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Policy Paper
Bien qu’il soit assez largement passé inaperçu en France, l’accord signé le 3 décembre 2020 entre l’Union européenne (UE) et l’Organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) représente un virage important dans les relations anciennes entre l’UE et les pays du Sud. Cette dernière a développé une politique d’aide dès le Traité de Rome en 1957, a signé le premier accord de coopération en 1963 et est aujourd’hui souvent le premier bailleur de ces pays, notamment en Afrique. L’UE prévoit, en effet, de consacrer environ 80 milliards d’euros pour son Instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale de 2021 à 2027.
Or, de la convention de Yaoundé en 1963 à l’accord du 3 décembre 2020, la politique d’aide au développement de l’UE a considérablement évolué. Alors qu’elle reposait sur le développementalisme économique, prônait une co-gestion de l’aide et priorisait les infrastructures et l’intégration dans le commerce international, elle a progressivement changé de paradigme et adopté de nouvelles orientations. L’accord de Cotonou signé en 2000 a symbolisé ce changement : la gouvernance démocratique est devenue la nouvelle référence, l’aide s’est accompagnée de priorités politiques, les grands projets d’infrastructures ont été abandonnés au profit de l’aide budgétaire et les ingénieurs ont été remplacés par des gestionnaires. Cette évolution a conduit à des conséquences préjudiciables. D’une part, l’inflation des objectifs assignés à l’aide, la subordination de l’aide à la diplomatie européenne, la prolifération des documents stratégiques et la multiplication des outils de financement ont rendu la politique européenne d’aide confuse et illisible. D’autre part, la politisation et la bureaucratisation de cette dernière ont eu raison du principe de co-gestion qui caractérisait le Fonds européen de développement.
La gestion de l’aide européenne devenant de moins en moins partenariale et de plus en plus complexe, de nombreux gouvernements du Sud s’en détournent et recourent à des bailleurs alternatifs. Si la priorisation de la sécurité et de la politique migratoire dans l’aide européenne agace certains partenaires du Sud, à Bruxelles on fustige l’absence de résultats des milliards d’aide qui leur sont fournis. De ce fait, les signes de désintérêt, voire de désaccord, se multiplient, aboutissant parfois à des tensions diplomatiques entre l’UE et des pays ACP.
L’accord du 3 décembre 2020 qui met officiellement fin à la co- gestion de l’aide et ne fait plus du développement la priorité absolue illustre ce désamour progressif entre le donateur européen et les pays aidés, et risque de se traduire dans les années qui viennent par un partenariat sans partenaires.