) : le présent critère considère l'approbation de la coalition par des acteurs clés tels que les électeurs, les syndicats, les groupes d'intérêt, et la communauté internationale. Un soutien externe robuste peut accroître la légitimité de la coalition et sa capacité à mettre en œuvre son agenda ;

3- l’influence du leadership (20 %) : celui-ci analyse la capacité des leaders actuels des partis coalisés à collaborer efficacement. Les leaders influents et compatibles peuvent faire face avec succès aux défis internes et externes, tandis que les conflits de leadership peuvent mener à des impasses et à l'instabilité. Dans le contexte de cet article, ce critère explore la « Ramaphosa-compatibilité » des leaders de partis tiers ;

4- la cohérence du vote parlementaire (10 %) : ce quatrième critère mesure l'alignement historique des partis dans les votes législatifs. Une haute cohérence indique une capacité à agir de concert, ce qui est essentiel pour la stabilité législative de la coalition. Pour évaluer la cohérence du vote parlementaire, nous avons procédé à une analyse exhaustive des votes effectués à l'Assemblée nationale sud-africaine pendant le dernier mandat. Cette revue systématique a permis de mesurer le degré d'alignement entre les partis sur divers enjeux législatifs, identifiant ainsi les tendances de collaboration ou de divergence qui pourraient influencer la stabilité future d'une coalition ;

5- l’expérience de collaboration au niveau local (15 %) : ce critère évalue les précédents de travail conjoint entre les partis au niveau des gouvernements locaux ou régionaux. Les expériences positives antérieures peuvent prédire une collaboration fructueuse au niveau national. Notre analyse de l'expérience de collaboration au niveau local se base sur une évaluation détaillée des coalitions formées après les élections locales de 2021. Nous avons examiné la durabilité et la fonctionnalité de ces alliances, notant les cas de succès et d'échecs, pour déterminer comment les interactions préalables entre les partis pourraient affecter leur capacité à collaborer efficacement au niveau national ;.

6- la capacité à former une majorité (20 %) : ce dernier critère évalue la probabilité que la coalition atteigne une majorité stable au parlement, essentielle pour l'adoption de législation et la survie du gouvernement. Pour estimer la capacité de chaque coalition potentielle à former une majorité parlementaire, nous avons analysé une moyenne des sondages politiques récents pour projeter la répartition des sièges au Parlement. Chaque critère est évalué sur une échelle de 1 à 10, où 10 représente une condition optimale pour la viabilité de la coalition. La moyenne de ces scores fournit l'indice global, qui peut être interprété comme suit : plus le score est élevé, plus la coalition est considérée comme viable et capable de gouverner efficacement.

NB : Il est essentiel de souligner que cet indice ne prétend pas être exhaustif. Il est conçu pour faciliter la compréhension des dynamiques potentielles au sein des coalitions gouvernementales et offrir un cadre d’évaluation qui aide à conceptualiser les différentes configurations.

 

1. Une coalition ANC dominée :

1. proximité idéologique (6/10)

La proximité idéologique entre l'ANC et les petits partis serait généralement favorable, ces derniers ayant souvent des plateformes alignées ou complémentaires à celles de l'ANC sur plusieurs questions clés. Bien que des divergences spécifiques puissent surgir, surtout sur des politiques de niche, l'influence dominante de l'ANC faciliterait généralement l'adaptation des petites formations aux directives plus larges de la coalition potentielle ;

2. le soutien des acteurs du pays (6/10)

Cette note prend en compte non seulement la satisfaction des électeurs, qui peut être modérée, mais aussi la réaction des syndicats et des alliés historiques. Bien que ces petits partis puissent ne pas mobiliser un large soutien populaire, leur capacité à rallier le soutien de groupes spécifiques ou de bailleurs de fonds pourrait jouer un rôle crucial dans la stabilisation de la coalition à moyen terme, dépendamment de leur identité politique et de leur positionnement au sein de la société sud-africaine ;

