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Policy Paper
La souveraineté numérique européenne, entendue comme « capacité de l’Europe à agir de façon indépendante dans le monde numérique », a été érigée comme priorité par la Commission d’Ursula Von der Leyen. Du fait de la position privilégiée occupée par les entreprises américaines sur le marché européen, les efforts de Bruxelles en matière de souveraineté numérique sont scrutés de près par les décideurs politiques américains. Ces derniers considèrent souvent les initiatives européennes comme « protectionnistes » et ciblant injustement les entreprises américaines.
Toutefois, la vision américaine de la souveraineté numérique européenne a évolué ces dernières années sous l’influence de deux principaux facteurs. D’une part, la prise de conscience des effets et pratiques problématiques des plateformes a fait émerger un consensus sur la nécessité de réformer le secteur du numérique. D’autre part, la compétition technologique avec la Chine a été élevé au rang de priorité.
Cette vision demeure pleine de contradictions, suivant des lignes de fracture entre partis, au sein des partis, entre agences, entre États et gouvernement fédéral, et selon les sujets. La position de Washington sur la lutte contre les pratiques monopolistiques en est un exemple éclairant, caractérisé par un double discours entre volonté de réforme du secteur numérique américain sur le plan intérieur et une diplomatie active pour diluer ces efforts au niveau européen. Cependant, plusieurs acteurs américains – en particulier dans la branche législative – cherchent à tirer les leçons des succès et défaillances des réglementations européennes pour les projets de réformes américains, comme sur la régulation des plateformes ou la protection des données.
Le facteur Chine renforce l’ambiguïté de la position américaine. Il crée de nouvelles opportunités de coopération face à la perception de vulnérabilités communes (sécurité des infrastructures, investissements entrants, etc.) et face aux définitions autocratiques de la souveraineté numérique. Mais il suscite également crispation et incompréhension côté américain envers des réformes européennes ciblant davantage les entreprises américaines que chinoises.
Enfin, si les entreprises américaines et européennes se sont adaptées à l’exigence de souveraineté numérique à travers un éventail de solutions techniques et commerciales, la tentation d’une définition maximaliste de la souveraineté européenne continue de créer d’importants points d’achoppement, en particulier sur le cloud.