3. l’nfluence du leadership (6/10)

Les petits partis en Afrique du Sud sont souvent centrés autour d’individus influents dans des « niches politiques », ce qui peut à la fois faciliter et compliquer les dynamiques de coalition. Ces leaders pourraient négocier efficacement avec l'ANC, mais leurs ambitions personnelles ou les intérêts particuliers de la niche électorale derrière leur succès pourraient parfois entrer en conflit avec la gestion collective de la coalition potentielle ;

4. la cohérence du vote parlementaire (5/10)

Historiquement, ces petits partis tendent à aligner leurs votes avec l'ANC, surtout sur des législations majeures. Cependant, leur cohérence de vote peut être plus variable lorsqu'il s'agit de questions qui touchent directement leurs bases électorales ou leurs intérêts spécifiques, ce qui pourrait introduire une certaine volatilité dans la coalition, d’autant qu’elle comprendrait plusieurs petits partis aux intérêts parfois divergents voire antagonistes ;

5. l’expérience de collaboration au niveau local (4/10)

La collaboration entre l'ANC et les petits partis au niveau local a montré des résultats inégaux. Dans certaines régions, des alliances ont fonctionné efficacement, tandis que dans d'autres, la compétition pour le contrôle local entre l'ANC et ces partis a généré des tensions et des instabilités, réduisant ainsi l'efficacité de leur collaboration, et entrainant une instabilité chronique à la tête de certaines municipalités ;

6. la capacité à constituer une majorité (2/10)

La capacité à former une majorité stable est faible. Étant donné la fragmentation croissante du paysage politique et la performance variable des petits partis, il est improbable que cette coalition atteigne seule une majorité absolue sans le soutien de partis plus significatifs ou sans une mobilisation exceptionnelle des électeurs ;

Viabilité de la coalition :

La coalition dominée par l'ANC obtient un indice de viabilité de 5,2/10, ce qui reflète des défis substantiels malgré une compatibilité idéologique relative avec les petits partis. Aussi, il convient de noter que bien que l'ANC puisse établir certaines synergies avec ces partenaires, la coalition elle-même pourrait ne pas atteindre le seuil de majorité de 201 sièges, notamment en raison des performances électorales attendues des petits partis.

Cette configuration reflète le risque de tensions intrinsèques au sein d'une coalition hétérogène où, malgré un alignement général, des divergences sur des politiques spécifiques et les ambitions des leaders partenaires pourraient entraver la cohésion et l'efficacité gouvernementales. De plus, la dépendance de l'ANC vis-à-vis de petits partis accroît sa vulnérabilité aux fluctuations de leur soutien.

2. Coalition ANC-DA

1. Proximité Idéologique (5/10)

Cette note reflète une compatibilité modérée entre l'ANC et le DA. Les deux partis partagent certains objectifs de gouvernance mais divergent profondément sur des aspects tels que la gestion de l'économie et les politiques sociales. Ces divergences pourraient entraver leur capacité à former un gouvernement stable sans compromis significatifs.

2. Soutien des acteurs externes (6.6/10)

Bien que cette coalition soit populaire parmi les électeurs, les syndicats et certains alliés historiques des partis pourraient manifester des inquiétudes. Les syndicats, en particulier, seraient préoccupés par les politiques libérales du DA qui pourraient menacer les acquis sociaux, ce qui influerait négativement sur cette dimension de l'évaluation.

3. Influence du leadership (7/10)

Les capacités de leadership actuelles indiquent une forte potentialité de collaboration, surtout dans un contexte où des compromis pragmatiques sont nécessaires. La disposition des dirigeants actuels de l'ANC et du DA à coopérer, notamment face aux urgences nationales, et leurs orientations économiques, confèrent à ce critère une évaluation positive.

4. Cohérence du vote parlementaire (4/10)

L'analyse des votes montre que bien que l'ANC et le DA s'opposent fréquemment sur des politiques publiques et des nominations, il existe des instances où ils se sont alignés, notamment lors de votes contre des comportements jugés indésirables de l'EFF ou la destitution de certains hauts fonctionnaires. Cette capacité à s'unir sur certains enjeux spécifiques suggère une base pour la collaboration correcte, bien que limitée.

5. Expérience de collaboration au niveau local (4/10)

Les interactions au niveau local entre l'ANC et le DA démontrent souvent une compétition plutôt qu'une collaboration, car le DA cherche régulièrement à instaurer des gouvernements d’alternance là où l'ANC est en perte de vitesse. Cette dynamique locale concurrente pourrait compliquer les efforts de coopération au niveau national, mais n’est pas rédhibitoire.

Capacité à constituer une majorité (9/10)

Une coalition ANC-DA serait quasi-assurée d'une majorité confortable au Parlement, dépassant les 60 %, grâce à l'ajout potentiel de petits partis issus de la Multi Party Charter qui seraient motivés par un gouvernement stable et réformateur.

Viabilité de la coalition : 6,27/10

La formation d'une coalition entre l'ANC et le DA marquerait un tournant significatif dans l'orientation politique de l'Afrique du Sud, indiquant un pivot vers des politiques plus libérales pour l'ANC. Cette alliance, en intégrant les principes libéraux du DA, présenterait toutefois un risque politique notable au sein de l'aile gauche de l'ANC, qui pourrait se sentir aliénée et ainsi être tentée de rejoindre des formations plus radicales telles que le MK Party ou l'EFF. Néanmoins, le leadership actuel de l'ANC semble favoriser cette coalition pour des raisons à la fois politiques et pragmatiques, privilégiant une stratégie de stabilisation gouvernementale face aux défis économiques et sociaux pressants.

Cette coalition représenterait un tournant historique dans la vie politique sud-africaine, réunissant pour la première fois le parti historiquement dominant et son opposition officielle2. Elle symboliserait une réelle volonté de transcender les clivages politiques traditionnels pour répondre de manière pragmatique aux multiples défis auxquels le pays est confronté.

Avec le soutien du DA et une orientation possiblement favorable de la part des partis constituant la Multi Party Charter, cette coalition serait en position de former une majorité parlementaire solide, excédant les 60 %. Cette majorité renforcée permettrait de stabiliser l'agenda législatif et de promouvoir une gouvernance efficace, susceptible de rassurer les investisseurs et de stimuler le développement économique, tout en faisant face à des enjeux sociaux complexes.

En somme, bien que cette alliance puisse engendrer des tensions internes au sein de l'ANC et nécessiter des ajustements stratégiques profonds, elle offre la perspective d'une refondation politique majeure, capable de redéfinir les contours de la politique et de la gouvernance en Afrique du Sud.

3. Coalition ANC-EFF

1. Proximité idéologique (5/10)

L'ANC et l'EFF, bien qu'émanant de la même tradition politique centrée sur la justice sociale et économique, adoptent des approches très divergentes quant à la mise en œuvre de ces idéaux. L'EFF se distingue par une opposition systématique aux méthodes et politiques de l'ANC, ce qui crée un espace commun mais également des frictions significatives sur la manière de gouverner.

2. Soutien des acteurs externes (5.5/10)

L'alliance entre l'ANC et l'EFF est favorablement vue par une portion notable de l'électorat sud-africain, avec 24 % de soutien selon les derniers sondages. Les syndicats devraient 

accueillir positivement cette coalition, surtout si elle promeut des politiques pro-travailleurs. Néanmoins, cette alliance pourrait repousser les investisseurs internationaux et les marchés financiers qui appréhendent la stabilité politique et économique sous un gouvernement co-dirigé par l'EFF.

3. Influence du leadership (3/10)

La formation d'une coalition entre l'ANC et l'EFF entraînerait un changement de leadership au sein de l'ANC, avec un probable départ de Cyril Ramaphosa, qui préférerait éviter une coalition potentiellement nuisible pour l’aile libérale du parti. Les tensions entre les leaders des deux partis, et les risques économiques associés, diminuent la viabilité d’une collaboration entre les leaders actuels des deux partis. Un départ de Cyril Ramaphosa ferait le lit d’une telle configuration.

4. Cohérence du vote parlementaire (4/10)

Bien que l'ANC et l'EFF partagent des votes similaires sur des nominations spécifiques et des politiques de discrimination positive, ils s'opposent fréquemment sur d'autres questions législatives importantes. Cette incohérence montre que, bien que des alliances puissent être formées sur des bases idéologiques ciblées, des divergences substantielles subsisteraient, notamment en matière de politique économique, de questions de société et d’alignement international.

5. Expérience de collaboration au niveau local (2/10)

Les collaborations entre l'ANC et l'EFF au niveau local sont généralement marquées par une instabilité notable. Les exemples de Johannesburg et Ekurhuleni montrent des tensions et des menaces de rupture fréquentes, indiquant une faible capacité à maintenir une gouvernance stable et cohérente dans des configurations de coalition.

Capacité à former une majorité (7/10)

Justification : l'ANC et l'EFF, combinés, pourraient atteindre une majorité parlementaire, quoique pas suffisamment large, en particulier si l'alliance est vue comme un moyen d'effectuer des réformes significatives. Cependant, cette majorité serait précaire, et dépendrait de facteurs exogènes à la seule gestion gouvernementale.

Viabilité de la coalition : 4,55/10

La coalition potentielle entre l'ANC et l'EFF serait une alliance complexe et fragile, marquée par des divergences idéologiques significatives malgré l’appartenance à une famille politique commune. Alors que cette alliance devrait séduire des segments de l'électorat attirés par des politiques radicales et bénéficierait du soutien des syndicats, elle serait susceptible de repousser les investisseurs internationaux et affecterait négativement les relations avec les partenaires occidentaux, en raison de l'approche radicale de l'EFF.

Cette situation serait exacerbée par une incohérence parlementaire et une expérience de collaboration locale qui ont historiquement démontré des instabilités et des conflits, suggérant des difficultés à maintenir une gouvernance stable et efficace.

Bien que l'union de l'ANC et de l'EFF puisse assurer, en théorie, une majorité parlementaire, la réalité des opérations quotidiennes serait marquée par des compromis difficiles à trouver et des risques de blocages, mettant en péril la stabilité gouvernementale. La coalition pourrait dès sa constitution se révéler volatile et imprévisible.

4. Coalition ANC-MK Party

1. Proximité idéologique (7/10)

La note reflète un fort alignement idéologique entre l'ANC et le MK Party, marqué par le partage d'une base idéologique et d’une histoire politique commune. Cette compatibilité augmenterait les chances d'un consensus politique sur les grandes lignes des politiques et des réformes à mener.

2. Soutien des acteurs externes (6/10)

Le soutien des acteurs externes pour cette coalition est significatif mais pas sans réserve. Les bases militantes partagent une histoire commune qui favoriserait un soutien interne, et Jacob Zuma est réputé proche des syndicats, et devrait donc profiter de leur soutien. Cependant, l'impact sur les investisseurs et la communauté internationale serait plus nuancé, reflétant des incertitudes liées à la stabilité future du leadership politique, et les différents scandales ayant jalonné les mandats de Jacob Zuma à la tête du pays.

3. Influence du leadership (3/10)

La dynamique de leadership entre les deux partis est compliquée. Les conflits ouverts entre les dirigeants actuels, notamment entre Jacob Zuma et Cyril Ramaphosa, soulignent une possible tension au sein du gouvernement qui entraverait les chances d’une coopération efficace. La détermination de Zuma à renverser l'administration actuelle indique des défis majeurs dans la négociation et le maintien de l'unité gouvernementale.

4. Cohérence du vote parlementaire (6/10)

Malgré la création récente du MK Party, la cohérence du vote parlementaire serait relativement élevée, reflétant des objectifs partagés sur plusieurs dossiers législatifs, particulièrement ceux liés à l'héritage historique et aux idéaux de justice sociale. Cependant, il convient de noter que des différences tactiques pourraient survenir, et qu’aucune collaboration ne sera possible sous le leadership actuel de l’ANC.

5. Expérience de collaboration au niveau local (6/10)

La collaboration au niveau local pourrait être positive, compte tenu des liens historiques et des interactions entre les bases des deux partis. Les militants et les membres locaux, souvent issus de la même matrice politique, faciliteraient une collaboration conjointe.

6. Capacité à former une majorité (5/10)

L'analyse des tendances actuelles et des sondages indique que cette coalition pourrait lutter pour atteindre le seuil de majorité, avec une projection sous la barre des 50 % actuellement. Cette situation mettrait la coalition dans une position précaire, dépendante de négociations supplémentaires avec d'autres formations politiques. 

Viabilité de la coalition : 6,4/10

La coalition éventuelle entre l'ANC et le MK Party, dirigé de facto par Jacob Zuma, se fonde sur un héritage politique et idéologique commun qui favoriserait un alignement sur d'importantes réformes politiques et sociales. Cependant, les tensions de leadership entre Zuma et l'administration de Cyril Ramaphosa présentent des défis significatifs, risquant de compromettre la cohésion et l'efficacité gouvernementales sous une potentielle coalition. Bien que cette alliance puisse compter sur le soutien des syndicats et une partie de l'électorat attachée à leur héritage commun, elle susciterait des réserves sur le plan économique. Au niveau parlementaire et local, le socle idéologique commun pourrait encourager une certaine coopération, les différences tactiques et les frictions internes devraient limiter l'efficacité de cette collaboration. De plus, la capacité de cette coalition à atteindre une majorité stable est incertaine, ce qui nécessiterait un élargissement de la coalition et des risques y afférents.

PCNS

5. ANC-MK-EFF

1. Proximité idéologique : 6/10

La coalition ANC-EFF-MK combinerait des forces politiques dont les plateformes sont en partie congruentes, principalement autour de l'agitation sociale et économique. Cependant, des divergences significatives subsisteraient dans l'approche et la mise en œuvre des politiques, ce qui entraînerait des tensions internes. Cette note reflète une synergie modérée, limitée par des différences tactiques et stratégiques qui devraient compliquer la gouvernance commune.

2. Soutien des acteurs externes : 6/10

Bien que cette coalition puisse rallier un soutien populaire parmi les couches les plus défavorisées et les syndicats, en raison de son discours résolument populiste et pro-pauvres, elle risquerait de déstabiliser les relations économiques internationales et pourrait avoir un effet dissuasif sur les investissements étrangers. La rupture potentielle avec des alliés occidentaux traditionnels et la réaction négative des marchés pourraient limiter l'efficacité de cette alliance sur la scène internationale.

3. Influence du leadership : 3/10

Les dynamiques de leadership au sein de cette coalition sont particulièrement volatiles. Les relations historiquement conflictuelles entre Julius Malema et Jacob Zuma, ainsi que les possibles implications pour le leadership de Cyril Ramaphosa, qui serait contraint de démissionner, instaurent un climat d'incertitude. Ces frictions internes pourraient sérieusement entraver la capacité de la coalition à présenter un front uni et à prendre des décisions cohérentes.

4. Cohérence du vote parlementaire : 5/10

Alors que le MK Party pourrait maintenir une discipline de vote alignée avec l'ANC, l'EFF serait un facteur de risque significatif en raison de son historique contestataire. Cette disparité dans la discipline législative est suceptible d’occasionner des défis majeurs dans la gestion de l'agenda législatif de la coalition, menant à des impasses potentielles sur des issues clés.

5. Expérience de collaboration au niveau local : 4/10

Les tentatives précédentes de collaboration entre l'ANC et l'EFF au niveau local ont souvent été marquées par l'instabilité, avec des conseils municipaux confrontés à des conflits internes fréquents. Le rôle du MK Party en tant que médiateur potentiel est une variable inconnue qui pourrait soit améliorer soit exacerber les tensions existantes.

6. Capacité à former une majorité : 9/10

Malgré les défis internes et les divergences idéologiques, la coalition ANC-EFF-MK serait quasi-assurée d'obtenir une majorité parlementaire substantielle. Cette force numérique leur permettrait de mettre en œuvre un agenda législatif ambitieux, à condition que les parties parviennent à surmonter leurs différences internes et à coopérer de manière efficace.

Viabilité de la coalition : 5,6/10

La coalition envisagée entre l'ANC, le MK et l'EFF représenterait une alliance de circonstance, unissant des forces politiques aux plateformes en partie convergentes mais également marquées par des différences notables en matière de politiques et de stratégies. Cette configuration politique, tout en s'appuyant sur une base idéologique centrée sur les questions de justice sociale et économique, se heurte à des défis de cohésion interne, exacerbés par les dynamiques de leadership complexes et parfois conflictuelles. Les tensions historiques entre les leaders, notamment entre Julius Malema et Jacob Zuma, ainsi que l'incertitude concernant la position de Cyril Ramaphosa, pourraient impacter négativement l'unité et l'efficacité de l’action gouvernementale et législative.

Sur le plan externe, bien que la coalition puisse s'appuyer sur le soutien des couches les plus défavorisées et des syndicats, elle risquerait de provoquer une instabilité au niveau économique et un désalignement à l’échelle diplomatique. Au niveau législatif, la discipline de vote disparate, notamment l'approche contestataire de l'EFF, et de chantage que pourrait privilégier Zuma, entraîneraient des difficultés dans la mise en œuvre cohérente de l'agenda législatif, menant à des blocages sur des questions clés.

PCNS

La coalition qui émergera des prochaines élections en Afrique du Sud dépendra indubitablement de la faction de l’ANC qui profitera le mieux des résultats électoraux. La faction libérale souhaiterait une alliance avec le DA, tandis que celle de gauche verrait en une alliance avec le MK Party et l’EFF l’occasion idoine pour appliquer un agenda radical de transformation économique, centré autour de la réforme des terres agricoles et de la redistribution des richesses en faveur des populations noires les plus pauvres.

L'analyse n'a pas envisagé une coalition majoritaire d'opposition sans l'ANC, car les configurations actuelles, telles que le Multi-Party Charter for South Africa, ne sont pas en mesure d'atteindre seules la majorité parlementaire. De plus, des divergences idéologiques profondes entre le DA et l'EFF rendent improbable une alliance entre ces deux entités. En effet, aucune configuration sans l'ANC ne semble être capable de former un gouvernement majoritaire, soulignant ainsi le rôle central de l'ANC dans les possibilités de gouvernance future de l'Afrique du Sud.

Toutefois, il convient de nuancer cette analyse en notant la puissance de la machine électorale de l'ANC, qui serait à même, encore une fois, de déjouer les pronostics. Historiquement, l'ANC a su mobiliser une importante « réserve électorale » dans les zones rurales, une base qui lui reste largement fidèle malgré les turbulences politiques et économiques. De plus, un faible taux de participation aux élections jouerait en faveur de l'ANC, car son réseau organisé et sa capacité à mobiliser ses électeurs sont des atouts non négligeables qui lui permettraient de sécuriser une majorité plus aisément que prévu.

Cette dynamique électorale souligne la possibilité que l'ANC puisse continuer à jouer un rôle prédominant dans la configuration du gouvernement sud-africain, potentiellement en minimisant la nécessité de former des coalitions étendues ou en influençant de manière significative la composition et la politique de la coalition à venir.

Quid de la politique étrangère sud-africaine au lendemain des élections ?

À l'approche des élections du 29 mai, la question de la politique étrangère se pose avec acuité, impliquant une reconsidération des orientations diplomatiques et stratégiques du pays dans un contexte politique potentiellement transformé. L'issue de ces élections pourrait conduire à des ajustements significatifs dans la manière dont l'Afrique du Sud se positionne sur la scène internationale. Traditionnellement, la politique étrangère sud-africaine a oscillé entre une approche centrée sur l’héritage des mouvements révolutionnaires, une quête de leadership international et un engagement prudent avec les grandes puissances.

Avec l'éventualité d'une coalition gouvernementale, ces orientations pourraient subir des inflexions notables, notamment si l'ANC, qui a longtemps privilégié une politique de non-alignement, devait partager le pouvoir avec des partenaires aux vues divergentes.

Une coalition incluant des partis comme le DA pourrait faire incliner la politique étrangère vers une approche plus libérale et pro-occidentale, tandis qu'une participation de l'EFF et/ou du MK Party pourrait accentuer la rhétorique anti-impérialiste et renforcer les liens avec des États comme la Russie, le Venezuela ou l’Iran prônant des politiques économiques plus radicales.

PCNS

Conclusion

À l’orée d'une transformation inédite du paysage politique sud-africain, les élections du 29 mai 2024 revêtent une importance capitale pour l'avenir immédiat du pays mais également pour son positionnement sur la scène internationale. La nécessité de gouverner moyennant des coalitions hétérogènes et idéologiquement diversifiées préfigure un réajustement des priorités nationales et des stratégies diplomatiques, nécessitant une analyse approfondie des dynamiques à l'œuvre.

L'éventualité de voir l'African National Congress, historiquement dominant, s'allier à des partis d'opposition pour former un gouvernement de coalition, introduit une variable critique dans l'équation politique du pays. Le parti ou les partis qui s'associeront avec l'ANC auront inévitablement une influence substantielle sur les politiques intérieure et étrangère. Cette influence se traduira par la capacité à redéfinir les politiques sociales et économiques, et potentiellement à réorienter les alliances et les engagements internationaux de l'Afrique du Sud.

Cette transition vers un gouvernement de coalition, dictée par une fragmentation croissante du paysage politique, souligne la nécessité d'une gouvernance collaborative. Les partis formant l’alliance au pouvoir auront à concilier des idéologies parfois divergentes pour répondre efficacement aux défis auxquels font face les sud-africains.

Sur le plan de la politique étrangère, le spectre des orientations futures est large. Une coalition impliquant des partis comme le Democratic Alliance pourrait favoriser une approche plus libérale et pro-occidentale, tandis qu'une alliance incluant des partis comme les Economic Freedom Fighters ou le MK Party pourrait renforcer une posture plus anti- occidentale et orientée vers l’Est. Ces choix reflèteront non seulement des préférences idéologiques internes mais influenceront également la perception internationale de l'Afrique du Sud, ses relations commerciales et ses alliances stratégiques.

En conclusion, les élections de 2024 ne sont pas qu’une réitération démocratique; elles représentent un pivot historique autour duquel pourrait s'articuler une nouvelle ère politique pour l'Afrique du Sud. La manière dont les coalitions seront formées et gérées, la fusion des idéologies et l'interaction entre la politique intérieure et les relations internationales détermineront le parcours du pays dans les décennies à venir. Pour les partis politiques impliqués, l'enjeu est de taille : il s'agit de naviguer avec prudence dans un contexte de grande attente et de potentialité, où les décisions prises auront des répercussions internes et risqueraient de modifier durablement la perception de l’Afrique du Sud dans le monde.

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